Prévenir... les déceptions - L'Infirmière Libérale Magazine n° 201 du 01/02/2005 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 201 du 01/02/2005

 

Acné

Formation continue

Prévenir

Points noirs et boutons disgracieux perturbent la vie de nombreux adolescents. Pour certains, ils constituent même un véritable cauchemar. De nombreux traitements existent, dont l'efficacité dépend en grande partie de l'observance à long terme. C'est un point capital chez ces patients, a priori peu enclins à se plier durablement à une telle discipline. Un travail d'information et d'éducation doit donc accompagner la prise en charge, pour prévenir l'aggravation des lésions et les déceptions.

Bien qu'elle se résorbe la plupart du temps spontanément vers l'âge de 22 ans, l'acné empoisonne durant 8 à 10 ans la vie de 90 % des adolescents et jeunes adultes. Pourtant, elle est souvent négligée d'emblée et traitée sans surveillance médicale. Or, l'acné n'est pas une affection aussi banale qu'il y paraît. « C'est une pathologie cutanée dont les retentissements sur la qualité de vie et la construction identitaire peuvent être graves, explique le Dr Sonia Marquès-Briand, chef de clinique dans le service du Pr Brigitte Dréno, au CHU de Nantes. L'acné porte en effet atteinte à l'image corporelle et peut engendrer, quelle qu'en soit l'intensité, une dévaluation de l'image de soi et une perte de confiance pouvant aboutir à un syndrome dépressif. » D'où l'intérêt de mieux connaître cette pathologie et les principes qui régissent sa prise en charge pour informer et conseiller les jeunes, les orienter vers les bons interlocuteurs et prévenir les répercussions de cette affection chronique.

L'ACNÉ, QU'EST-CE QUE C'EST ?

L'acné est une maladie de la peau consécutive à deux phénomènes concomitants : l'hyperséborrhée et l'hyperkératinisation du canal folliculaire (canal excréteur du sébum). Au moment de la puberté, les hormones sexuelles masculines (testostérone) augmentent et entraînent, par le biais des récepteurs aux androgènes situés à la base des glandes sébacées, une surproduction de sébum (matière grasse empêchant le dessèchement de la peau). Cette hyperséborrhée s'accompagne d'un rétrécissement du canal folliculaire consécutif à son hyperkératinisation. Ne pouvant s'évacuer normalement, l'excès de sébum provoque la formation d'un microkyste ouvert ou fermé. Prises au piège, les Propionibacterium acnes (P. acnes), bactéries anaérobies spécifiques de l'acné, entraînent alors une réaction inflammatoire qui fait évoluer le microkyste en papule (lésion rouge), puis en pustule (bouton chargé de pus), voire en nodule (lésion inflammatoire plus profonde).

DES FACTEURS PRÉDISPOSANT

De nombreuses idées circulent quant au fait que l'acné serait favorisée par une mauvaise alimentation, des perturbations hormonales, des facteurs génétiques ou encore le stress ou le manque d'hygiène corporelle. Mais qu'en est-il réellement ?

« