Virologie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 194 du 01/06/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 194 du 01/06/2004

 

Formation continue

Fiches techniques

ALERTE ROUGE SUR LES VIROSES

L'origine des infections n'est pas seulement bactérienne. Elle peut aussi être virale : grippe, diarrhées, bronchiolites, hépatites, infection à VIH, fièvres hémorragiques ou Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) peuvent faire des ravages... Viral ne veut pas dire banal.

Pourtant, en matière d'infections, la référence reste toujours l'infection bactérienne. Les infections virales (viroses) sont encore souvent considérées comme secondaires. Subalternes. Banales. Quasi négligeables... donc négligées.

Pourtant, les viroses existent. Elles peuvent même être graves. Voire, dans certains cas, très graves (sida, Sras, fièvres hémorragiques, grippe...). Mais elles sont encore, pour l'essentiel, méconnues... et leurs spécificités rarement prises en compte.

FOCUS SUR LES VIRUS

Le mot "virus" est directement issu du latin, où il signifiait "suc", "venin", "poison"... Dans son acception moderne, le mot désigne un micro-organisme infectieux qui se reproduit (réplication) à partir de son seul matériel génétique (ADN ou ARN). Il se reproduit uniquement par l'intermédiaire des cellules vivantes qu'il contamine. C'est donc un parasite absolu des cellules vivantes.

Les virus sont de très petits micro-organismes, dont la taille va de 20 à 300 nanomètres (1 nm = 10-9 m). Ils sont constitués d'une molécule d'acide nucléique d'un seul type (ADN ou ARN), protégée par une capside protéique (de forme cubique ou hélicoïdale), entourée (ou non) d'une enveloppe riche en lipides.

- Selon les combinaisons de ces différents éléments, on distingue :

-> les virus à ADN et les virus à ARN ;

-> les virus à capside cubique et les virus à capside hélicoïdale ;

-> les virus enveloppés et les virus nus (c'est-à-dire sans enveloppe).

STRUCTURE DES VIRUS

- De l'intérieur vers la périphérie du virus, on trouve l'acide nucléique, la capside et l'enveloppe (pour les virus enveloppés) :

-> l'acide nucléique (ADN ou ARN), constituant le génome viral ; c'est lui qui porte l'information génétique permettant la réplication du virus ;

-> la capside, un ensemble de protéines associées au génome viral ;

-> l'enveloppe, seulement présente chez les virus enveloppés (les virus nus n'ont pas d'enveloppe). Constituée de phospholipides et de protéines, elle confère au virus enveloppé une fragilité accrue.

Le paradoxe n'est qu'apparent. En effet, c'est la structure externe du virus (capside pour les virus nus et enveloppe pour les virus enveloppés) portant les molécules de surface qui se fixent aux récepteurs cellulaires, ce qui conditionne l'infectiosité des virus.

Les lipides de l'enveloppe sont beaucoup moins résistants que les protéines de la capside vis-à-vis de l'action de nombreux agents physico-chimiques : dessication, chaleur, pH extrêmes, détergents... Il en résulte que :

-> les virus enveloppés conservent plus difficilement leur infectiosité dans le milieu extérieur et leur transmission est surtout interhumaine directe dans un délai court ;

-> les virus nus résistent mieux dans le milieu extérieur et ils peuvent être transmis par des objets inertes, avec un délai plus long.

RÉPLICATION DES VIRUS

Les virus ne contiennent aucun organite ou système qui leur permettent de se répliquer de façon autonome. Ils ont absolument besoin d'une cellule hôte pour se multiplier. Ce sont donc des parasites intracellulaires absolus, dont la réplication se fait à partir de leur seul matériel génétique (ADN ou ARN).

- Le cycle de réplication virale est divisé en plusieurs étapes :

-> attachement du virus à un récepteur spécifique de la surface cellulaire ;

-> pénétration du virus ;

-> décapsidation (qui permet la libération du génome viral) ;

-> expression et réplication du génome viral ;

-> assemblage (qui conduit alors à la formation de nouveaux virus) et libération des virus ainsi formés.

- Quand la cellule hôte est "permissive", l'infection virale est dite "productive". La réplication virale provoque alors des dysfonctionnements majeurs au sein de la cellule, qui peuvent entraîner sa mort (lyse cellulaire).

- Quand la cellule hôte n'est pas "permissive", l'infection virale est dite "abortive". La cellule empêche alors la réplication virale, ce qui lui permet de survivre, mais au prix quelquefois d'une modification de ses propriétés (cas de certains virus oncogènes).

MULTIPLICATION DES VIRUS DANS L'ORGANISME HUMAIN

La pénétration du virus dans l'organisme humain se fait soit à travers une muqueuse (digestive, respiratoire, oculaire ou génitale), soit par effraction cutanée.

