La bronchiolite - L'Infirmière Libérale Magazine n° 197 du 01/10/2004 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 197 du 01/10/2004

 

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Prendre soin

Chaque année, avec l'arrivée de l'hiver, la bronchiolite du nourrisson revient en force. Redoutée des parents, cette maladie généralement bénigne peut, dans 90 % des cas, être traitée à domicile. Or, deux fois sur trois, l'enfant est conduit à l'hôpital, au risque d'embouteiller les services de pédiatrie et d'augmenter les risques de contagion. Une démarche qu'il convient de limiter en améliorant l'information des parents.

La bronchiolite est une bronchopathie obstructive virale, épidémique et saisonnière du nourrisson. C'est l'infection la plus fréquente des voies respiratoires basses du tout-petit. Son incidence augmente de 9 % par an depuis 1996. Chaque année, près d'un demi-million de nourrissons, soit environ 30 % des enfants de moins de deux ans, sont touchés par cette infection, avec un pic de fréquence entre l'âge de 2 et 8 mois.

L'infection débute généralement vers la mi-octobre, atteint son apogée fin décembre et se termine aux derniers jours de l'hiver (fin février). Par ses symptômes respiratoires bruyants (toux sèche, quinteuse, respiration rapide, nez qui coule et du mal à expirer), la bronchiolite inquiète très vite les parents qui, mal informés, s'affolent et se précipitent aux urgences. Elle représente ainsi le quatrième motif d'hospitalisation en pédiatrie (5,9 % des admissions) après l'appendicite (13,8 %), les douleurs abdominales généralisées (7,2 %) et la fièvre (6,8 %). Or, ainsi qu'en attestent les conclusions des experts de l'Anaes(1), l'hospitalisation n'est justifiée que dans 5 % des cas. D'où la nécessité d'améliorer l'information des familles sur la maladie afin qu'elles sachent comment réagir en présence des symptômes, à qui s'adresser, quels sont les traitements, quels sont les signes d'aggravation justifiant une hospitalisation et les mesures à mettre en oeuvre pour éviter les récidives.

UNE MALADIE CONTAGIEUSE

La bronchiolite est liée au virus respiratoire syncytial (VRS) dans 60 à 90 % des cas et au virus parainfluenzæ dans 5 à 20 % des cas. Le virus se transmet soit directement par les sécrétions contaminées à l'occasion d'une toux ou d'un éternuement, soit indirectement par les mains ou le matériel souillé. Il survit 30 minutes sur la peau et 6 à 7 heures sur les objets ou le linge. Après une période d'incubation de 2 à 8 jours, le virus se multiplie au niveau de la muqueuse nasale avant de gagner les voies respiratoires inférieures. On estime que 95 % des enfants sont infectés par le VRS avant l'âge de 2 ans. Toutefois, dans 70 % des cas, l'infection reste à l'état banal de rhume et ne se propage vers le bas appareil respiratoire que dans environ 30 % des cas. Les principaux facteurs de risque d'une primo-infection à VRS ou d'une récidive sont des facteurs environnementaux. Si la vie en collectivité est particulièrement mise en cause, le tabagisme passif est plus discuté.

MANIFESTATIONS CLINIQUES

La maladie débute par une rhinopharyngite peu fébrile associée à une toux sèche et à une obstruction nasale d'autant plus marquée que le nourrisson est jeune. Une dyspnée (difficulté à respirer, essoufflement) avec polypnée (augmentation de la fréquence respiratoire) apparaît ensuite (conséquence de l'obturation des bronchioles). Celle-ci est particulièrement fréquente chez les nourrissons en bas âge dont le calibre des bronchioles, pour des raisons anatomiques, est réduit. L'obturation des bronchioles est liée à deux phénomènes : d'une part à l'inflammation qui épaissit la paroi des bronchioles, d'autre part à la formation de bouchons muqueux secondaires à la desquamation et à la nécrose de l'épithélium cilié qui obstruent plus ou moins complètement la lumière bronchiolaire. L'expiration est "freinée" (diminution du rapport entre le temps inspiratoire et le temps expiratoire), active, poussée, plus ou moins bruyante, grésillante et sifflante (wheezing).

Les signes de détresse respiratoire (tirages intercostal et sus-claviculaire, battement des ailes du nez, alimentation perturbée) sont proportionnels au degré de l'obstruction. La polypnée agit sur la fatigue des muscles respiratoires et les troubles de la déglutition contribuent au ballonnement abdominal qui aggrave les difficultés ventilatoires. Le diagnostic est avant tout clinique (il ne nécessite aucun examen complémentaire en première intention(2)) et la prise en charge essentiellement symptomatique.

