Tout oublier, sauf la prévention - L'Infirmière Libérale Magazine n° 194 du 01/06/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 194 du 01/06/2004

 

Vacances

Formation continue

Prévenir

Les vacances constituent une période à risques multiples. Mais pas question pour autant d'emporter une valise pleine de médicaments. Mieux vaut, en fonction de la destination, donner les bons conseils de prévention et les recommandations pour bien préparer sa trousse à pharmacie.

Partir en vacances expose à des risques très variables selon la région ou le pays visités, les conditions du voyage, la durée du séjour, les activités pratiquées, l'âge et l'état de santé des vacanciers. Les personnes âgées ou fragilisées sont évidemment les plus vulnérables.

CONNAÎTRE LES RISQUES

Exposées aux mêmes risques (mal des transports, troubles digestifs, coups de soleil...) que les personnes en bonne santé, les personnes atteintes de maladies chroniques doivent, en plus, tenir compte des soins et des risques de complications inhérents à leur maladie.

- Les maux des transports

Se rendre sur son lieu de villégiature n'est pas une partie de plaisir pour ceux qui, enfants et adultes, sont victimes du mal des transports. Pour s'en prémunir, des médicaments anti-nauséeux existent sous forme de granulés homéopathiques (Cocculine®), de comprimés (Anausin®, Dramamine®, Nautamine®) ou de patch (Scopoderm® TTS). Il existe aussi des moyens externes, comme le bracelet Sea-Band®.

Ceux qui voyagent en avion et dont les sinus et les trompes d'Eustache sont spécialement sensibles à la pressurisation peuvent, au décollage et à l'atterrissage, être victimes d'otalgies et de douleurs frontales et maxillaires. Il est donc recommandé de traiter les infections ORL avant le départ et, une fois à bord, de rééquilibrer les pressions de part et d'autre des tympans en suçant des bonbons, en buvant par petites gorgées ou en réalisant la manoeuvre de Vasalva (hyperpression pharyngée, nez et glotte fermés pour ouvrir les trompes d'Eustache).

Pour les personnes sujettes à une congestion importante des cavités ORL pendant le voyage, un corticoïde d'action rapide (en gouttes) pris peu avant la descente permet de rendre l'atterrissage supportable. Il est par ailleurs conseillé, sur les vols long-courriers, de retirer les lentilles de contact : elles risquent de devenir irritantes par la réduction de la sécrétion lacrymale et la sécheresse de l'air. Enfin, il est important de prévenir le "syndrome de la classe économique" et ses complications thromboemboliques en s'hydratant correctement et en faisant quelques pas toutes les heures pour éviter la stase veineuse. Les voyageurs particulièrement à risque de phlébothrombose doivent porter des bas de compression adaptés.

- Les troubles gastro-intestinaux

La "turista", quasi inéluctable en zone tropicale, est la pathologie du voyageur la plus fréquente (50 % des personnes voyageant moins de trois semaines). Liée au niveau d'hygiène de la région ou du pays visités, elle est souvent d'origine alimentaire et bactérienne (E. coli entérotoxigène). Sa prévention consiste à ne boire que de l'eau en bouteille ou des boissons à base d'eau préalablement bouillie, à éviter les crudités et coquillages et à ne consommer que des aliments cuits et des fruits pelés.

En cas de diarrhée, boire abondamment (le cas échéant utiliser des sels de réhydratation orale en sachet ou comprimé), manger du riz, des bananes et des biscuits secs salés. Prévoir un antidiarrhéique (Lopéramide®, composé d'acétorphan) et consulter si la diarrhée ne cède pas dans les 48 heures ou si elle s'accompagne de fièvre et/ou de selles sanglantes.