Le virus se multiplie alors dans les cellules permissives d'un site primaire, situé près de la porte d'entrée (infection localisée). Mais l'infection peut aussi se généraliser (par voie sanguine, lymphatique ou neurologique) et atteindre un organe cible à distance du site primaire (infection généralisée).

Ensuite, soit le virus est éliminé, du fait de l'action du système immunitaire, ce qui caractérise l'infection aiguë ; soit le virus persiste, et l'infection risque alors de devenir chronique (production constante de virus infectieux) ou latente (lorsque le génome viral s'exprime faiblement).

RÉSERVOIRS DE VIRUS

- L'origine du virus peut être :

-> un homme (malade ou non, hospitalisé ou non, membre de la famille... ou professionnel de santé) ;

-> une collectivité humaine (crèche, maison de retraite, hôpital, clinique, foyer privé...) ;

-> un animal (par morsure, léchage, contact direct ou indirect) ;

-> un environnement, une surface, un matériel ou un liquide biologique contaminés ;

-> une eau souillée...

NE PAS NÉGLIGER LE "PÉRIL VIRAL"

L'apparition d'une virose dépend de nombreux facteurs : structure, virulence, capacité de survie dans le milieu extérieur, mode de transmission, dose infectieuse, délai d'incubation, expression clinique de l'infection (symptomatique ou non), durée de l'excrétion virale...

Elle dépend aussi de l'environnement (climat, urbanisation, architecture, organisation des soins...), du type de soins effectués et des caractéristiques de la population concernée : enfants (pédiatrie, crèche...), personnes immunodéprimées, âgées ou handicapées qui vivent en institution, malades chroniques (insuffisants respiratoires, cardiaques ou rénaux, malades dialysés ou diabétiques...) qui ont souvent recours aux services des établissements de santé.

Contre les virus, les moyens thérapeutiques sont très limités. Les mesures préventives sont donc essentielles. Un diagnostic précoce, chaque fois qu'il est possible, permet de prendre les mesures appropriées en fonction du virus concerné et de son mode de transmission : respiratoire, digestif, transcutané... Sans jamais oublier les risques liés au manuportage, qui est toujours présent.

PARTICULARITÉS DES VIROSES

- Les viroses présentent un certain nombre de particularités :

-> les groupes à risque sont bien spécifiques : nouveau-nés, enfants (VRS, Rotavirus), soignants (AES), personnes âgées (VRS, Influenzavirus), personnes immunodéprimées (Herpesviridae, Adenovirus), greffées ou dialysées (CMV, VHB, VHC)... ;

-> les modes de transmission sont assez particuliers (voie respiratoire, contact avec du sang ou des liquides biologiques...) et doivent impérativement être pris en compte pour une prévention efficace ;

-> la durée d'incubation est très variable (parfois très courte, mais le plus souvent longue, voire très longue...), ce qui rend le risque viral finalement assez sournois ;

-> le diagnostic est difficile (en dépit des progrès de la biologie moléculaire), pourtant il doit être le plus précoce possible ;

-> les connaissances en virologie (structure, écologie des virus...) sont relativement récentes et encore évolutives ;

-> la classification des viroses est difficile et complexe (selon la famille du virus, son mode de transmission, la population concernée et le type de prévention possible) ;

-> la prévention des viroses est généralement assez "basique" (précautions standard...) ;

-> l'arsenal thérapeutique est limité (vaccins inactivés ou vivants selon le cas, médicaments antiviraux rares et souvent toxiques, agents virucides spécifiques) ;

-> le risque de transmission concerne les patients, mais aussi les professionnels de santé.

MODES DE TRANSMISSION DES VIRUS

La survie des virus hors du milieu intracellulaire est toujours limitée dans le temps. Leur transmission implique donc toujours la proximité d'un organisme infecté (que l'infection soit aiguë ou chronique, symptomatique ou asymptomatique). Les sujets asymptomatiques ou en phase d'incubation représentent le risque le plus important.

- Les viroses ont quatre principaux modes de transmission :

-> la voie respiratoire (Influenzavirus, VRS, VZV, etc.) ;

-> la voie féco-orale (Rotavirus, Coronavirus, Calicivirus, VHA...) ;

-> la voie cutanéo-muqueuse (VHS, VHB, VIH...) ;

-> l'exposition au sang et aux produits d'origine humaine (VHB, VHC, VIH, CMV...).

- Certains virus (VIH, VHB, VHC, virus des FHV...) peuvent être transmis par plusieurs voies. De plus, tous les actes invasifs, quels qu'ils soient (intervention chirurgicale, injection parentérale, cathétérisme veineux, endoscopie, hémodialyse, soins dentaires...), facilitent l'introduction directe de ces virus dans l'organisme.