UN TRAITEMENT SIMPLE

Le traitement de la bronchiolite repose sur la mise en oeuvre concomitante de séances de kinésithérapie respiratoire et de mesures d'hygiène générale (désobstruction nasale, hydratation/nutrition, couchage, environnement). En première intention (bronchiolite inaugurale), les antibiotiques ne sont pas indiqués car ils n'ont aucune action sur les agents viraux responsables de la maladie. Ils ne seront envisagés qu'en cas de surinfection bactérienne (fièvre élevée, supérieure à 38,5 °C, pendant au moins deux jours, otite, sécrétions purulentes). Les corticoïdes et les bronchodilatateurs n'ont pas d'intérêt dans cette indication. Quant aux antitussifs et aux fluidifiants bronchiques, ils doivent être proscrits : les antitussifs parce que la toux à une fonction thérapeutique (elle permet l'évacuation des sécrétions bronchiques), les fluidifiants (mucolytiques, mucorégulateurs) parce qu'ils peuvent induire un bronchospasme (contraction spasmodique des bronches qui en rétrécit le calibre et provoque la crise d'asthme).

LA KINÉSITHÉRAPIE RESPIRATOIRE

Incontournable, « elle s'adresse à tous les enfants, quel que soit leur âge, y compris aux prématurés », explique David Lopes, kinésithérapeute dans le service de rééducation fonctionnelle de l'hôpital Robert Debré (Paris, AP-HP). « On est même amené à pratiquer des manoeuvres de désencombrement des voies respiratoires chez des prématurés intubés, ventilés. »

En France, conformément aux recommandations de la conférence de consensus de Lyon de 1994 réactualisée en septembre 2000, ces manoeuvres de désencombrement bronchique privilégient les techniques d'Augmentation du flux expiratoire (AFE) passives et lentes associées à la toux provoquée. Ces techniques ont pour but, d'une part, d'évacuer les sécrétions en les faisant remonter le plus haut possible dans l'arbre bronchique et, d'autre part, d'aider l'enfant à les expectorer. Dans un premier temps, le kinésithérapeute exerce des pressions manuelles thoraco-abdominales en phase expiratoire qui évitent le colapsus bronchique et vident l'air des bronches, entraînant l'évacuation des sécrétions vers les voies aériennes supérieures. Ensuite, la technique de la toux provoquée, déclenchée par une pression trachéale brève exercée en fin d'inspiration au-dessus de la fourchette sternale, favorise l'expectoration dirigée par le kinésithérapeute. Les séances de kinésithérapie sont réalisées tous les jours sans interruption le week-end, à raison d'une séance par jour sur une période de 7 à 10 jours maximum.

« Globalement, confirme David Lopes, une bronchiolite simple chez un enfant né à terme, mature, sans autres antécédents, nécessite 7 jours de traitement. Si l'encombrement initial est important, il est possible, dans les deux ou trois premiers jours, de réaliser deux séances de kinésithérapie respiratoire au lieu d'une. Chaque enfant doit en effet bénéficier d'une prise en charge personnalisée en fonction de l'encombrement, de ses antécédents, de la prématurité éventuelle et des cardiopathies congénitales associées, le cas échéant. Si le contexte le justifie, on peut être amené à pratiquer jusqu'à trois séances par jour. »

LES MESURES D'HYGIÈNE

Parallèlement à la kinésithérapie, les parents ont, au quotidien, un rôle important à jouer en observant quelques consignes et bonnes pratiques qu'il convient de leur rappeler en apportant les explications utiles à leur mise en oeuvre. La respiration du nourrisson étant exclusivement nasale jusqu'à 6 semaines puis naso- buccale, il convient, en premier lieu, de maintenir la liberté des voies aériennes supérieures par une désobstruction nasale systématique plusieurs fois par jour (6 à 10 fois en moyenne) de préférence avant chaque repas, avant et après la sieste et pendant ou après le bain.