Effet inverse, la constipation du voyageur est favorisée par l'immobilité durant les transports, la déshydratation et la modification de l'hygiène de vie et de l'alimentation. Sa prévention repose sur une bonne hydratation (2 litres par jour), l'ingestion quotidienne de fibres et l'exercice physique. Vous pouvez prévoir un laxatif osmotique (Forlax®, Duphalac®, Transipeg®), lubrifiant (Laxamalt®) ou un mucilage (Spagulax®).

- Les mauvais coups du soleil

Le soleil peut aussi être à l'origine de bien des maux : coups de soleil, allergies, insolations, dermatoses photo-aggravées (couperose, lupus érythémateux, herpès récurrent, séquelles de maladie de Kaposi) ou photo-déclenchée (porphyrie cutanée, urticaire solaire, lucite estivale bénigne, masque de grossesse), troubles oculaires, réactions liées à la prise de médicaments photosensibilisants, cancers de la peau...

Mieux vaut par conséquent savoir moduler la durée et les conditions d'exposition en fonction de son type de peau, tout en sachant que certaines précautions valent pour tous :

-> ne pas s'exposer entre 12 et 16 heures (les rayons verticaux pénètrent plus dans la peau) ;

-> respecter un programme d'exposition progressif (attention aux séances d'UV préparatoires : elles soumettent la peau à des doses d'UVA jusqu'à 10 fois plus puissantes que celles du soleil et entraînent un vieillissement cutané prématuré et un accroissement des risques de cancer de la peau) ;

-> protéger systématiquement les enfants par des vêtements et des écrans solaires ;

-> choisir un produit solaire ayant un indice de protection (IP) suffisant par rapport au type de peau (l'écran total n'existe pas : il filtre mais n'arrête pas les rayons du soleil) ;

-> penser à renouveler l'application toutes les heures et après chaque baignade, sans oublier la nuque et les oreilles ;

-> renouveler les produits protecteurs à chaque saison (leur durée de vie est limitée).

- Le corps douloureux

Le corps, souvent plus sollicité pendant cette période, peut réagir douloureusement, que ce soit au niveau des muscles, des articulations ou des pieds. Ainsi paracétamol, anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS), gel ou pommade anti-inflammatoire pourront être utiles.

Certains facteurs favorisent par ailleurs la survenue de mycoses et d'ampoules : humidité, chaleur, transpiration ou port de chaussures sans chaussettes. Il faut donc éviter les chaussures favorisant la macération, privilégier les chaussettes en coton, et, le cas échéant, utiliser régulièrement une poudre antifongique.

- Les infections ORL, oculaires, urinaires

L'exposition à l'eau, au vent et à la poussière, inhérente aux activités estivales aquatiques, aériennes et pédestres, favorise les infections ophtalmologiques et ORL. Leur prévention repose sur le port de lunettes solaires, de foulard et/ou de bouchons auriculaires. Par ailleurs, la déshydratation, les conditions d'hygiène parfois précaires, l'activité sexuelle plus débridée, majorent les risques d'infection urinaire basse chez la femme. Sa prophylaxie repose sur des mesures d'hygiène : porter des vêtements en coton peu serrés, bien s'hydrater, utiliser des lingettes intimes lorsque l'environnement sanitaire est précaire, utiliser des préservatifs, uriner après un rapport sexuel non protégé. Il est par ailleurs fortement conseillé aux jeunes gens de prévoir des préservatifs et un contraceptif d'urgence (Norlevo®, Vikela® ou Tétragynon®)(1) en cas d'accident de préservatif ou d'oubli (à éviter en raison du risque de MST).

- Les maladies à prévention vaccinale

Dès lors que l'on envisage des vacances dans des pays en voie de développement et a fortiori dans des pays tropicaux ou subtropicaux (12 millions de voyageurs par an), se pose la question de la prévention vaccinale. Dans ces pays, des maladies comme la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, l'hépatite A et B, la typhoïde, sont encore très fréquentes. En outre, des cas de diphtérie sont signalés dans des pays proches (ex-URSS, Algérie) et la fièvre jaune sévit encore en Afrique noire et en Amérique du Sud (bassin de l'Amazonie). Heureusement, ces maladies bénéficient d'une couverture vaccinale. Toutefois, cette protection efficace ne permet pas d'échapper à tous les risques. Raison pour laquelle il faut en outre veiller à respecter certaines précautions sur place.

