Médecin et infirmière : du binôme au réseau - L'Infirmière Libérale Magazine n° 192 du 01/04/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 192 du 01/04/2004

 

Initiatives en réseau

Resopad 43 travaille avec des centaines de professionnels de Haute-Loire, dans le but de « soigner et accompagner à domicile » des patients en fin de vie. Dans ce réseau, chaque cas est suivi spécifiquement par un binôme médecin-infirmière attitré.

« Permettre à tous ceux qui le souhaitent de rester à domicile dans les meilleures conditions possibles, notamment en matière de lutte contre la douleur », tel est le pari du Resopad 43, réseau de soins palliatifs basé au Puy-en-Velay (Haute-Loire). Pour y arriver, de véritables partenariats sont établis, à divers échelons, autour de patients principalement atteints de cancer (81 % des patients inclus en 2003).

PALLIER L'ABSENCE DE STRUCTURE

Même si le réseau est officiellement né avec le nouveau millénaire, l'histoire de Resopad 43 est bien plus ancienne. En effet, c'est en 1995 que des médecins et infirmières libéraux du département s'intéressent aux soins palliatifs et décident de se former en obtenant un diplôme universitaire (DU) de soins palliatifs. Ils se regroupent ensuite pour réfléchir au meilleur moyen de coordonner leurs prises en charge à domicile. De cette démarche spontanée naîtra un comité de pilotage (comprenant notamment quatre infirmières, divers professionnels libéraux, mais aussi des hospitaliers et des bénévoles) qui élaborera un projet d'organisation des soins.

En 1998, les caisses d'assurance maladie et les représentants syndicaux libéraux du département approuvent ce projet et demandent une étude de faisabilité. Les résultats montrent que plus de 300 personnes malades en fin de vie seraient concernées chaque année par la création d'un réseau de soins palliatifs.

À cette époque, le département ne possède aucune structure spécialisée dans ce domaine : non seulement les patients accèdent de façon très inégale à une prise en charge satisfaisante, mais les professionnels souffrent également d'isolement dans leur pratique.

Aussi, en mars 1998, une association voit le jour : Resopad 43 (Resopad pour Réseau de soins palliatifs à domicile, 43 pour le département de la Haute-Loire). L'association est destinée à mettre en place le réseau lui-même, qui obtiendra un agrément officiel en 2000 et sera financé sur trois ans par le Fonds d'aide à la qualité des soins de villes (FAQSV). « On devait s'arrêter en octobre 2003 mais, comme tous les réseaux agréés par la commission Soubie, on a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2004 , explique son président et cofondateur, le Dr Jacques Labrosse. Nous avons fait l'objet d'une évaluation qui s'est terminée en juin 2003 et nous allons soumettre une demande de financement par la Dotation régionale des réseaux pour 2005 ».

Dès le départ, l'association a donc fait le pari de solliciter non seulement les intervenants en soins palliatifs, mais aussi les syndicats de libéraux et les administratifs (voir encadré "Un réseau fondé sur le partenariat").

INCLURE L'ENSEMBLE DES PROFESSIONNELS

En effet, Resopad 43 tire une partie de son succès du nombre important de professionnels (relativement à la démographie du secteur) qui se sont associés à sa démarche, et à leur participation assidue. Mais il n'y a pas de miracle : pour obtenir ces adhésions, le réseau a dû batailler ferme pour que les actes effectués en soins palliatifs et le temps passé dans les réunions de coordination soient rémunérés à leur juste valeur. « On a fait plusieurs aller-retours avec la commission Soubie, mais finalement on a eu gain de cause », explique Martine Béthery, infirmière libérale et cofondatrice du réseau. La persévérance a payé, et pas seulement pour les professionnels.

Ainsi, dans le cadre du réseau, la caisse d'assurance maladie dont dépend le patient prend en charge la totalité des dépenses de soins et pratique le tiers payant. De plus, elle prend en charge (sur prescription médicale) des produits, matériels, accessoires et nutriments non remboursés habituellement. « On a une dérogation pour le matériel utilisé en soins palliatifs et habituellement pris en charge à l'hôpital, alors qu'il ne l'est pas à domicile, explique Jacques Labrosse. C'est le cas en particulier pour les compléments alimentaires, les protections, certains matériels de perfusion, etc., soit un coût moyen de 6 euros par patient et par jour pris en charge à titre dérogatoire ». Des aides sont également possibles pour l'intervention d'auxiliaires de vie. Enfin, les professionnels de santé sont rémunérés pour leur présence aux réunions et le travail de transmission des données sur les cahiers de liaison.

UN PATIENT, UN BINÔME

L'une des originalités du réseau est l'organisation de binômes médecin-infirmière autour de chaque patient. Comment cela fonctionne-t-il ? Au départ, le réseau est contacté par un professionnel, une famille ou le patient lui-même. L'infirmière coordinatrice prend alors contact avec les professionnels libéraux choisis par le patient à qui elle demande leur accord pour adhérer au réseau, et vérifie les critères d'intégration. Une évaluation des besoins est réalisée avec le médecin coordinateur. Si l'inclusion est possible, un binôme est affecté à ce patient, auprès de qui il n'intervient pas directement. Il vient en appui de l'équipe soignante, tandis que les médecins du réseau assurent une permanence téléphonique 24 h/24. « Je ne suis pas toujours avec le même médecin, ça dépend des disponibilités de chacun, explique Martine Béthery. Mais c'est toujours le même binôme pour le même patient ». Lors de son travail en binôme, qui lui prend six à dix heures par mois (pour suivre trois à quatre patients à raison d'une réunion par mois et par patient), elle est salariée du réseau.

