Le dossier de soins infirmiers - L'Infirmière Libérale Magazine n° 189 du 01/01/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 189 du 01/01/2004

 

Juridique

La tenue d'un dossier de soins infirmiers ne constitue pas une obligation légale, en France, contrairement à bon nombre de pays voisins. Pourtant, parce qu'il contient tous les éléments relatifs au rôle propre de l'infirmière, il permet un meilleur suivi du patient. La tenue du dossier de soins concourt très fortement à la qualité des soins et peut constituer sur le plan judiciaire une véritable pièce à conviction.

Selon le Guide du service infirmier établi en 1985 par le ministère de la Santé, le dossier de soins est constitué par un document unique et individualisé regroupant l'ensemble des informations concernant la personne. Il prend en compte l'aspect préventif, curatif, éducatif et relationnel du soin. Il comporte le projet de soins établi avec la personne soignée, les notes infirmières, ainsi que les informations spécifiques à la pratique infirmière.

À ce titre, le dossier de soins constitue un élément légal pouvant servir de preuve devant les tribunaux. Ainsi, il reste un document fondamental en cas de litige, voire une véritable pièce à conviction en cas de procès, puisque l'absence de données écrites pourrait être requalifiée par le juge comme une absence de dispense de soins.

L'établissement du dossier de soins infirmiers est aujourd'hui facultatif. La responsabilité de réaliser un dossier de soins infirmier relève du rôle propre de l'infirmière, conformément au décret du 15 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmière. Dans ces conditions, aucun médecin ni personne d'autre ne saurait s'opposer à la décision d'une infirmière de tenir un tel dossier.

UTILITÉ ET CONTENU DU DOSSIER DE SOINS

Indispensable pour la prise en charge de patients réguliers, le dossier de soins infirmiers contribue à l'amélioration de la qualité des soins en assurant leur efficacité et leur continuité. Il facilite aussi la concertation entre les différents membres de l'équipe soignante pour mieux coordonner leurs actions. Véritable outil de communication, le dossier de soins trouve aussi toute son utilité à l'égard de l'entourage. Souvent démuni psychologiquement, celui-ci est très sollicité par les questions des différents intervenants institutionnels lors du transfert d'une personne âgée ou d'un enfant par exemple. La simple existence d'un tel dossier évite une nouvelle anamnèse et suscite une participation active de l'entourage.

Le dossier de soins comporte ainsi un certain nombre d'informations, au titre desquelles on peut citer :

->les informations d'ordre civil, social et administratif : état civil du patient, documents relatifs à la prise en charge sociale du malade, nom et coordonnées de la personne référant... ;

->les informations d'ordre médical : coordonnées des médecins prescripteurs, prescriptions et protocoles... ;

->les informations relatives aux soins : fiche des soins prescrits et résumé des soins (diagnostic et objectifs), fiche de liaison, recueil de données regroupant la grille d'autonomie, les antécédents, les allergies, l'état nutritionnel...

L'infirmière doit veiller à ce que le dossier de soins ne contienne que ce qui s'avère strictement nécessaire aux soins et éviter, dans la mesure du possible, les détails relevant de la vie privée du malade. Si des mentions confidentielles doivent figurer utilement dans le dossier de soins, l'infirmière cherchera préalablement à recueillir l'accord du patient ou de sa famille.

Enfin, si l'infirmière choisit de recourir à des moyens informatiques de stockage des données contenues dans le dossier de soins, elle devra veiller à respecter les règles posées par la loi Informatique et libertés, et notamment avoir recueilli l'accord préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), ainsi que l'accord de chaque patient fiché sur le dossier de soins informatisé.

DOSSIER DE SOINS ET SECRET PROFESSIONNEL

L'établissement d'un dossier de soins est couvert par la règle du secret professionnel tout comme le dossier médical. Néanmoins, le secret peut être levé au profit des juges d'instruction agissant dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés. Ainsi, le respect de la confidentialité des informations personnelles, médicales et sociales et de la vie privée doit être garanti au patient. Reste que le secret est la propriété du malade et la condition nécessaire de la confiance qu'il porte au professionnel de santé.

Le respect absolu de la règle du secret est prévu par le Code pénal, le Code de la santé publique (obligation légale) et par le décret de compétence infirmière (obligation déontologique).

La notion de secret partagé à travers la notion de travail en réseau a été posée par la loi Kouchner de mars 2002. Elle concernent notamment les échanges d'informations nécessités par des réseaux de soins ou des modalités de prise en charge collective induites par la pluridisciplinarité des équipes soignantes.

L'échange d'informations est nécessaire à l'efficacité et à la continuité de la prise en charge, et c'est l'ensemble des professionnels en contact avec le patient qui est concerné par la règle du secret, et non pas les seuls professionnels de santé.

L'établissement du dossier de soins infirmiers, au vu de sa valeur juridique incontestable sur le plan de la preuve, ne peut donc être que vivement recommandé. En outre, pour lui donner encore plus de valeur, l'infirmière ne manquera pas de respecter quelques règles élémentaires dans la rédaction du dossier de soins :

-> nécessité de la plus grande précision possible ;

-> nécessité de dater et d'horodater chaque nouvelle intervention ;

-> nécessité surtout de signer de manière lisible chaque intervention afin que son auteur soit clairement identifiable. Les abréviations telles que AS ou IDE sont à proscrire.

Recommandations de l'Anaes

En juin dernier, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) a publié des recommandations concernant le dossier du patient, qui peuvent être téléchargées sur le site internet de l'Agence (http://www.anaes.fr). Cliquer ensuite sur "Publication", puis sur "Information médicale".

Notre expert vous répond

Qu'en est-il des demandes de communication des dossiers de soins par le patient ou sa famille ?

Désormais, la loi autorise toute personne à accéder directement et personnellement aux informations médicales les concernant détenues par des professionnels ou établissements de santé, sans plus avoir besoin de passer par son médecin traitant ou tout autre médecin désigné. Évidemment, le choix est laissé au patient, qui peut décider d'avoir accès à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il aura désigné à cet effet.

D'une manière générale, le malade peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où le malade serait lui-même hors d'état d'exprimer sa volonté. Cette désignation doit être faite par écrit et reste révocable à tout moment. Cette personne de confiance pourra aussi accompagner le malade dans ses démarches et l'assister lors des entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.

Outre les informations médicales, la communication du dossier à un patient concerne toutes les informations qui ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention, ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé : résultats d'examens, comptes-rendus de soins, protocoles et prescriptions mis en oeuvre, feuilles de surveillance...

Sont au contraire exclues de la règle de communication directe les informations recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique comme la famille ou les travailleurs sociaux, ou encore les notes personnelles non formalisées : informations sur la famille, le vécu psychologique, les éléments non définitifs de diagnostic de l'ordre de la réflexion ou de l'hypothèse.

En cas de décès d'un patient, les ayant-droits (héritiers) peuvent demander communication des informations relatives aux causes du décès, à la défense de la mémoire du défunt, ou pour faire valoir leurs droits (au titre d'une assurance décès par exemple).