-> Le paludisme et la dengue (comme la fièvre jaune) sont principalement véhiculés par les moustiques qu'il convient de combattre avec des répulsifs cutanés à base de DEET (diéthyltoluamide), à renouveler toutes les 4 à 6 heures, en fonction du taux d'humidité atmosphérique et de la transpiration du sujet. Ces répulsifs conviennent aux adultes et aux enfants de plus de 10 ans. Entre 30 mois et 10 ans, il est conseillé d'utiliser des répulsifs à base d'EHD (éthylexanediol) concentré à 30 %. L'extérieur des vêtements et les moustiquaires peuvent être imprégnés par un spray à base de dérivés de la pyréthrine (des kits d'imprégnation sont disponibles en pharmacie). Un tel traitement protège durant un mois ou six à huit lavages. Les diffuseurs électriques d'insecticide à réserve liquide sont aussi assez efficaces. La prophylaxie du paludisme peut aussi être assurée grâce à la prise d'un traitement antipaludéen adapté aux résistances et aux conditions du voyage. Selon le Centre national de référence de l'épidémiologie du paludisme, le monde a été segmenté en trois groupes de résistance avec pour chacun un protocole prophylactique.

- Dans les zones sans chloroquinorésistance (groupe 1), le traitement fait appel à la chloroquine 100 mg (Nivaquine®), à débuter la veille du départ.

- Dans les zones de chloroquinorésistance (groupe 2), la prophylaxie repose sur l'association de chloroquine 100 mg et de proguanil 200 mg (Paludrine®) ou de Savarine® (elle combine les deux molécules) débutée 4 à 5 jours avant le départ et poursuivie 4 semaines après le retour.

- Enfin, dans les zones à prévalence élevée de chloroquinorésistance, le traitement indiqué est la méfloquine (Lariam®), mais ne peut être administré aux enfants de moins de 15 kg et aux femmes enceintes. L'alternative est la Malarone®. Le traitement débute 10 jours avant le départ et se prolonge 3 semaines au retour.

-> La bilharziose est une affection parasitaire dont la prévention repose sur l'éviction des baignades dans les lacs et les rivières possiblement contaminés par des larves d'helminthes. Les précautions alimentaires déjà vues doivent être rigoureusement suivies pour éviter la turista et l'amibiase. Enfin, ne jamais marcher pieds nus pour ne pas contracter certains parasites intestinaux (anguillules, ankylostomes).

- Les piqûres, morsures, brûlures...

En vacances, pas besoin d'aller très loin pour prendre des risques. À commencer par les hyménoptères (guêpes, frelons, abeilles) dont les piqûres peuvent, chez certains sujets allergiques ou lorsqu'elles sont multiples, présenter un risque de choc anaphylactique. Il faut alors retirer le dard, aspirer le venin à l'aide d'une pompe à venin (type Aspivenin®), désinfecter le site d'injection, apposer de la glace pour apporter un soulagement immédiat et appliquer une crème apaisante. Les morsures de serpent devront être prises en charge dans le calme : allonger la victime, la rassurer pour qu'elle ne s'agite pas, prévenir le service d'urgence et, en attendant son arrivée, faire un garrot souple pour freiner la circulation lymphatique sans bloquer la circulation sanguine, et mettre de la glace. Les morsures d'araignées doivent être désinfectées et soulagées par de la glace et/ou des antalgiques (paracétamol). En France, seules sont à craindre les morsures de la veuve noire (Corse et Provence) car cette araignée injecte une neurotoxine qui provoque des myalgies, des sueurs et des douleurs abdominales justifiant une hospitalisation courte afin d'administrer un antidote à base de calcium. Enfin, ne pas oublier les dégâts occasionnés par les barbecues dont les brûlures peuvent être évitées en excluant l'usage de produits inflammables, en utilisant des gants de protection, et, surtout, en refusant l'accès aux enfants.

