Resiladom, un réseau d'entraide et de soins en Gironde - L'Infirmière Libérale Magazine n° 194 du 01/06/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 194 du 01/06/2004

 

Initiatives en réseau

Créé en 2002 dans la région de Bordeaux, le réseau Resiladom s'efforce de trouver ses marques et de définir ses priorités au fil du temps. Un vrai travail de structuration, dévolu principalement aux infirmiers libéraux qui le composent et l'animent.

La région Aquitaine ne manque pas de personnalités actives, en particulier dans le domaine des réseaux de santé. Mais qui dit réseau dit également structure... Un concept que beaucoup de libéraux ont encore du mal à intégrer.

GÉRER LE MALAISE

Fondée en Gironde dès janvier 2002, l'association qui donne son nom au réseau Resiladom est née de la volonté d'un groupe d'infirmiers libéraux « confrontés régulièrement à des difficultés et des incohérences dans la prise en charge des patients à domicile », comme le souligne sa présidente Marie Kateb-Viguier. Fort d'une vingtaine d'adhérents professionnels (dont également des médecins, des pharmaciens, etc.), le réseau se donne notamment pour objectif d'organiser au mieux le retour à domicile des patients sortant d'hospitalisation. « Il y a un sérieux malaise à ce niveau-là », souligne Nadia Sibille, infirmière libérale du réseau. Selon les membres de l'association, le secteur libéral n'étant « pas utilisé à plein régime de sa compétence technique », il se voit relégué par le secteur hospitalier à la simple gestion de la prise en charge sociale, qui n'est pas son coeur de métier.

Si le propos est discutable (on peut difficilement nier l'aspect social de l'hôpital, ou l'existence de la technique en libéral), la réalité varie en fait en fonction de chaque cas ; et, surtout, il est avéré que les patients ont de grandes difficultés à bénéficier de l'organisation de soins infirmiers en continuité avec leur séjour à l'hôpital.

Resiladom entend donc dès sa création « améliorer la coordination des soins ville-hôpital, harmoniser les pratiques entre les deux secteurs, développer le partage des informations », dans une logique pluridisciplinaire, accueillant toutes sortes de patients, dès lors qu'ils ont besoin d'une prise en charge.

« Concrètement, raconte Nadia Sibille, l'hôpital appelle le réseau pour dire qu'il a un patient sortant. On peut se déplacer jusqu'au service pour rencontrer les gens qui prennent en charge le patient, rencontrer la famille, voir s'il faut un lit médicalisé, une potence, puis on le met en contact avec l'infirmière du secteur. En cas de demande, nous répondons en principe "présent" dans les 48 heures... »

Pour arriver à ses fins, le réseau développe des outils à travers des contacts répétés avec les services hospitaliers (publics et privés) de la région, les services de consultations, les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et les institutionnels.

ORGANISER LES SOINS

Le principal de ces outils est la mise en place d'une permanence téléphonique fondée sur un numéro d'appel centralisé, « géré par des bénévoles membres de Resiladom, à raison d'une permanence par semaine », comme le souligne Marie Kateb-Viguier. « Chaque adhérent d'astreinte téléphonique dispose d'une fiche de gestion des appels et d'une fiche de recueil d'informations patient qu'il fait remonter au Bureau. »

Parallèlement, un dossier de soins infirmiers à domicile est mis en place selon les recommandations de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes). Il comporte une fiche d'identification avec des données administratives, une fiche de soins prescrits, une fiche de soins relevant du "rôle propre", une fiche pour les surveillances spécifiques et, surtout, une fiche de liaison ville-hôpital. Cette fiche de synthèse « part, sous enveloppe, dans le service. C'est assez apprécié par les hospitaliers et c'est déjà un premier pas », explique Marie Kateb-Viguier qui ne cache pas les réticences qu'il faut vaincre pour arriver à se faire entendre par l'hôpital... Pour les adhérents, le réseau organise également des réunions d'information « aux quatre coins du département », ainsi que des ateliers ou « après-midi techniques » sur des thèmes précis. Ces rencontres permettent d'échanger les pratiques et d'écouter les conseils de membres du réseau qui ont suivi une formation spécifique universitaire, le plus souvent sous forme de diplômes d'université (DU plaies et cicatrisation, DU douleur, DU hygiène et sécurité...).

