AILDGR : de petits moyens pour le Grand Rodez - L'Infirmière Libérale Magazine n° 197 du 01/10/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 197 du 01/10/2004

 

Initiatives en réseau

Malgré le manque de moyens, l'Association des infirmières libérales du Grand Rodez (AILDGR) présente tous les symptômes d'un futur réseau de soins. Pour autant, sa présidente n'est pas encore convaincue de l'intérêt d'en formaliser le statut.

Elle s'appelle Alda Pialat et est infirmière libérale depuis treize ans. Cela fait maintenant deux ans qu'elle préside l'Association des infirmières libérales du Grand Rodez (AILDGR). Ce, à la demande de ses consoeurs, et entre autres activités, tant professionnelles que syndicales. « Les filles voyaient que j'avais envie de faire bouger les choses », s'excuse presque cette infirmière, arrivée au libéral après une expérience en clinique à Marseille, une mutation pour des raisons familiales, un emploi en centre de soins... et un licenciement pour cause de fermeture du centre.

L'association a été créée en avril 1982 par des infirmiers libéraux. Au départ, elle était seulement destinée à organiser des "tours d'astreinte". L'une des fondatrices et ancienne présidente est décédée depuis. Aujourd'hui, avec un peu moins de 70 adhérents, soit 23 cabinets participants, l'AILDGR tente, sous l'impulsion de sa nouvelle présidente, d'élargir le champ de ses activités.

COORDONNER LES ACTIVITÉS

Au coeur de l'Aveyron, département essentiellement rural et assez montagneux (un tiers du territoire), les membres de l'association ont centré leur activité autour de la capitale locale, Rodez, et de ses environs. Une permanence de soins infirmiers est organisée grâce à la coordination des différents cabinets, qui publient chaque semaine un numéro unique dans le "bloc-note" du journal local. Tous les cabinets participants renvoient les appels automatiquement sur ce numéro, au bout duquel l'on trouve les infirmiers de garde.

Chaque semaine, deux cabinets sont d'astreinte : un "principal" et un "de renfort", même si ce dernier est rarement sollicité en pratique. Rien de très compliqué, en somme, mais encore a-t-il fallu faire le plus difficile : mobiliser les professionnels.

Pour aller un peu plus loin dans la démarche de qualité et de coordination, l'association a mis en place des groupes de travail. Concrètement, il s'agit de petits groupes d'adhérents - parmi lesquels on trouve toujours au moins un membre du Bureau de l'association servant de référent - qui se réunissent régulièrement pour étudier un thème précis. Les infirmières travaillent ainsi sur un dossier de soins commun, sur la formation, sur la mise en place de protocoles, etc.

Chaque groupe est autogéré et organise si nécessaire la répartition des "devoirs" entre ses membres. « Cela peut être : étudiez-moi les dossiers de soins de telle ou telle association d'ici la prochaine réunion, pour en retirer les points positifs ou négatifs », explique Alda Pialat. Parallèlement, le Bureau de l'association se réunit une fois par mois et prend note, via les référents, de l'avancée des travaux. Lorsque les projets sont suffisamment avancés, des actions peuvent être décidées.

METTRE EN PLACE DES ACTIONS

L'AILDGR tente d'organiser de façon régulière des sessions de formation pour ses adhérents. Pour le moment, il s'agit principalement de "petites formations" sponsorisées par des laboratoires. Elles sont proposées en soirée, parfois en partenariat avec des collègues, comme ceux du réseau Plaies et Cicatrisation de l'Aveyron. Les responsables de ce réseau étant également membres de l'AILDGR, les choses sont plus faciles à organiser... L'association a prévu par ailleurs de proposer des interventions dans les Ifsi, afin de former les élèves aux particularités de l'exercice libéral.

Enfin, l'association a contacté le Conseil départemental de l'Ordre des médecins pour organiser des formations interprofessionnelles. « Ils ont dit oui, mais pas plus de deux par an », raconte Alda Pialat, à qui l'on a expliqué que les médecins libéraux ne se déplaceraient probablement pas si le nombre des formations était trop important...

Parallèlement, l'AILDGR développe un outil utile, à la fois pour la formation et pour la gestion des soins au quotidien : il s'agit des protocoles, auquel un groupe de travail est dédié. Les thèmes abordés peuvent être aussi hétéroclites que les pansements, l'insuline, l'élimination des déchets, etc. « Il y a des filles qui ignorent certaines choses car elles ne font pas de formations et que les médecins ne leur donnent pas forcément l'information », explique Alda Pialat.

