Le RMBPL, un réseau pour traiter la muc oviscidose - L'Infirmière Libérale Magazine n° 201 du 01/02/2005 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 201 du 01/02/2005

 

Initiatives en réseau

Le Réseau Mucoviscidose Bretagne Pays de la Loire (RMBPL) rassemble tous les centres référents de cette partie de la France, spécialement touchée. Les infirmiers libéraux ne sont pas oubliés dans cette prise en charge très particulière.

Battue par les vents, la pointe de Perharidy tire vers l'océan une langue de terre d'où l'on voit la baie de Roscoff et ses maisons de pierre. Malgré le souffle continu qui balaie la côte, les enfants du Centre héliomarin ont parfois du mal à respirer : la mucoviscidose les en empêche. Cette maladie génétique rare sévit tout particulièrement en Bretagne. Le centre de Perharidy accueille un Centre de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM), mais aussi la Cecorem (Cellule de coordination du réseau mucoviscidose) qui articule le réseau tout entier, incluant les CRCM de Rennes, Nantes, Vannes et Angers.

La Cecorem est composée principalement d'un médecin, d'un cadre de santé kinésithérapeute, d'un cadre de santé infirmier ainsi que d'une psychologue. Dans chaque ville de référence, une équipe gère à son niveau le réseau local, en particulier grâce à des infirmières coordinatrices.

LE PARCOURS DU PATIENT

Le patient est de plus en plus souvent dépisté à la naissance. Un bilan initial est réalisé au CRCM, puis un suivi est proposé au sein du réseau. Il comporte des consultations régulières (plus ou moins fréquentes selon l'âge du patient), dont au moins une consultation pluridisciplinaire tous les trois mois. Plusieurs niveaux de coordination sont nécessaires. Il s'agit d'abord d'articuler les professionnels de santé libéraux et l'équipe de référence au CRCM « du fait du développement très important de la prise en charge en ambulatoire, des contraintes et de l'anxiété qu'elle génère », souligne-t-on dans le réseau. Parallèlement, il faut également coordonner les professionnels hospitaliers : l'équipe du CRCM avec des hyper-spécialistes de chaque discipline concernée, en fonction de l'évolution des troubles (diabète, PMA, transplantation, etc.) ; les équipes relais hospitalières dans le cadre des cures de proximité ; les services pédiatriques et les services adultes lorsque le patient avance en âge. C'est le plus souvent l'infirmière coordinatrice du réseau qui réalise l'interface entre l'hôpital et la ville.

L'INFIRMIÈRE COORDINATRICE

Au nombre de quatre à Perharidy, les infirmières coordinatrices sont notamment chargées de mettre les patients en contact avec un cabinet libéral et d'accompagner le suivi en ville, en collaboration avec l'équipe référente de l'hôpital. Anne-Marie Grall, infirmière coordinatrice au centre de Roscoff, explique que les infirmières libérales sont surtout sollicitées pour réaliser des cures d'antibiothérapie à domicile et pour assurer l'entretien des chambres implantables. Il leur arrive également quelquefois de distribuer des médicaments, et, plus rarement, d'effectuer des pansements. Les infirmières coordinatrices se chargent de demander au patient s'il a déjà une infirmière.

Si ce n'est pas le cas, elles font appel à des cabinets déjà formés par le centre à la prise en charge de la mucoviscidose. Enfin, si aucun n'est disponible, « on cherche ailleurs et on propose une formation », explique Anne-marie Grall, qui précise que, finalement, c'est quand même toujours le patient qui décide. Au total, « à Roscoff, on suit 150 patients, tous à domicile ».

LES SOINS À DOMICILE

« Quand on fait intervenir des infirmières libérales, on les rencontre au centre », explique Anne-Marie Grall. En effet, pas question de réaliser des soins aussi spécifiques sans un minimum de bagage. Au centre, les infirmières sont informées sur la maladie et sur le patient qu'elles vont suivre.

Elles ont également une formation technique aux soins, ainsi qu'une formation sur les infections croisées, car le risque de transporter des germes d'un patient à l'autre n'est pas négligeable et peut avoir des conséquences graves.

Une fois au domicile, la première perfusion se fait en présence de l'infirmière coordinatrice. « On répond ensuite toujours aux demandes, s'il faut se déplacer pour assister un soin », ajoute Anne-Marie Grall. Si l'heure est tardive ou si le déplacement n'est pas nécessaire, une permanence téléphonique est disponible 24h/24 au sein du réseau ou moyennant un renvoi sur le service compétent.

« Les soins, ce n'est pas toujours évident, car les cures antibiotiques sont lourdes, et il faut être au moins deux pour pouvoir se relayer », prévient l'infirmière coordinatrice de Roscoff.