« Il y a des difficultés à adhérer, à écrire, à intégrer des procédures, explique Marie Kateb-Viguier ; les ateliers servent aussi à relire les dossiers de soins, à montrer aux infirmières libérales que les dossiers peuvent être utiles pour elles. Ils sont ouverts aux adhérents, qui peuvent venir avec quelqu'un. »

Enfin, un site Internet permet de maintenir le lien et d'informer les adhérents en permanence, grâce à un accès sécurisé. « Ce site nous permet d'être au courant de ce qui se passe (congrès, formations, petites annonces...) et nous donne des infos sur la réglementation », explique Madame Sibille, qui apprécie aussi les réunions permettant de discuter « quand on a un cas difficile ».

Mais toutes ces activités ne se font pas sans mal : « Il y a des limites au bénévolat », comme le souligne l'ancien président et co-fondateur du réseau, Yann Bénéteau. Il faut en effet tenir la permanence, organiser les réunions (avec force mails, courriers, déplacements...), aller voir les services hospitaliers pour établir la coordination, mettre en place les dossiers de soins.

À LA RECHERCHE DE FINANCEMENTS

Afin de pérenniser le système, les membres de Resiladom ont monté un dossier de demande de financement à destination du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (Faqsv). Malgré la motivation des membres, le dossier a été refusé : « Il n'était pas suffisamment clair ou précis pour l'Urcam, on n'avait pas de soutien réel de services hospitaliers, analyse Marie Kateb-Viguier. On est en train de revoir le concept de coordination ».

En réalité, si le Faqsv se dit prêt à soutenir les initiatives nouvelles, il demande aussi un minimum de garanties. Le fait que le réseau ne compte pas plus de vingt membres - qui plus est non-hospitaliers - et qu'il ne puisse s'enorgueillir que de la prise en charge de six patients peut faire imaginer qu'il ne bénéficie pas encore d'un soutien suffisant de la part des professionnels.

Dans la réalité, comme le remarque Nadia Sibille, « les gens ont l'air très intéressé quand on en parle, mais, pour adhérer, ils sont toujours réticents » ; sans parler du fait que les libéraux sont plutôt habitués à travailler seuls ni des relations ambiguës, pour ne pas dire méfiantes, qu'entretiennent ville et hôpital. Même si de nombreux contacts ont été établis avec les services, aucun d'entre eux n'a été formalisé par une convention ou autre, qui aurait pu être produite dans le dossier.

Par ailleurs, l'aspect polythématique du réseau (qui accueille aussi bien des malades cardiaques que diabétiques...) rend plus difficile la visibilité pour les membres du Faqsv, qui ont du mal à bien comprendre le parcours du patient dans un tel système. De toute façon, explique Marie Kateb-Viguier, « coordonner les soins des patients toutes pathologies confondues, sur tout le département, compte tenu de la multiplicité des structures et des organismes, relève d'un travail colossal qui ne peut pas être entrepris d'un seul tenant ». Au final, le bureau du Faqsv estime que « le plus apporté au patient n'a pas été mis en évidence » et donne une réponse négative « avec prière de revoir notre copie ».

LES MÉANDRES DU FAQSV

Le refus du bureau du Faqsv signifie-t-il pour autant qu'il faille abandonner la partie ? Que nenni ! Il s'agit plutôt de recadrer le travail, afin de le faire coller aux contraintes auxquelles est soumis le Fonds. Ce dernier, qui fonctionnera jusqu'en 2006 avant de laisser définitivement sa place à la Dotation nationale (ou régionale) des réseaux, la DNDR (ou DRDR), attribue ses financements sur décision d'un Bureau national pour les réseaux d'envergure... nationale, et sur décision d'un Bureau régional pour les autres.

Disposant pour l'ensemble de la France d'un « montant maximal des dépenses de 106 MEuro(s) » pour 2004 pris sur les fonds inter-régimes d'assurance maladie, décliné au niveau régional, le Faqsv est destiné exclusivement aux professionnels de santé exerçant en ville et donne des subventions pour un an, sans possibilité de dérogations tarifaires - contrairement à la DNDR dont les attributions sont plus larges. Cette dernière est une enveloppe de l'Ondam et ses fonds sont accordés pour trois ans sur décision conjointe de l'Urcam et de l'ARH.

Qui prend les décisions d'attribution pour le Faqsv ? Elles reviennent à un Bureau régional, dont les choix sont fondés « sur l'expérience qui laisse penser que c'est la mise en place des réseaux qui est difficile. Les réseaux ne peuvent répondre d'emblée aux critères imposés par l'enveloppe réseaux, surtout ceux qui sont mis en place par les libéraux », explique Marie-Christine Keters, responsable du département Innovation en organisation des soins à la Cnam. Le Bureau attribue des aides sur la base des orientations arrêtées par un Comité régional de gestion du Faqsv, lequel définit, à partir des orientations nationales, un certain nombre de priorités régionales et les conditions d'attribution des subventions. Le Bureau, présidé par le président de l'Urcam, comporte deux membres du conseil d'administration de l'Urcam, deux représentants des professionnels et établissements de santé et une personnalité qualifiée.