PRÉVOIR L'IMPRÉVU...

Concernant les voyages dans l'espace européen, il convient de retirer avant son départ un formulaire E 111 auprès de sa caisse d'assurance maladie. Ce formulaire permet à l'assuré, ainsi qu'à ses ayant-droits, d'avoir accès aux soins nécessaires dans des conditions de prise en charge identiques à celles de la France. Le patient évite ainsi l'avance des frais ou peut se faire rembourser en France les soins dispensés pendant son séjour. Ce formulaire est également valable en Suisse, en Islande, en Norvège et au Liechtenstein. À partir de juin 2004, une carte européenne remplace le formulaire E 111, qui reste valable jusqu'au 31 décembre 2004.

Pour toute autre destination, il existe avec certains pays des conventions de sécurité sociale qui permettent aux ressortissants français de bénéficier d'une prise en charge de leurs soins médicaux selon les modalités prévues par la convention(2). Dans les autres cas (Chine par exemple), il appartient au voyageur d'avancer les frais relatifs à ses soins, de présenter les factures acquittées à sa CPAM dès son retour, le remboursement des soins étant effectué (s'ils sont justifiés) sur la base de la tarification française. Cela dit, compte tenu des coûts élevés des soins médicaux et des frais d'hospitalisation dans certains pays (États-Unis par exemple), il est recommandé de se renseigner auprès de son assureur et de souscrire, si nécessaire (certains contrats ou cartes bancaires internationales offrant d'emblée cette couverture), un contrat d'assistance médicale internationale couvrant le remboursement des frais engagés et le rapatriement sanitaire.

(1) Le Tétragynon® s'obtient sur ordonnance et est remboursé par la Sécurité sociale. Le Norlevo®, remboursé sur prescription, et le Vikela® sont en vente libre en pharmacie et délivrés gratuitement aux mineures.

(2) Site Internet de la Cnamts : http://www.ameli.fr, espace assuré, rubrique étranger ; tél. du service des Relations internationales de la Sécurité sociale : 01 41 45 21 84. Les CPAM mettent aussi à la disposition des voyageurs des dépliants de service indiquant, pour chaque pays, les modalités pratiques de recours au soin.

La trousse à pharmacie

- Elle doit comporter :

-> crème solaire, stick labial en altitude, Biafine®, antiseptique local, compresses stériles, pansement à base d'hydrocolloïdes ;

-> sachets de réhydratation orale (nourrissons et jeunes enfants), lopéramide (Imodium® ou équivalent) et/ou absorbant antidiarrhéique de type Smecta® ou Sacolène® pédiatrique ;

-> paracétamol, AINS, antiémétiques, Spasfon®, antihistaminique et dermocorticoïde d'activité modérée à forte ;

-> Biafine®, gel ou pommade anti-inflammatoire, spray cryogène, bandes de contention ;

-> Aspivenin® (pour les marcheurs) ;

-> ampoule d'adrénaline (si personne à risque de choc anaphylactique) ;

-> thermomètre incassable ;

-> préservatifs ;

-> pansements, compresses, bandes ;

-> formulaire E 111 ou carte européenne...

Choc anaphylactique : conduite à tenir

- Appeler les secours en précisant le diagnostic.

- Allonger le patient et relever les membres inférieurs.

- Surveiller la tension artérielle, le pouls et la fréquence respiratoire.

- En cas de chute de la tension artérielle, faire une injection intraveineuse d'adrénaline (0,5 mg ou 1 mg) que l'on renouvellera toutes les 3 à 5 minutes en attendant l'arrivée des secours.