- Désobstruction nasale

Cette opération consiste à réaliser des instillations nasales avec du sérum physiologique afin de nettoyer le rhinopharynx. Des doses de sérum physiologique sont vendues en pharmacie, qui permettent d'utiliser une dose par narine. Elles sont plus pratiques (une dose par instillation) et plus hygiéniques (dose unique jetable après usage) que les sprays, dont les embouts ne sont pas toujours bien nettoyés et désinfectés après chaque usage. La technique d'instillation doit être apprise aux parents et contrôlée afin de garantir son efficacité. Le nourrisson doit être placé en décubitus dorsal, tête sur le côté. Après avoir introduit l'embout de la dosette de sérum physiologique dans la narine supérieure, il convient d'exercer une légère pression (attention à l'effet "karcher", traumatique pour les muqueuses) sur le corps du flacon en plastique et de vérifier que le produit ressort par la narine inférieure. L'opération est renouvelée pour la deuxième narine en tournant la tête de l'autre côté. Une fois terminée, la tête de l'enfant doit être redressée pour laisser s'écouler le lavage résiduel.

- Hydratation/nutrition

La bronchiolite s'accompagne de difficultés d'alimentation et, dans certains cas, d'une distention thoracique (la coupole diaphragmatique gauche appuie sur l'estomac) favorisant les régurgitations. Ces problèmes peuvent être améliorés par la désobstruction nasale avant chaque repas, le fractionnement des prises alimentaires et l'épaississement des biberons (sur avis médical). « Un biberon réclame un effort énergétique très intense, commente David Lopes. Un enfant qui présente des difficultés à respirer est plus rapidement fatigué et plus enclin, en cas de fausse route ou de toux spontanée, à vomir et à perdre les bénéfices nutritionnels et hydriques de son biberon. Il est donc préférable de fractionner les repas pour éviter les phénomènes de saturation du contenu gastrique, susceptibles d'augmenter les risques de reflux. Il est également important de veiller à ce que les apports hydriques de base (100 à 110 ml/kg/j pour le nourrisson de moins de 6 mois, 80 ml/kg/j au-delà) soient maintenus, car un bon apport liquidien au niveau des muqueuses hydrate les sécrétions qui encombrent les poumons et facilite leur évacuation kinésithérapique. Enfin, il faut préciser aux mamans qu'un enfant qui absorbe moins de 50 % de ses apports alimentaires journaliers relève d'une hospitalisation. »

- Couchage

Pour faciliter le sommeil et éviter les fausses routes, le nourrisson doit être couché en position proclive dorsal à 30°. « Cette position, explique David Lopes, évite que la masse viscérale comprime le diaphragme, ce qui libère l'activité diaphragmatique indispensable la nuit pour compenser l'inactivité partielle de certains muscles respiratoires. Par ailleurs, si l'enfant est sujet à des reflux gastro-oesophagiens ou des vomissements pendant la nuit, cette position évite également les fausses routes. » L'enfant peut être maintenu dans cette position à l'aide d'un linge (drap, par exemple) éventuellement passé dans la couche et fixé de part et d'autre du bassin.

- Environnement

D'une manière générale et a fortiori lorsque le nourrisson est atteint de bronchiolite, il est extrêmement important de le soustraire à l'inhalation passive de la fumée de tabac. C'est un facteur aggravant pouvant conduire à l'hospitalisation. De même, il faut veiller à ce que la température ambiante du logement et de la chambre ne soit pas trop élevée et à ce que les pièces soient quotidiennement aérées. Une température de 19 °C est conseillée. Au-dessus, elle favorise l'augmentation de la température corporelle et la déshydratation. Lorsque les mesures thérapeutiques sont correctement observées, la bronchiolite évolue le plus souvent très favorablement, avec un recul des signes d'obstruction bronchique, obtenu en 8 à 10 jours. Néanmoins, environ 1 fois sur 5, la toux et le wheezing (sifflement) persiste au-delà des 2 à 3 semaines habituelles. Plus bruyant que véritablement gênant, il augmente de façon caractéristique sous l'effet de l'agitation et s'atténue pendant le sommeil. Les rechutes sont fréquentes (23 à 60 % des enfants selon les dernières études), car la réponse immunitaire, incomplète et de courte durée, n'est pas suffisamment protectrice. D'où l'intérêt de mettre en oeuvre des mesures préventives et de sensibiliser les parents, mais aussi les frère(s) et soeur(s), au fait qu'en période d'épidémie, ils peuvent être porteurs des agents viraux et potentiellement contaminants. Il est donc nécessaire qu'ils observent eux-mêmes quelques règles d'hygiène, qui permettront de prévenir rechutes et contaminations.