À partir de là, le Faqsv a vocation à financer, exclusivement ou en partenariat, « toute action concourant à l'amélioration de la qualité de la prise en charge globale de la santé du patient, mise en oeuvre par les professionnels de santé libéraux, qui interviennent dans tous les secteurs y concourant ».

Les orientations nationales sont fixes, et les mêmes pour tous : promotion de la coordination entre libéraux d'une part et entre ville et hôpital d'autre part, amélioration des pratiques professionnelles (démarche qualité, référentiels communs), développement et partage des informations et développement de l'évaluation des pratiques professionnelles.

En Aquitaine, le comité du Faqsv a défini deux types d'orientations régionales. Les premières sont d'ordre général, comme l'interdisciplinarité ou la réduction des inégalités. Les secondes relèvent de la santé publique, et correspondent aux besoins spécifiques de la population régionale. Elles concernent notamment les personnes dépendantes, l'optimisation des processus de prise en charge, la permanence et la continuité des soins ou la lutte contre la douleur.

SE RESTRUCTURER EN CONSÉQUENCE

Le refus de financement ne se fait pas de façon brutale : il est motivé et expliqué. En conséquence, les membres du Resiladom ont maintenant les moyens de réviser leur projet, ce qu'ils ne se sont pas privés de faire. « On va remonter un dossier plus orienté par rapport aux liens avec l'hôpital. Il faut arriver à être un peu conforme à ce qui se passe dans les services », explique la présidente, qui estime que le manque de formalisation des actions du réseau est l'une des causes majeures du refus. Pour arriver à une meilleure adéquation entre le mode de fonctionnement des libéraux et celui de l'hôpital, le réseau a entrepris une étude de faisabilité en analysant les mouvements et la prise en charge des patients à leur sortie de l'hôpital.

Plus globalement, des ré-orientations du réseau sont envisagées. Tout d'abord, le travail va se recentrer sur certaines pathologies, « en commençant par les prévalents et en créant une cellule de coordination ville-hôpital à chacun », explique Marie Kateb-Viguier. Déjà « très avancée autour de la gestion des plaies », grâce à des modules de formation et à la présence de référents plaies et douleur en ville et à l'hôpital, l'équipe commence à « travailler sur le patient diabétique ». Parallèlement, pour plus de visibilité et une meilleure organisation, Resiladom découpera le département en six zones, dont certaines sont déjà bien quadrillées grâce à une collaboration avec un autre groupement d'infirmiers libéraux. À terme, l'objectif est de former des référents dans chaque zone, et d'enclencher un « processus pédagogique » comprenant la « mise à jour de connaissances sur le thème concerné » et la « sensibilisation à la tenue du dossier de soins et travail en réseau ». Enfin, les membres du réseau prévoient la « rémunération des permanents téléphoniques, à raison de 50 Euro(s) par semaine d'astreinte, jusqu'à ce que nous ayons un local et un salarié », ainsi que la mise en place de « nouveaux partenariats ».

Forts de ces éléments, les membres de Resiladom espèrent obtenir une réponse positive du Faqsv qui leur permettrait de former correctement leurs adhérents, de bénéficier d'une équipe rémunérée pour le travail de coordination et de tenue du dossier de soins, d'un local, du matériel et du personnel nécessaire à entretenir la permanence du réseau. Ainsi, ils auront utilisé à bon escient l'outil que représente le Faqsv, et qui ne consiste pas seulement en un financement : il est aussi le moyen de tester la validité de son projet et, surtout, d'apprendre à le structurer pour le rendre pérenne.

Pour en savoir plus

- Créé en janvier 2002, Resiladom est un réseau d'entraide et de soins interdisciplinaires et polythématiques initié par des infirmiers libéraux dans le département de la Gironde.

Tél. : 06 66 14 02 29

Fax : 05 57 12 06 88

Mail : resiladom@wanadoo.fr

Site Internet : http://www.resiladom.org

L'Aquitaine en chiffres

- 41 000 km2

- 2,9 millions d'habitants

- 15 à 129 habitants au km2 selon les zones

- 13,6 infirmiers libéraux pour 10 000 habitants (9,8 pour la France)

- 5,14 coefficients par habitant en moyenne

Source : Urcam Aquitaine.