La mucoviscidose : de l'hôpital au domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 201 du 01/02/2005 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 201 du 01/02/2005

 

Perspectives et enjeux

La mucoviscidose a des conséquences physiologiques, psychologiques, sociales et scolaires qui nécessitent un suivi régulier, tant pour les traitements que pour les soins. Les Centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) permettent une approche spécifique de chaque situation.

Maladie évolutive dont le traitement reste symptomatique, la mucoviscidose ne concerne pas seulement les enfants, puisque l'espérance de vie s'est accrue ces dernières années. Le suivi régulier des traitements et des soins, la prise en charge des conséquences psychologiques, sociales et scolaires de la maladie rendent nécessaire une approche multidisciplinaire de chaque situation. C'est ce que proposent les Centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM).

PRÈS DE 200 NAISSANCES PAR AN

Appelée aussi fibrose kystique du pancréas, la mucoviscidose est la maladie génétique grave de l'enfant la plus fréquente. Elle représente, en France, près de 200 naissances par an et entre 5 000 et 6 000 patients actuellement atteints. Les deux parents d'un enfant malade sont porteurs du gène délétère. La maladie se transmet lorsque l'enfant reçoit ce gène de ses deux parents (mode autosomique récessif). Pour un tel couple, à chaque conception, la probabilité d'avoir un enfant atteint est d'une naissance sur quatre.

La maladie résulte de mutations du gène CFRT ("cystic fibrosis transmembrane conductance regulator"), qui entraînent une anomalie du transport du chlore à travers les membranes cellulaires. La mucoviscidose se caractérise par un fonctionnement anormal des glandes exocrines, qui provoque ainsi un épaississement des sécrétions muqueuses (viscosité anormale du mucus, qui donne son nom à la maladie), principalement au niveau des voies respiratoires, du tube digestif, du pancréas, du foie et des voies biliaires. L'appareil génital peut également être touché (hypofertilité). Cette production de mucus visqueux - car insuffisamment hydraté - va obstruer les bronches et favoriser la survenue d'infections à germes spécifiques.

UN DÉPISTAGE NÉONATAL GÉNÉRALISÉ

En France, depuis 2002, le dépistage néonatal a été généralisé dans le but d'organiser une prise en charge précoce et d'améliorer l'espérance de vie des malades (30-35 ans actuellement en moyenne). Le dépistage consiste en un prélèvement sanguin chez tous les nouveau-nés afin de doser une enzyme pancréatique : la trypsine immuno-réactive. Des résultats anormaux conduisent à un diagnostic moléculaire à la recherche des principales mutations du gène. La mise en évidence d'une mutation du gène donnera ensuite lieu à un test à la sueur, examen primordial dans l'affirmation du diagnostic.

Le dépistage anténatal est également possible, mais réservé aux familles à risque, notamment si l'un des parents sait qu'il est porteur du gène, ou si le couple a déjà donné naissance à un enfant malade. En fonction des résultats et du choix du couple, le dépistage anténatal peut donner lieu à une interruption volontaire de grossesse (IVG).

Saisi sur la question d'une généralisation du dépistage anténatal de la mucoviscidose, le Comité consultatif national d'éthique considère qu'il n'est pas souhaitable actuellement d'aller dans ce sens (avis n° 83 du 25 mars 2004, consultable sur http://www.ccne-ethique.fr). Du point de vue éthique, se pose la question d'un éventuel risque eugénique. Considérant les questions scientifiques et économiques, les malades ont besoin que progresse la recherche sur les traitements. Par ailleurs, le coût du dépistage généralisé pourrait avoir une incidence sur le financement de la recherche.

Les soins à domicile succèdent souvent à de nombreux - et parfois longs - séjours à l'hôpital pour l'enfant ou l'adolescent et sa famille. Le soutien psychologique et social de la personne malade, mais aussi des parents, est une dimension importante de la prise en charge globale de la situation.

