Les antivitamines K : précautions à prendre - L'Infirmière Libérale Magazine n° 201 du 01/02/2005 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 201 du 01/02/2005

 

Formation continue

Fiches techniques

DÉFINITIONS

- Les antivitamines K (AVK) sont des médicaments anticoagulants qui inhibent la synthèse des facteurs de la coagulation vitamine K-dépendants. En s'opposant à la coagulation du sang, les AVK rendent le sang plus "fluide" (diminution du risque thrombotique), mais ils peuvent aussi provoquer des saignements (augmentation du risque hémorragique).

- Les AVK sont des anticoagulants oraux à action différée, prescrits principalement en relais de l'héparine (celle-ci étant administrée par voie parentérale).

- « Après plus de 40 ans d'utilisation, la classe des AVK reste un élément essentiel de la prise en charge des thromboses artérielles ou veineuses », rappelle l'Afssaps.

- L'utilisation des AVK nécessite un certain nombre de précautions : respect des indications, évaluation individuelle initiale et réévaluation régulière du rapport bénéfice/risque pour le patient, adaptation et surveillance (biologique et clinique) du traitement, information et éducation du patient.

PRÉCAUTIONS

- L'utilisation des AVK ne se conçoit que dans les indications validées et après évaluation individuelle d'un certain nombre de facteurs :

-> risque thrombotique et risque de complication hémorragique,

-> fonctions cognitives du patient,

-> contexte psychologique et social (personnes âgées en particulier), en raison des contraintes liées au traitement.

- Une réévaluation régulière du rapport bénéfice/risque est indispensable tout au long du traitement.

- Le "carnet d'information et de suivi de traitement" est un outil d'aide à la prise en charge et au suivi du traitement, désormais prévu dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) des AVK.

INDICATIONS

Les AVK sont principalement indiqués pour la prévention de la thrombose et de l'embolie pulmonaire, certains troubles du rythme cardiaque, certaines anomalies des valves cardiaques et certains infarctus du myocarde.

- Cardiopathies emboligènes

-> Prévention des complications thrombo- emboliques en cas de :

- fibrillations auriculaires,

- valvulopathies,

- prothèses valvulaires,

- infarctus compliqués.

- Infarctus du myocarde

-> Prévention des complications thrombo- emboliques.

-> Prévention des récidives en cas d'intolérance à l'aspirine.

- Maladies thrombo-emboliques veineuses

-> Prévention des thromboses veineuses profondes et de l'embolie pulmonaire en chirurgie de hanche.

-> Traitement des thromboses veineuses profondes et de l'embolie pulmonaire - et prévention de leurs récidives - en relais de l'héparine.

- Prévention des thromboses sur cathéter

-> Prévention des thromboses vasculaires liées à la présence de dispositifs intravasculaires.

ÉQUILIBRE DU TRAITEMENT

- Il faut éviter deux écueils :

-> le sous-dosage (absence d'efficacité), avec maintien du risque thrombotique (risque de phlébite et/ou d'embolie),

-> le surdosage (excès d'efficacité), avec augmentation du risque hémorragique (que le saignement soit apparent ou non).

- Pour que le traitement soit équilibré, la dose d'AVK doit être :

-> suffisamment forte pour diminuer le risque de thrombose,

-> pas trop forte pour éviter la survenue d'une hémorragie.

- La dose optimale d'AVK varie selon les individus et, chez une même personne, selon de multiples facteurs.

- Le risque hémorragique est présent tout au long du traitement. Il est maximal au début (surtout les premiers jours, mais aussi les premières semaines et les premiers mois).

SURVEILLANCE BIOLOGIQUE

- L'INR seul

-> L'international normalized ratio (INR ou ratio normalisé international) est l'examen biologique qui permet d'évaluer l'efficacité du traitement AVK. C'est le seul examen biologique de surveillance à utiliser, le TP (taux de prothrombine) ayant normalement été abandonné en août 2003.

-> L'INR doit être contrôlé régulièrement, si possible toujours dans le même laboratoire.

- INR "cible" et zone thérapeutique

-> L'INR "cible" est la valeur d'INR à rechercher pour obtenir un traitement équilibré :

- la zone thérapeutique se situe entre 2 et 3 pour la plupart des indications,

- elle se situe entre 3 et 4,5 pour certaines indications.

SURVEILLANCE CLINIQUE

- Le risque thrombotique (sous-dosage) dépend de l'indication du traitement AVK : phlébite (surveillance des membres inférieurs), embolie (signes respiratoires et thoraciques)...