Il s'agit donc, à terme, de créer de véritables fiches de protocoles pour toutes les procédures où cela aurait un sens. Ces fiches seraient regroupées dans un classeur, mais aussi dupliquées et distribuées aux différents membres de l'association. « Avec les 30 euros environ de cotisation annuelle des adhérents, je pense qu'on peut se payer ça », estime la présidente.

UN FONCTIONNEMENT DE BRIC ET DE BROC

La remarque n'est pas anodine, car, comme dans toute association, la question du financement est cruciale et détermine une bonne part des actions.

L'AILDGR est une association qui ne vit que des cotisations de ses adhérents, ce qui est assez mince. Le siège est situé dans le cabinet de la présidente. La permanence des soins est assurée bénévolement, de même que l'animation des groupes de travail, tandis que les formations, comme on l'a vu plus haut, sont financées dans la mesure du possible par des laboratoires.

L'AILDGR profite aussi marginalement des formations assurées par le réseau Plaies et Cicatrisation, qui dispose d'un financement par le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (Faqsv), ce qui assure une relative autonomie au réseau.

Quant à l'ensemble du travail de coordination ou d'information, il est entièrement bénévole. « On se voit relativement souvent avec les collègues d'Albi, on échange beaucoup », explique Alda Pialat qui a, par ailleurs, pris contact avec les kinésithérapeutes au moment des élections à la Carpimko, « mais il n'y a pas encore eu de suite ». Et lorsque des conventions sont signées avec des centres de soins pour harmoniser la prise en charge en HAD, c'est la nomenclature qui est appliquée. Et ce, sans dérogation.

LIMITES DE LA MOBILISATION

La mobilisation des bénévoles a cependant des limites. La présidente de l'AILDGR reconnaît elle-même que certaines infirmières ont adhéré à l'association pour pouvoir bénéficier du caducée "infirmières de Rodez" permettant de se garer en ville. Un choix qui ne pourra plus se faire dans ces termes, si l'on en croit Alda Pialat. « On avait des accords tacites avec la préfecture et la mairie, il y avait une grande tolérance », raconte-t-elle en regrettant que, depuis le passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, le procureur de la République soit passé à une "tolérance zéro" selon ses propres termes. « Certains cabinets ne veulent plus aller faire de soins en centre ville car il est très difficile de se garer, et cela ne vaut pas le coup de payer 35 euros de PV pour aller faire un soin... »

Pourtant, l'AILDGR pourrait faire des demandes de financement et profiter des structures mises en place pour financer les réseaux de soins. Elle en possède les atouts : coordination des professionnels libéraux autour du patient, réel impact sur la qualité et l'organisation des soins, recherche de passerelles interprofessionnelles, contacts avec les établissements de soins, centralisation sur un secteur géographique précis, réponse à des demandes de santé publique, etc.

LE CHOIX DE LA MODESTIE

Il est vrai que le montage d'un dossier de financement est complexe : il faut présenter son projet, définir un cadre juridique, déterminer des objectifs (géographiques, démographiques, sanitaires), présenter ses partenaires - qu'il aura fallu auparavant contacter et même convaincre ! Il faut ensuite expliquer très concrètement le fonctionnement de son projet, annoncer un calendrier prévisionnel, justifier la demande de financement et expliquer en détail à quoi seront utilisés les fonds. Il faut prévoir enfin le suivi du projet dans le temps, son évaluation à partir d'indicateurs (nombre de prises en charge, etc. ). Autant d'éléments qui demandent du temps et la volonté de se plonger dans un long travail administratif.

Cependant, au bureau du Faqsv national, on assure que les professionnels ont tout à gagner à déposer un dossier. D'abord, il ne s'agit pas nécessairement de financer un réseau dans le côté le plus formel du terme ; il peut s'agir aussi d'actions de formation ou d'information des professionnels, de maisons médicales de garde, d'audit des pratiques professionnelles, voire d'évaluation des besoins en matière de prise en charge. Le Faqsv peut ainsi financer une étude de faisabilité pour la mise en place d'un réseau. De plus, déposer un dossier au bureau du Faqsv, même s'il vous est retourné (ce qui n'empêche d'ailleurs pas ensuite de l'améliorer pour le représenter autant de fois qu'on le souhaite), permet de se faire connaître et de présenter ses actions en haut lieu.

