Sondage urinaire et prévention de l'infection - L'Infirmière Libérale Magazine n° 194 du 01/06/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 194 du 01/06/2004

 

Formation continue

Fiches techniques

Le sondage urinaire est un acte de soin invasif qui présente des risques importants, notamment infectieux. Il faut donc prendre de très sérieuses précautions, tant lors de la pose (ou du changement) de la sonde à demeure que lors de son entretien courant.

LE RISQUE INFECTIEUX, TOUJOURS PRÉSENT

Les urines sont normalement stériles. Mais, compte tenu des particularités anatomiques de l'appareil urinaire, leur contamination est assez fréquente. Le plus souvent, elle se fait par la voie "naturelle" ascendante. Chez la femme, l'urètre étant très court, le risque d'infection est deux fois plus élevé que chez l'homme.

Différents facteurs naturels évitent la contamination des urines (acidité, os molarité...). De plus, lors des mictions, le flux urinaire assure l'évacuation des germes distaux. L'efficacité de cette évacuation dépend du volume de la diurèse et de la fréquence des mictions, donc du volume d'eau ingéré. Il faut donc "boire pour éliminer" les germes. C'est-à-dire boire abondamment et uriner (assez) souvent. A contrario, boire peu et se retenir d'uriner sont des facteurs de risque d'infection urinaire.

Si le malade porte une sonde urinaire, la contamination est alors beaucoup plus fréquente. Elle est le plus souvent liée aux pratiques de soins (comme la pose, le changement ou la manipulation de la sonde). Néanmoins, certains facteurs de risque sont également liés au patient et à son environnement.

DÉFINITIONS

- Le sondage urinaire est la mise en place d'une sonde dans la vessie, par le méat, en suivant l'urètre, de façon atraumatique et indolore, et en respectant des règles d'asepsie rigoureuses.

- La colonisation urinaire est une bactériurie asymptomatique (absence de dissémination tissulaire et de signe clinique).

- L'infection urinaire est une bactériurie symptomatique (caractérisée par une invasion tissulaire et des signes cliniques).

SONDAGE URINAIRE : ATTENTION, DANGER !

Chez les patients porteurs d'une sonde urinaire, la contamination peut se faire de deux manières : par la voie extra-luminale (c'est-à-dire dans l'interstice situé entre la sonde et la muqueuse) ou par la voie intra-luminale (par déconnexion du système clos normalement constitué par la sonde et la poche de recueil des urines).

- La contamination par la voie extra-luminale est la plus fréquente (contamination endogène). Les bactéries gagnent la vessie par voie ascendante péri-urétrale à partir de la flore loco-régionale. Ce mode de colonisation est attesté par la fréquente similitude qui est observée entre les flores urinaire et digestive (dans 30 % des cas de bactériuries chez l'homme et 70 % chez la femme).

- La contamination par la voie intra-luminale est d'origine exogène. Dans ce cas, c'est le contact avec les mains des soignants (ou avec du matériel souillé) qui est à l'origine d'une colonisation rétrograde de la vessie. Il s'agit alors d'une contamination manuportée, survenant le plus souvent lors de la pose de la sonde ou lors de manipulations ultérieures (déconnexion accidentelle du système clos).

L'implantation bactérienne sur la paroi vésicale est facilitée par les micro-lésions dues à la sonde et au ballonnet, ainsi que par les adhésines sécrétées par certaines espèces bactériennes. Le biofilm qui apparaît à la surface interne du cathéter ou de la vessie permet aux bactéries de s'encapsuler, limitant l'efficacité des traitements antibiotiques et constituant un réservoir d'infection persistante et récidivante. Les bactéries en cause (E. coli, P. æruginosa, entérocoques, staphylocoques...) sont souvent résistantes aux antibiotiques.

MESURES DE PRÉVENTION

Le sondage vésical doit être limité au maximum, tant dans ses indications que dans sa durée. L'incontinence isolée n'est pas une indication de sondage vésical à demeure. Les méthodes alternatives au sondage (protections absorbantes à usage unique, étuis péniens, sondages évacuateurs itératifs...) présentent un moindre risque d'infection et doivent être préférées chaque fois que possible. L'utilisation du "sondage vésical clos" est impérative dans tous les cas, quelle que soit la durée prévisible du sondage.

CARACTÉRISTIQUES DU "SONDAGE VÉSICAL CLOS"

- Le "système clos" est un principe qui correspond à la fermeture complète du système d'évacuation urinaire. La sonde urinaire et le sac collecteur sont connectés avant la pose et ne doivent jamais être déconnectés avant la fin du sondage.