INFORMATION ET SOUTIEN DES PARENTS

Cette maladie évolutive va également bousculer la scolarité de l'enfant. Le suivi des traitements à domicile mobilise chez les parents de nombreuses questions : comment vivre la cure d'antibiothérapie à domicile ? Les règles d'hygiène à la maison ? Le contact avec les autres enfants en milieu scolaire, l'apport de germes de l'extérieur (qui pourraient notamment être apportés à domicile par les infirmières libérales ou les kinésithérapeutes...), sont souvent sources d'inquiétude. Il faut dire que les parents sont très sensibilisés par les associations et les services hospitaliers d'accueil sur les précautions d'hygiène et l'environnement pour la prévention des infections pulmonaires. Ils sont informés des germes contenus dans les sécrétions bronchiques et en repèrent souvent la gravité.

À domicile, les règles d'hygiène et l'observance thérapeutique peuvent parfois créer de véritables contraintes pour la vie quotidienne, altérant la qualité de vie de l'ensemble de la famille.

LE SUIVI NUTRITIONNEL

La dénutrition est un facteur très présent dans la mucoviscidose, quel que soit le stade de la maladie, ce qui justifie le recours précoce aux services d'une diététicienne. Cet état de dénutrition s'explique par la réduction de l'alimentation, liée à la perte d'appétit (toux, vomissements, inflammation...) ou à divers inconforts digestifs (constipation, douleurs abdominales...), mais il s'explique aussi par l'augmentation des pertes. L'insuffisance pancréatique peut entraîner des difficultés d'absorption des protéines et des lipides ingérés.

Une alimentation riche en lipides, associée à la prise d'extraits pancréatiques, peut minorer la dénutrition qui semble constituer un facteur d'aggravation de la maladie. L'insuffisance pancréatique peut se traduire par un diabète de type II.

La perte de poids, surtout chez les adolescents, suscite de grandes inquiétudes chez les parents. À domicile, leurs questions sont souvent d'ordre très pratique : comment se procurer les produits spécifiques ? Peut-on les emporter à l'école ? Quelle est leur disponibilité en pharmacie ? L'objectif du suivi nutritionnel vise donc à favoriser la prise de poids. Lorsque la voie orale est rendue difficile, la voie entérale peut être envisagée, avec, au préalable, une préparation tant du patient que de ses proches.

LA KINÉSITHÉRAPIE AU QUOTIDIEN

Le tableau clinique de la mucoviscidose est particulièrement marqué par les signes pulmonaires. La présence de mucus bronchique altère la fonction respiratoire et provoque une toux chronique, des infections broncho-pulmonaires, des bronchospasmes et, au niveau ORL, une sinusite constante. Les objectifs de soins seront posés en collaboration médecin-kinésithérapeute, avec le patient et sa famille. Certains kinésithérapeutes utilisent un carnet de suivi, lequel favorise une évaluation plus fine de la situation respiratoire du patient.

La kinésithérapie quotidienne, souvent très contraignante pour le patient, associe les exercices respiratoires et le drainage des bronches afin de désobstruer celles-ci et permettre l'évacuation des sécrétions. Les techniques utilisées seront fonction de l'âge et de l'atteinte du patient. À domicile, le degré d'obstruction bronchique peut être surveillé à l'aide du débit-mètre de pointe dans lequel le patient souffle le plus fort possible afin de mesurer le débit expiratoire maximum. Une prescription médicale permet sa prise en charge par la Sécurité sociale dans le cas de la mucoviscidose.

L'aérosolthérapie est également très présente dans le traitement, elle permet de nébuliser des molécules spécifiques (antibiotiques, bronchodilatateurs...), de réduire la viscosité du mucus (rh Dnase) ou encore d'hydrater les bronches (fluidifiants).

La rééducation respiratoire est importante et la pratique d'une activité physique favorisant le souffle est recommandée.

Pratiquées en milieu spécialisé, les épreuves respiratoires fonctionnelles (EFR) permettront de mettre en évidence le degré d'obstruction des bronches et d'apprécier la capacité respiratoire. L'efficacité des poumons pourra être appréciée par une gazométrie.

L'examen cytobactériologique des crachats, complété par un antibiogramme, permettra au médecin de définir la stratégie thérapeutique la plus adaptée.