- Certains virus (adénovirus, parvovirus B 19, VZV, orthopoxvirus, rotavirus, VHA, rhinovirus, Influenzavirus...) peuvent se disperser sur un mode épidémique. Ces virus sont généralement caractérisés par :

-> une élimination virale massive ;

-> l'existence d'un nombre important de porteurs asymptomatiques ;

-> une dose minimale infectante faible ;

-> une bonne résistance dans l'environnement et à l'action des virucides.

- Les professionnels de santé peuvent jouer un rôle important dans la transmission - et donc aussi dans la prévention - des viroses car :

-> ils constituent une cible privilégiée des viroses à partir de patients contaminés (AES, infection à VIH, hépatites A, B et C, grippe, adénoviroses, viroses respiratoires, gastro-entérites virales...) ;

-> ils peuvent transmettre ces infections à leur insu, surtout si elles sont asymptomatiques.

DURÉE D'INCUBATION DES VIROSES

Chaque virose est caractérisée par une durée d'incubation spécifique. Ainsi, pour la grippe, la durée d'incubation moyenne est de 1 à 3 jours. Elle est de 14 jours pour la varicelle, et de 40 jours pour la rage.

PORTAGE ET COLONISATION...

Il n'existe pas de flores virales autonomes véritables et on ne peut donc pas parler de "colonisation virale".

A contrario, il existe des portages durables de virus, qui peuvent être symptomatiques ou non. Ces portages peuvent être transitoires (VRS, Rotavirus) ou prolongés, voire définitifs (VIH et dans certains cas VHB, VHC).

Tout individu (malade, proche, soignant...) peut donc être un porteur asymptomatique. D'où l'intérêt des "précautions standard" destinées à créer des barrières physiques adaptées (notamment chaque fois qu'est pratiqué un soin à risque vis-à-vis des micro-organismes présents dans le sang) et des "précautions spécifiques" adaptées à chaque mode de transmission.

RÉSISTANCE AUX VIRUCIDES

- La sensibilité des différentes familles de virus à l'action virucide des antiseptiques et des désinfectants est très variable. Les virus enveloppés sont généralement plus sensibles que les virus nus (qui ne sont détruits que par contact prolongé avec des produits majeurs).

- Un antiseptique ou désinfectant est dit virucide vis-à-vis d'un virus donné lorsqu'il permet d'inactiver irrémédiablement le pouvoir infectieux de ce virus dans des conditions définies et, ce, en dehors des cellules de l'organisme.

- Les facteurs influençant l'activité des agents virucides sont :

-> la structure du virus (présence ou non d'une enveloppe virale) ;

-> l'importance de la charge virale initiale ;

-> le degré d'agrégation des virus ;

-> la formulation et la concentration du produit ;

-> le temps de contact, la température et le pH ;

-> la présence ou non de matières organiques.

NOMENCLATURE DES VIRUS

- Comme pour les bactéries, la classification des virus comporte plusieurs niveaux taxonomiques. Les plus utilisés sont :

-> la famille, désignée par un préfixe latin (ou grec) suivi de -viridae ;

-> le genre, désigné par un préfixe latin suivi de -virus ;

-> et enfin l'espèce, désignée, quant à elle, par l'ajout d'un nom caractéristique.

N.B. On utilise souvent des abréviations. Ex. : HSV pour l'espèce Herpes simplex virus, du genre Herpesvirus, de la famille des Herpesviridae.

LEXIQUE

AES : Accident d'exposition au sang

ADN : Acide désoxyribonucléique

ARN : Acide ribonucléique

CMV : Cytomégalovirus

FHV : Fièvre hémorragique virale

VHA : Virus de l'hépatite A

VHB : Virus de l'hépatite B

VHC : Virus de l'hépatite C

VHE : Virus de l'hépatite E

VHS : Virus herpes simplex

VIH : Virus de l'immunodéficience humaine

VNO : Virus du Nil occidental (West Nile virus)

VRS : Virus respiratoire syncitial

VZV : Virus zona varicelle

À lire

- Bia Stéphanie et coll., Sur la piste des "nouveaux" virus, Le journal du CNRS, 2004, n° 170, pp. 18-27.

- Cohen Jean et coll., Les gastroentérites virales, Éd. Elsevier, 2002.

- HCSP, Infections virales aiguës, importées, hautement contagieuses et leur prise en charge, Éd. ENSP, 2002.

- Pozzetto Bruno et coll., Les infections nosocomiales virales, Éd. John Libbey Eurotext, 2001.

- Sales François, Infections virales : attention aux enfants !, HMH, 2001, n° 41, pp. 14-20.

- Sales François, Alerte rouge sur les viroses !, HMH, 2002, n° 52, pp. 10-17.

- Saluzzo Jean-François, La guerre contre les virus, Éd. Plon, 2002.

- Saluzzo Jean-François et coll., Les virus émergents, IRD Éditions, 2004.