- Le "sondage vésical clos" présente les caractéristiques suivantes :

-> le sac de recueil des urines est connecté à la sonde urinaire avant la pose ;

-> la sonde urinaire et le sac de recueil des urines sont posés et enlevés ensemble ;

-> la sonde et le sac restent solidaires pendant toute la durée du sondage. Aucune déconnexion, même temporaire, ne doit être effectuée ;

-> la vidange du sac s'effectue de manière aseptique par un robinet inférieur ;

-> les prélèvements s'effectuent de manière aseptique par une bague prévue à cet effet ;

-> Les lavages et irrigations de la vessie sont formellement déconseillés, car ils augmentent le risque d'infection urinaire nosocomiale.

LES FACTEURS DE RISQUE INFECTIEUX

- On distingue les facteurs de risque intrinsèques (ou endogènes, c'est-à-dire liés à l'individu, comme le sexe, l'âge ou l'hérédité) des facteurs de risque extrinsèques (ou exogènes, c'est-à-dire liés à l'environnement et aux conditions de vie).

-> Les facteurs intrinsèques :

- le sexe (le risque étant deux fois plus élevé chez la femme) ;

- l'âge élevé (supérieur à 50 ans) ;

- la gravité de l'état pathologique ;

- la colonisation préalable du méat urinaire ;

- les antécédents d'antibiothérapie à large spectre ;

- les antécédents de manoeuvres instrumentales (cystoscopie, pyélostomie, résection endoscopique de prostate...) ;

- la présence d'un obstacle (lithiase) ou d'une malformation (provoquant une stase urinaire, avec hyper-pression en amont et diminution du flux urinaire en aval) ;

- une vidange vésicale incomplète ;

- l'existence d'un reflux urinaire (faisant remonter les germes dans la vessie) ;

- l'existence d'une infection de voisinage (contamination vaginale ou digestive) ;

- le mauvais état général du patient ;

- la grossesse ;

- la restriction hydrique.

-> Les facteurs extrinsèques :

- l'existence d'un sondage urinaire (le risque infectieux augmentant avec la durée du cathétérisme vésical) ;

- des antécédents urologiques (cystoscopie, chirurgie...) ;

- les fautes d'asepsie (lors de la pose de la sonde ou, ultérieurement, par déconnexion accidentelle du système clos) ;

- une mauvaise hygiène des mains lors des diverses manipulations ;

- une mauvaise hygiène loco-régionale ou même générale.

PRÉVENTION DU RISQUE INFECTIEUX

- Pose de la sonde urinaire

-> Réaliser la pose de la sonde après la toilette du patient (douche si possible) et la réfection du lit (avec aide si possible).

-> Vérifier la propreté de l'environnement immédiat (lit, draps...).

-> Préparation du matériel.

-> Hygiène des mains (lavage simple, puis lavage antiseptique ou friction alcoolique).

-> Toilette génitale puis antisepsie uro-génitale.

-> Adapter la sonde au sac collecteur avant la pose.

-> Pose de la sonde de manière aseptique (gants et champs stériles).

- Entretien de la sonde urinaire

-> Ne jamais déconnecter le système clos (toujours effectuer les prélèvements pour ECBU [examen cytobactériologique des urines] sur le site de prélèvement).

-> Vérifier le bon écoulement des urines (toujours maintenir le sac en position déclive, sans contact avec le sol).

-> Veiller au maintien de la propreté du lit et de l'environnement immédiat.

CONSEILS POUR UN PATIENT PORTEUR DE SONDE VÉSICALE À DEMEURE

- Hygiène des mains

-> Lavage simple des mains avant et après toute manipulation de la sonde ou d'un élément du système clos.

- Hygiène corporelle

-> Toilette quotidienne de la région génito-anale et de la partie apparente de la sonde (savonnage, rinçage et séchage).

-> Pour les hommes, recalottage sur la sonde après la toilette.

-> Literie propre ; vêtements propres et non serrés ; sous-vêtements en coton, changés tous les jours.

- Surveillance de la sonde

-> La sonde ne doit ni irriter ni blesser le méat.

-> La fixation de la sonde ne doit ni couder la sonde, ni gêner les mouvements du patient.

-> La poche de recueil des urines doit toujours être maintenue en bonne position (déclivité, perméabilité, absence de contact avec le sol).

-> Vidanger la poche de recueil des urines dès qu'elle est remplie au-delà de la moitié (valve).

-> Ne jamais désunir la poche de recueil des urines de la sonde (maintien du "système clos").

-> Surveiller la diurèse.

-> Contrôler la couleur et l'aspect des urines.

- Hygiène de vie

-> Boire au moins 1,5 litre d'eau par jour (sauf si contre-indication).

-> Éviter la consommation d'aliments irritants pour la vessie (café, alcool).

-> Éviter constipation et diarrhée.

-> En cas d'incident ou de problème (écoulement au niveau de la sonde, irritation, brûlure, frisson, fièvre, douleur...), consulter le médecin.

À lire

- Anaes, Qualité de la pose et de la surveillance des sondes urinaires, Éd. Anaes, 1999.

- CTIN, 100 recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales, Éd. CTIN, 1999.

- E. Pilly, Maladies infectieuses et tropicales, Éd. 2m2, 2002.