Les psychothérapies soumises à la question - L'Infirmière Libérale Magazine n° 192 du 01/04/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 192 du 01/04/2004

 

Inserm

Sur le terrain

Quelles psychothérapies pour quels troubles mentaux ? En voulant répondre à cette question, les experts de l'Inserm ont jeté un pavé dans une mare déjà bien agitée par l'amendement Accoyer. À la demande de la DGS, les experts se sont attelés à l'analyse de plus d'un millier de publications internationales pour évaluer l'efficacité des psychothérapies, qu'elles soient psychodynamiques (psychanalytiques), comportementales et cognitives (dites TCC), ou familiales.

Le problème est que, pour beaucoup de professionnels, il est hors de question d'évaluer les pratiques en les dissociant du thérapeute. À cette critique, l'Inserm répond que dans la médecine somatique, les traitements aussi sont indissociables de la relation soignant/soigné, ce qui n'empêche pas de mener des essais cliniques concluants.

Mais, ajoutent les "psys", tout un volet de la psychothérapie a été oublié, notamment les thérapies dites "humanistes". L'Inserm assure avoir balayé ce qui existait dans la littérature, qui par définition n'est pas exhaustive. Et d'ailleurs, les experts ont déjà recensé plus de 200 techniques différentes de psychothérapie !

Comment évaluer l'efficacité d'une thérapie ? L'expertise de l'Inserm s'est appuyée sur l'évolution des symptômes, c'est-à-dire leur atténuation ou leur disparition au cours de la thérapie. On ne s'étonnera donc pas que les TCC, dont l'objet est précisément d'agir sur ces symptômes, soient considérées dans la plupart des cas comme les plus efficaces... Les psychanalystes s'insurgent, mais l'Inserm évoque en retour la pauvreté de l'évaluation en psychanalyse, alors que les TCC abondent dans la littérature internationale. Ce qui pose un autre problème : la surreprésentation des TCC introduit un nouveau biais en leur faveur. D'autant que la plupart de ces publications sont anglo-saxonnes, ce qui ne garantit pas nécessairement de bons résultats dans l'Hexagone, différence culturelle oblige...

La plus grosse difficulté aura été de mener une étude sur autant de fronts à la fois : l'Inserm catalogue les psychothérapies les « plus efficaces » non seulement pour les troubles anxieux, mais aussi pour ceux de l'humeur, la schizophrénie, les troubles des comportements alimentaires, de la personnalité, l'alcoolo-dépendance, l'autisme, l'hyperactivité ou les troubles des conduites. Un vrai festival !

Pourtant, les associations de patients et de familles de patients se réjouissent et là, il faut vraiment se demander pourquoi : les patients souffrent cruellement du manque de transparence et plus que tout, des "querelles de chapelles". N'oublions pas que nous ne sommes pas dans le domaine du bien-être personnel, mais de la pathologie mentale. Il s'agit de souffrances réelles menant parfois au suicide, et de soins pris en charge par la collectivité : le moins que l'on puisse demander est que ces soins soient évalués. Si cette façon n'était pas forcément la bonne, elle aura au moins le mérite de mettre les professionnels en face de leurs responsabilités, et les patients en face de leur droit : celui d'être informés.

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