L'INFIRMIÈRE LIBÉRALE : UNE PRÉSENCE INDISPENSABLE

L'antibiothérapie fait partie de la stratégie thérapeutique. L'antibiotique sera choisi en fonction du statut bactériologique et de la résistance des germes. La voie orale, le support de l'aérosol ou encore la voie veineuse peuvent être utilisés.

La 1re cure par voie intraveineuse aura lieu en milieu hospitalier. Le relais sera ensuite pris par l'infirmière libérale au domicile du patient. L'infirmière libérale assurera différentes fonctions, qui sont à la fois techniques mais qui relèvent aussi de son rôle propre (informations, conseils, soutien, prévention, éducation thérapeutique...) en complémentarité avec le médecin et l'infirmière coordinatrice du Centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM).

Les patients (ou les parents) effectuent le choix d'un cabinet infirmier sur différents critères. De préférence, il s'agira d'un cabinet de groupe (afin d'éviter les ruptures dans la prise en charge) dans lequel les infirmières auront une bonne connaissance de la pathologie et des compétences dans la pratique des cures.

Les patients (ou les parents) sont généralement très attentifs au respect des mesures d'hygiène dans la pratique des infirmières : désinfection des mains, port de masque et de gants, élimination des déchets à risque...

Le traitement comprend l'injection d'un ou de plusieurs antibiotiques, souvent 3 fois par jour pour une durée de 1 h 30 à 2 h par séance, où l'infirmière restera présente. Les horaires sont contraignants, tant pour les malades et leurs proches que pour les infirmières. Il faut essayer de privilégier la qualité de vie des malades et le rythme scolaire des enfants. Ce, dans le respect de la prescription médicale.

Les voies d'abord sont choisies en fonction du capital veineux, de la fréquence des cures et du choix des patients : voie périphérique, centrale ou sur site implantable, souvent à l'aide de diffuseurs portables.

Le matériel nécessaire est en principe livré à domicile par un prestataire de service.

La formation continue peut également aider les infirmières libérales à améliorer la qualité des prises en charge dans cette maladie chronique très spécifique.

Les Centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) ont été définis par une circulaire du 22 octobre 2001. Ils ont vu le jour suite à la généralisation du dépistage néonatal. Leur but est de mieux accueillir et d'entourer les patients et familles, de privilégier un travail interdisciplinaire en réseau et d'optimiser les moyens relatifs à la qualité de soins et à la qualité de vie. Les CRCM offrent un regroupement coordonné de compétences, tant du point de vue du diagnostic que des traitements et du soutien nécessaire.

Situés en milieu hospitalier, les CRCM disposent d'un plateau technique et d'une équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmière et kinésithérapeute) à laquelle peuvent s'adjoindre d'autres professionnels selon les besoins.

INFIRMIÈRES DE COORDINATION DANS LES CRCM

L'infirmière de coordination (Idec) a un rôle essentiel dans la coordination des soins et l'accueil des familles. Elle participe à :

-> l'évaluation de la faisabilité des soins à domicile, en fonction de la capacité des patients et famille,

-> l'élaboration de protocoles de soins nationaux,

-> faire du lien avec les infirmières libérales (aide, soutien, compagnonnage, par exemple),

-> la formation pratique des différents intervenants,

-> la médiation dans les éventuels litiges entre la famille et les soignants par exemple,

-> l'amélioration des matériels proposés (choix des composants des sets à usage unique...) au travail avec les prestataires.

Statut bactériologique

- Classe 1 : bactéries saprophytes et sensibles à la plupart des antibiotiques telles que Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus sensible, Streptococus pneumoniae.

- Classe 2 : Pseudomonias aeruginosa sensible à la plupart des antibiotiques.

- Classe 3 : bactéries multirésistantes telles que Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, P. aeruginosa résistant aux céphalosporines de 3e génération ou à l'imipénème, Stenotrophomonas maltophilia et Achromobacter (Alcaligenes) xylosoxidans.

- Classe 4 : Burkholderia cepacia naturellement multirésistant et extrèmement pathogène dans la mucoviscidose.

Les principales règles d'hygiène à la maison

-> Se laver régulièrement les mains dans les actes de la vie quotidienne.

-> Laver les fruits et les légumes crus avant leur consommation.