- Le risque hémorragique (surdosage) peut provoquer des saignements inquiétants (hématémèse) ou plus banals (hématome), parfois inapparents (hémorragie interne).

CONDUITE DU TRAITEMENT

Mise en route

-> Pas de "dose de charge".

-> Prise unique (le soir de préférence).

-> Chez la personne âgée, prendre garde au risque de surdosage.

-> En relais de l'héparine, les AVK sont généralement prescrits précocement dès les deux premiers jours de l'héparinothérapie. Pendant toute la phase de recherche de l'INR cible, l'héparine est maintenue à dose adaptée. Elle est arrêtée lorsque l'INR est dans la zone thérapeutique recherchée deux jours consécutifs.

-> Pour le dépistage d'une hypersensibilité individuelle, l'INR doit être recherché dans les 48 (+ 12) heures suivant la 1re prise.

- Adaptation de la posologie

-> Pour obtenir un traitement équilibré, la dose doit être adaptée en fonction des résultats de l'INR.

-> L'INR doit être contrôlé tous les 2 à 4 jours (selon la prescription médicale) jusqu'à ce que l'INR soit stabilisé sur deux contrôles successifs :

- si l'INR cible n'est pas atteint, il faut ajuster la dose et contrôler l'INR tous les 2 à 4 jours jusqu'à obtention de l'INR cible ;

- quand l'INR cible est atteint et stabilisé, il faut maintenir la dose et espacer progressivement les contrôles en quelques semaines jusqu'à un intervalle maximal d'un mois.

-> Dans la mesure du possible, il faut éviter les posologies journalières variables.

- Surveillance du traitement

-> En routine, l'INR doit être contrôlé au moins une fois par mois.

-> En cas de déséquilibre biologique (instabilité des résultats de l'INR), la dose d'AVK doit être réajustée en fonction des résultats de l'INR.

-> En cas de surdosage :

- la dose d'AVK doit être diminuée selon les résultats de l'INR et la présence éventuelle de signes hémorragiques,

- les mesures de correction doivent être progressives pour ne pas risquer une thrombose,

- il faut contrôler régulièrement l'INR jusqu'au retour à l'INR cible.

- Facteurs de déséquilibre

-> Modification de la posologie de l'AVK.

-> Maladie intercurrente.

-> Introduction ou retrait d'un médicament associé.

-> Vomissements.

-> Diarrhée.

LA PRISE DU MÉDICAMENT

- Chaque jour à la même heure :

-> en cas de prise unique, le soir de préférence,

-> dans le cas de plusieurs prises, suivre la prescription médicale.

- En cas d'oubli, la dose manquée peut être prise dans les 8 heures après l'heure habituelle. Passé ce délai, il vaut mieux "sauter" cette prise et prendre la suivante à l'heure habituelle, mais le lendemain. Il est nécessaire de noter cet oubli dans le carnet et prévenir le médecin.

- Toute modification de la posologie doit être prescrite par un médecin.

PRÉVENTION DES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

- Les médicaments pouvant interagir avec les AVK sont très nombreux.

- En cas de prescription d'un autre médicament (traitement associé), il peut être utile de consulter la rubrique "interactions médicamenteuses" de la notice de ce médicament.

- En cas de modification d'un traitement associé (introduction ou retrait d'un médicament, modification de la posologie), l'INR doit être contrôlé dans les 3 ou 4 jours.

- L'automédication est dangereuse, notamment avec les anti-inflammatoires et l'aspirine (attention aux personnes âgées avec des problèmes ostéo-articulaires, tels que rhumatismes ou arthrose).

- La plupart des effets iatrogènes surviennent dans deux circonstances :

-> changements dans la vie du malade (maladie aiguë intercurrente, deuil, séparation, déménagement, sortie de l'hôpital...),

-> modification d'un traitement (nouvelle prescription, modification de la posologie...).

LES SIGNES ÉVOCATEURS DE SURDOSAGE

Ils peuvent être apparents ou non :

- Petits saignements : gingivorragie, épistaxis, hématome, règles anormalement abondantes, hémorragie conjonctivale (oeil rouge)...

- Saignements plus inquiétants : hématurie, rectorragie, méléna, hématémèse, hémoptysie, saignement persistant...

- Signes trompeurs (apparemment banals mais évocateurs d'une hémorragie interne) : fatigue inhabituelle, dyspnée, pâleur, céphalée ne cédant pas au traitement, malaise inexpliqué...

- En cas de suspicion de surdosage, un contrôle de l'INR est nécessaire.

ALIMENTATION

- Aucun aliment n'est interdit.

- Le patient sous AVK doit néanmoins veiller à ce que l'apport alimentaire de vitamine K soit régulier et sans excès.