UNE RÉUNION PAR MOIS

Les binômes organisent une réunion de synthèse pour leur patient, environ une fois par mois. Il s'agit de regrouper tous les intervenants de soins autour du patient (médicaux et paramédicaux, parfois aussi l'aide à domicile) et d'organiser la mise en place puis le suivi et la réévaluation régulière des besoins du patient et des proches. Lors de la première réunion, le cas du patient est exposé à l'ensemble des intervenants (médecin, kinésithérapeute, pharmacien, aide-soignant, infirmier, bénévoles et psychologue), qui déterminent alors la conduite à tenir. La deuxième assemblée accueille la famille, en seconde partie de réunion. Par la suite, il y a environ une réunion par mois, délai qui peut être raccourci en fonction de l'état du patient. Enfin, des réunions sont également proposées post-mortem afin de reparler de l'ensemble du suivi.

« On a en plus une fois par mois une réunion de tous les binômes, avec l'assistante sociale, la psychologue, le médecin coordinateur et l'infirmière coordinatrice. On discute des cas, des démarches administratives, des difficultés qu'on a rencontrées ». Les réunions de coordination durent une heure à une heure trente et sont bien suivies, mais « le plus souvent, c'est l'équipe soignante qui fait barrage », explique Martine Béthery qui évoque « la peur d'être jugés sur leurs pratiques ».

LE PARI DE LA FORMATION

Pourtant, elle qui a également des patients en tant que soignante (avec le soutien d'un autre binôme du réseau) trouve que « ça aide : on ne se rend pas toujours compte qu'on ne colle pas avec la demande du patient, on fait parfois des erreurs sans en être conscient ». Et de citer l'exemple d'un médecin qui « était parti dans une démarche d'euthanasie, alors qu'en prenant par la suite le temps d'en parler avec la patiente, avec un point de vue extérieur, on s'est aperçu que cette personne ne voulait pas souffrir, mais ne voulait pas mourir non plus ».

« Les professionnels salariés par le réseau pour la coordination sont formés en soins palliatifs avec le DU, ce qui représente une vingtaine de personnes », explique Jacques Labrosse, tandis que « les adhérents, c'est-à-dire l'ensemble des professionnels (près de 300) qui ont ou ont eu un malade dans le réseau, s'engagent à suivre un certain nombre de formations ». En effet, les fondateurs du réseau estiment que « la pratique des soins palliatifs d'0une part, et le maintien à domicile d'autre part, induisent de nouveaux comportements, une nouvelle façon de soigner, de nouvelles relations entre les acteurs médicaux et sociaux », nécessitant une formation spécifique. Pour autant, le réseau n'a pas encore tout à fait réussi à faire admettre ce postulat, puisque le projet de départ, dont le volet formation était très important, n'a pas pu être mis en oeuvre tel que : « On s'est aperçu qu'on manquait de monde pour le faire », explique Martine Béthery.

POUR UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE

Dans l'attente d'un nouveau financement pour 2005, les membres du réseau s'interrogent sur leurs priorités. En effet, la mise en place d'une nouvelle enveloppe est conditionnée par des choix drastiques : « On avait des dérogations tarifaires, explique Jacques Labrosse. Mais à l'avenir, soit il faudra qu'on les supprime, soit on les intègrera sous une autre forme ». Ainsi, les forfaits mensuels qui étaient proposés aux professionnels de santé vont devenir des forfaits à la réunion. Et surtout, « on avait prévu pour les infirmières que tous les actes soient rémunérés à taux plein, par dérogation, mais on ne pourra pas maintenir cette dérogation », ajoute le président, qui espère cependant, dans le cadre des revendications de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) à laquelle adhère le réseau, qu'un changement de nomenclature sera bientôt possible. Une fois de plus, derrière le travail local de quelques professionnels, ce sont des enjeux bien plus importants concernant non seulement les soins palliatifs, mais la place des soins en général, qui se profilent.

En chiffres

- Intégrations de patients :

-> 34 en 2001,

-> 72 en 2002,

-> 68 en 2003,

soit un total de 174 patients.

- Répartition des inclusions dans le réseau selon les demandeurs (sur l'ensemble de la période 2001-2003).

FB

Un réseau fondé sur le partenariat

L'association Resopad 43 accueille des membres de droit répartis en 5 collèges - schéma ci-dessous.

Par ailleurs, toute personne intéressée par les soins palliatifs à domicile peut devenir membre de l'association.

Le Conseil d'administration comprend les membres de droit à l'exception des représentants du Conseil Général et de la Ddass (qui siègent à titre consultatif) et 15 représentants des membres actifs.

Membres de droit

Collège 1

Caisses d'assurance maladie (6 personnes)

-> 2 représentants de la Cpam,

-> 2 représentants de la MSA,

-> 1 représentant de la CMR,

-> 1 représentant de la Mutualité.

Collège 2

Professionnels de santé intervenant à domicile (8 personnes)

-> 3 représentants des syndicats départementaux de médecins,

-> 2 représentants des syndicats départementaux des infirmiers,

-> 1 représentant ades syndicats départementaux des masseurs kinésithérapeutes,

-> 1 représentant des syndicats départementaux des pharmaciens,

-> 1 représentant des centres de soins.

Collège 3

Établissements de santé (4 personnes)

-> 2 représentants des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux,

-> 1 représentant de l'hospitalisation privée,

-> 1 professionnel de santé représentant les structures hospitalières de soins palliatifs.

Collège 4

État et collectivités locales (4 personnes)

-> 2 représentants du Conseil Général,

-> 1 représentant de l'Association des maires,

-> 1 représentant de la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale.

Collège 5

Associations d'Aide, de bénévoles et d'usagers (4 personnes)

-> 1 représentant des Ssiad,

-> 1 représentant des associations d'aide à domicile,

-> 1 représentant des associations de bénévoles,

-> 1 représentant des usagers.