-> Utiliser des lavettes pour un nettoyage quotidien de la cuisine et de la salle à manger.

-> Veiller à la propreté de l'environnement du malade et à la désinfection des surfaces.

-> Nettoyer quotidiennement les salles d'eau et les toilettes (les désinfecter à l'eau de Javel une fois par semaine).

-> Laisser couler l'eau du robinet avant utilisation et détartrer régulièrement les robinets.

-> Rabattre le couvercle des toilettes avant de tirer la chasse d'eau.

-> Préférer les savons liquides aux savonnettes.

-> Changer quotidiennement le linge de toilette...

Influence de l'état nutritionnel sur l'évolution de la mucoviscidose

- L'Anaes a proposé les recommandations suivantes : « La prévention de la dénutrition est un enjeu majeur pour améliorer le pronostic de la mucoviscidose. L'état nutritionnel doit être évalué dès le dépistage puis à intervalles réguliers :

-> paramètres cliniques tous les mois chez le nourrisson avant 1 an, puis tous les 3 à 6 mois ;

-> balance énergétique et contenu alimentaire en calcium tous les 3 à 6 mois :

-> paramètres biologiques une fois par an ;

-> absorptiométrie osseuse une fois par an en période pubertaire. »

Pour en savoir plus, allez sur le site Internet de l'Anaes (http://www.anaes.fr), rubrique "Publications", Conférence de consensus Prise en charge du patient atteint de mucoviscidose, novembre 2002.

Le test à la sueur

- Ce test permet de mesurer la concentration du chlore sur un échantillon de sueur. Indolore, cet examen s'effectue le plus souvent à l'avant-bras en plaçant une électrode stimulant la sudation.

- L'interprétation des résultats impose que le test soit effectué à deux reprises dans un centre spécialisé.

-> Test normal : chlore < 40 mmol/l

-> Test positif : chlore > 60 mmol/l

Pour en savoir plus

- L'association "Vaincre la mucoviscidose" propose de nombreuses brochures d'informations à destination des patients, des familles et des professionnels de santé (Adresse : 181, rue de Tolbiac, 75013 Paris ; tél. : 01 40 78 91 91 ; fax : 01 45 80 86 44 ; mél : info@vaincrelamuco.org ; Internet : http://www.vaincrelamuco.org).

- Circulaire DHOS/O1/DGS/SD5 n° 2001-502 du 22 octobre 2001 relative à l'organisation des soins pour la prise en charge des patients atteints de mucoviscidose.

Traitement à domicile d'un patient atteint de mucoviscidose : cotation des soins

- Soins spécifiques

-> Séance de perfusion intraveineuse d'antibiotiques, quelle que soit la voie d'abord, sous surveillance continue, chez un patient atteint de mucoviscidose, avec un maximum de trois séances par 24 heures, la séance : AMI 15.

La perfusion d'antibiotiques sous surveillance continue doit être effectuée selon le protocole thérapeutique rédigé par un des médecins de l'équipe soignant le patient. Le protocole doit comporter :

1. le nom des différents produits injectés,

2. leur mode, durée et horaire d'administration,

3. les nombres, durée et horaire d'administration,

4. le nombre de jours de traitement par cure,

5. les éventuels gestes associés (prélèvements intraveineux, héparinisation par exemple).

N.B. : cette cotation est globale. Elle inclut l'ensemble des gestes nécessaires à la réalisation de l'acte et à la surveillance du patient, ainsi que les autres actes infirmiers éventuels liés au traitement de la mucoviscidose.

Une feuille de surveillance détaillée permettant le suivi du malade doit être impérativement tenue au domicile du malade. En l'absence de surveillance continue, les cotations habituelles des perfusions s'appliquent en fonction de la voie d'abord.

- Soins non spécifiques

-> Séance d'aérosol : AMI 1,50.

-> Pose de sonde gastrique : AMI 3.

-> Alimentation entérale par gavage ou en déclive ou par nutripompe, y compris la surveillance, par séance : AMI 3.

-> Alimentation entérale par voie jéjunale avec sondage de la stomie, y compris le pansement et la surveillance, par séance : AMI 4.