MANQUE DE RECONNAISSANCE

Or l'AILDGR souffre justement d'un manque de reconnaissance : « Quand on se manifeste, on a très peu de retours, même pour le plan canicule on nous a complètement ignorés : je suis allée le signaler à la Ddass. Depuis, j'attends toujours des réactions », déplore la présidente. Mais, parallèlement, Alda Pialat assure qu'il « ne faut pas être trop ambitieux non plus », quitte à se cantonner à la permanence des soins, « la seule chose qui fonctionne bien » depuis la création de l'association. L'avenir nous dira si l'AILDGR, malgré sa modestie, trouvera sa place parmi les réseaux de soins.

Des financements possibles

- Le Faqsv

Depuis la loi de financement de la Sécurité sociale de 1999, le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (Faqsv) permet de « soutenir financièrement les actions d'amélioration de la qualité et de la coordination des soins menées par des professionnels de santé libéraux ». Son montant est déterminé chaque année lors du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale. Créé au départ pour durer cinq ans (de 1999 à 2003), il a finalement été prolongé jusqu'en 2006, ce qui implique que les dernières décisions de financement se feront probablement vers la moitié de l'année 2005.

Parmi les projets que le Faqsv peut financer, on trouve les actions de coordination des soins (entre professionnels libéraux ou entre libéraux et hospitaliers), les programmes "d'amélioration de la qualité de la prise en charge globale du patient", les projets d'évaluation des pratiques professionnelles, ainsi que le développement du "partage des informations entre professionnels de santé". Ainsi, 80 % du Fonds est consacré aux initiatives locales, en particulier si elles répondent aux priorités régionales de santé publique. Le reste est affecté à des projets d'envergure nationale : projets inter-régionaux, développement de méthodologies d'évaluation des pratiques, formations interdisciplinaires de professionnels de santé.

Le Faqsv est géré au niveau national et régional. Pour ce dernier, c'est le comité régional de gestion, présidé par le président de l'Union régionale des caisses d'assurance maladie (Urcam), qui fixe les conditions d'attribution des budgets, tandis que le Bureau régional qui en émane statue sur les demandes présentées par les professionnels de santé. Parmi les 29 membres du Comité, on trouve des représentants du Conseil d'administration de l'Urcam, des médecins-conseils des organismes d'assurance maladie, des professionnels libéraux, des établissements de soins et trois personnes qualifiées. Pour bénéficier d'un financement par le Faqsv, il suffit de faire une demande à l'Urcam et de remplir un dossier-type. Contrairement à ce que craignent beaucoup de professionnels de santé, il est inutile de se forcer à remplir l'ensemble des cases du dossier, qui est destiné à couvrir toutes les situations possibles. Il vaut mieux ne le remplir qu'en partie, quitte à le compléter ensuite à la demande du Bureau du Faqsv. Si le projet est accepté, une convention est passée avec le bénéficiaire pour mettre par écrit les engagements de chacun et déterminer les conditions de financement, le plus souvent réalisé en plusieurs fois. Le Faqsv ne finance pas plus de 80 % d'un projet et ne court que sur une année. Il peut être renouvelé après évaluation et dépôt d'un nouveau dossier.

- La dotation régionale

Depuis 2002, les réseaux de soins peuvent faire appel à un autre mode de financement que le Faqsv. Il s'agit de la Dotation nationale (ou régionale) des réseaux, alias DNDR (ou DRDR)... Pour en bénéficier, il faut présenter un réseau suffisamment effectif ou convaincant, car le financement est beaucoup plus long que celui du Faqsv (ce dernier permet les "expérimentations") puisqu'il court sur trois ans. La DRDR s'adresse le plus souvent aux réseaux ville-hôpital et aux réseaux dont le coût de fonctionnement dépasse le montant plafond autorisé pour le Faqsv. Les dotations de la DRDR sont attribuées sur décision des directeurs de l'Urcam et de l'ARH, après avis du Comité régional des réseaux ou CRR (une instance représentative des professionnels, des administratifs et parfois des usagers).

En fait, la démarche la plus classique pour un nouveau réseau est de présenter une demande de financement auprès du Faqsv, puis d'utiliser ce financement d'un an pour installer le réseau et faire ses preuves. Ensuite, si le réseau fonctionne bien, on demande à la DRDR de prendre le relais. Cette dernière permet de financer de gros investissements (achat immobilier) ou de prendre en charge des dérogations tarifaires (forfaits de soins par exemple), ce que le Faqsv n'autorise pas.