DE LA BRONCHIOLITE À L'ASTHME

« La prévention des rechutes de bronchiolite est d'autant plus importante que l'infection à VRS constitue un mode d'entrée dans la maladie asthmatique », explique le Dr Brigitte Fauroux (service de pneumologie pédiatrique, hôpital Armand Trousseau, Paris, AP-HP)(4). « Il existe en effet un lien clairement établi entre cette maladie et la survenue d'une hyperréactivité bronchique qui, à partir du troisième épisode, occasionne un asthme du nourrisson. Toutefois, celui-ci n'évolue vers un asthme du grand enfant que dans 20 à 25 % des cas, l'existence d'un terrain atopique étant le principal facteur de risque d'une telle évolution. »

Lorsqu'on sait que la prévalence de l'asthme a doublé en 20 ans, qu'elle est la première cause d'absentéisme scolaire et qu'elle cause environ 2 000 décès par an en France, cela suffit à convaincre de l'utilité d'informer et d'éduquer les familles sur la nécessité de soustraire les nourrissons au risque de récidive, en privilégiant la médecine de ville et en respectant scrupuleusement les principes de la prise en charge à domicile. Une prise en charge pour la continuité des soins aujourd'hui facilitée par la mise en place progressive de réseaux bronchiolites et asthme rattachés à des centres d'appel d'urgence(4) fonctionnant le week-end et les jours fériés durant la période épidémique. Ils orientent les familles vers les médecins et kinésithérapeutes de garde les plus proches de leur domicile. Parfaitement opérationnelle en Île-de-France, cette organisation à l'initiative de l'Association des réseaux bronchiolites (ARB) est en train de faire tâche d'huile et de nombreux réseaux fonctionnant sur le même principe devraient voir le jour dans les mois et les années à venir sur l'ensemble du territoire. Pour l'heure, chaque réseau s'organise de façon autonome, les médecins de garde de ces réseaux ayant à charge d'assurer l'orientation des familles vers les kinésithérapeutes de garde locaux. Autant dire que tout est mis en oeuvre pour rassurer les familles et leur permettre de gérer efficacement et sereinement la survenue d'une bronchiolite chez un tout-petit. Reste à leur faire savoir. À vous de jouer !

(1) Conférence de consensus Prise en charge de la bronchiolite du nourrisson, 21 septembre 2000.

(2) Les examens complémentaires ne sont réservés qu'aux formes sévères justifiant une hospitalisation.

(3) Source : intervention aux Entretiens de Bichat De la bronchiolite à l'asthme, 15 septembre 2003.

(4) En Île-de-France, l'ARB propose deux numéros d'appel d'urgence (numéros verts) "bronchiolite et asthme du nourrisson" : pour les médecins, 0820 800 880 (tous les jours de 9 h à 23 h) ; pour les kinésithérapeutes, 0820 820 603 (week-ends du vendredi midi au dimanche 18 h, jours fériés de 9 h à 18 h).

Critères justifiant une hospitalisation

- Chez le nourrisson de moins de six semaines, la bronchiolite peut entraîner des pauses respiratoires présentant un risque de mort subite qui impose une surveillance respiratoire à l'hôpital. Au-delà de l'âge, la conférence de consensus a retenu d'autres critères de gravité justifiant d'hospitaliser les nourrissons :

-> altération importante de l'état général ;

-> survenue d'apnée => présence d'une cyanose ;

-> enfants ayant une gêne respiratoire importante (fréquence respiratoire supérieure à 60/min) ;

-> prématurés nés avant 34 semaines d'aménorrhée et ayant un âge corrigé inférieur à 3 mois (âge théorique si la naissance avait eu lieu à terme, c'est-à-dire à quarante semaines d'aménorrhée) ;

-> enfants atteints d'une maladie cardiaque ou d'une affection pulmonaire chronique grave (mucoviscidose) ;

-> enfants présentant des signes de déshydratation ;

-> enfants ayant des troubles digestifs ou des difficultés d'alimentation faisant redouter une déshydratation.

Source : Conférence de consensus.

Prévenir la récidive et la contamination

- Se laver les mains à l'eau et au savon (le virus est facilement détruit par le savon) durant au moins 30 secondes avant et après chaque contact avec le nourrisson.

- Nettoyer régulièrement les objets souillés (jouets, "doudous", table à langer, tétines...).

- Éviter que frères et soeurs embrassent le nourrisson sur le visage, surtout s'ils sont enrhumés.

- Éviter dans les trois premiers mois de sortir le nourrisson dans des lieux confinés et surpeuplés (supermarchés, transports en commun...).

- Reporter, si possible, la mise en collectivité au-delà de l'âge d'un an, en particulier pour les enfants à haut risque (prématurés notamment).

- Retarder la mise en crèche précoce en période d'épidémie.