- Les aliments les plus riches en vitamine K sont : brocolis, choux, choux-fleurs, choux de Bruxelles, épinards, laitue, tomate.

INFORMATION ET ÉDUCATION DU PATIENT

- Le patient doit connaître :

-> l'indication pour laquelle le traitement AVK lui a été prescrit et les risques thrombotiques spécifiques le concernant,

-> son INR cible ainsi que les limites de la zone thérapeutique,

-> les principes d'équilibre du traitement,

-> les risques hémorragiques liés au traitement,

-> les signes annonciateurs d'un surdosage,

-> les dangers de l'automédication.

- Le patient doit :

-> respecter la posologie prescrite, les heures habituelles de prise et les contrôles d'INR,

-> informer tous les professionnels de santé concernés de l'existence du traitement AVK (notamment avant une injection, des soins dentaires ou de pédicurie),

-> avoir une alimentation équilibrée (éviter l'alcool et les aliments riches en vitamine K),

-> ne pas modifier de lui-même la posologie,

-> ne pas pratiquer de sport violent ou des activités à risques de coupure ou de chute.

- Le "carnet d'information et de suivi de traitement" rappelle au patient les règles de bon usage des AVK. Il lui permet de :

-> disposer de ses résultats d'INR,

-> signaler la prise d'AVK à tous les professionnels de santé concernés.

- La notice se trouvant dans chaque boîte de médicament contient également des informations pratiques.

AMÉLIORER LE BON USAGE DES AVK

- D'après les résultats de deux études menées en 2003 par l'Afssaps auprès des biologistes et des pharmaciens d'officine pour évaluer la prescription et la surveillance du traitement par AVK en France :

-> un tiers des biologistes n'a pas connaissance de l'indication de l'AVK au moment de la mesure de l'INR ;

-> lorsque la zone thérapeutique est connue, la valeur de l'INR demeure en dehors de celle-ci dans 30 % des cas ;

-> le délai médian entre deux INR en phase d'équilibration est passé de 5 à 6 jours alors que le délai recommandé est de 2 à 4 jours. Un quart des patients en phase d'équilibre de traitement ne bénéficient pas d'une mesure d'INR au moins une fois par mois ;

-> si 80 % des patients se déclarent informés des risques du traitement, plus de la moitié ne connaissent toujours pas les signes annonciateurs d'un surdosage.

LES DIFFÉRENTS ANTIVITAMINES K

- Minisintrom (1 mg)

- Coumadine (2 mg et 5 mg)

- Sintrom (4 mg)

- Previscan (20 mg)

UNE CINÉTIQUE PROGRESSIVE

- L'effet anticoagulant des AVK est progressif. Il devient maximal au bout de 2 à 4 jours après le début du traitement.

- En cas d'arrêt du traitement, l'effet anticoagulant des AVK persiste. Il diminue progressivement en quelques jours après l'arrêt du traitement.

URGENCES : LES SIGNES D'ALERTE

Dans les cas suivants, le patient doit immédiatement avertir son médecin :

- lorsque l'INR est supérieur à 5 (même sans saignement visible associé),

- lorsque l'INR est supérieur à la valeur "haute" fixée par le médecin,

- lorsqu'un saignement apparaît (même minime),

- lorsque tout signe pouvant évoquer une hémorragie interne apparaît.

LES RECOMMANDATIONS DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE

- « Considérant la progression importante du nombre de malades traités par les AVK [...] et le nombre élevé d'accidents iatrogènes hémorragiques graves induits par cette thérapeutique », l'Académie nationale de médecine recommande de :

-> poursuivre l'éducation systématique des malades et de diffuser largement le carnet d'information et de suivi de traitement,

-> mieux former les médecins et les biologistes à l'utilisation de l'INR,

-> poursuivre les évaluations des centres de surveillance de l'anticoagulation (cliniques d'anticoagulant),

-> diffuser et prendre en charge des techniques d'automesure de l'INR (telles que le CoaguCheck System®),

-> évaluer et mettre sur le marché de nouveaux anticoagulants antithrombotiques ayant un rapport bénéfice/risque supérieur à celui des AVK.

À LIRE

- Académie de médecine, Traitements anticoagulants par les AVK, juin 2004 (sur Internet : http://www.academie-medecine.fr).

- Afssaps, Mise au point sur les AVK, janvier 2004 (sur Internet : http://afssaps.sante.fr).

- Cnamts, Patients sous AVK, une prise en charge qui doit s'améliorer, juin 2004 (sur Internet : http://www.ameli.fr).