LA DIFFICULTÉ DU LIBÉRAL

En effet, les cures sont réalisées sur une période de plusieurs semaines, à raison de trois ou quatre interventions par 24 heures, avec une présence soutenue. Classiquement, « cela représente une intervention vers 6 ou 7 heures du matin (nécessitant une heure trente de présence), puis une vers midi ou midi et demi (durant trois quart d'heure), puis une vers 20 heures ou 20 h 30 (de trois quarts d'heure aussi) », explique Anne-Marie Grall. On comprend, dans ces conditions, que le réseau privilégie les cabinets de groupes, pour lesquels cet emploi du temps sera moins difficile à gérer. Mais, globalement, les cabinets qui refusent sont rares et « on n'a jamais eu de refus d'infirmières déjà présentes dans la famille concernée ». Deux infirmiers libéraux adhèrent au réseau (et font partie du comité de pilotage sur le système d'information), mais tout cabinet libéral de la région peut être contacté.

ÉDUCATION ET FORMATION

En dehors des formations préalables à la prise en charge d'un patient précis, le réseau organise des sessions de formation pour les professionnels libéraux. Ces formations sont gratuites, mais non rémunérées. Elles peuvent être interdisciplinaires pour des thématiques comme l'éducation thérapeutique, essentielle dans cette pathologie. « On fait beaucoup d'éducation thérapeutique au niveau du centre, depuis longtemps, mais seulement maintenant on essaie de formaliser », explique Anne-Marie Grall qui évoque la difficulté de mettre par écrit ces formations.

Certaines sessions peuvent également concerner une profession en particulier, sous forme de "journée des kinés", "journée des infirmiers libéraux", "journée des diététiciennes", etc. Un infirmier hygiéniste travaille dans tout le centre et apporte une aide dans l'éducation, pour des protocoles comme le lavage de mains. Sinon, les outils diffusés dans le libéral sont ceux de l'hôpital.

UNE COMMUNICATION EN DÉVELOPPEMENT

La formation est utile pour les professionnels, mais, plus largement, la communication est essentielle, que ce soit dans le cadre des soins ou dans l'entourage du patient. L'un des objectifs du réseau est donc tout naturellement de développer les outils de communication. Pour les professionnels libéraux, un classeur est en projet. Mais surtout, un site Internet est en développement, probablement destiné à terme à servir d'interface aux professionnels. En attendant, la communication passe par des actions au quotidien. Ainsi, les infirmières coordinatrices peuvent intervenir dans le cadre des projets d'action individualisés (PAI) mis en place à l'école pour les enfants malades. Elles présentent la maladie aux enseignants et aux élèves, et répondent à leur question. « Idéalement, on vient avec l'infirmière libérale qui suit le patient », explique Anne-Marie Grall, mais les contraintes de temps ne rendent pas la chose facile.

Le Réseau Mucoviscidose Bretagne Pays de Loire a signé sa convention constitutive en janvier 2004, mais il est déjà bien implanté. « On a eu de la chance au niveau régional d'avoir été soutenus par l'ARH », tempère le Dr Gilles Rault, coordonnateur de l'ensemble du système. Une dotation régionale a été demandée, avec de bonnes chances d'en obtenir au moins une partie. Les efforts se portent à présent sur le développement des systèmes d'information, avec notamment un projet de téléformation des libéraux. Mais, ajoute Gilles Rault, « on a beaucoup de difficultés dans les maladies rares à impliquer les professions libérales », dans la mesure où il s'agit de soins lourds et chronophages, alors que l'investissement dans une formation spécifique ne concerne que peu de patients. L'exemple breton reste donc à ce jour une relative exception.

Une prévalence forte en Bretagne

- La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies génétiques rares. Elle se transmet sur un mode autosomique récessif. Son dépistage est réalisé à la naissance dans toute la France depuis 2001, à partir d'un dosage sanguin. Si la France compte un nouveau-né atteint pour 4 600 naissances (soit environ 180 nouveaux cas par an), en Bretagne, le chiffre est d'un nouveau-né atteint pour 2 900 naissances.

Prévenir les complications

- La mucoviscidose se caractérise par la rétention du chlore dans les cellules, ce qui entraîne notamment une déshydratation du mucus. Les premiers symptômes (liés notamment à l'obstruction des canaux où circule le mucus) apparaissent le plus souvent durant la première année et varient au cours de la vie. Ils touchent surtout les poumons et les bronches, mais aussi le coeur, le foie, le pancréas, l'intestin, etc. Le traitement consiste à prévenir les complications et limiter les symptômes, notamment grâce à la kinésithérapie respiratoire, l'antibiothérapie et la nutrition. Dans les cas plus avancés, une oxygénothérapie ou une nutrition entérale peuvent être nécessaires, voire parfois une transplantation.

Divers accompagnements

- En dehors des soins proprement dits, les patients bénéficient d'un certain nombre d'accompagnements, du fait de la chronicité de la maladie :

-> un accompagnement psychologique "par tous les intervenants",

-> une aide sociale,

-> une aide à la scolarité incluant également "le corps soignant libéral",

-> une aide à l'insertion professionnelle (idem),

-> une évaluation systématique de la qualité de vie.

- L'éducation thérapeutique est également au coeur de la prise en charge.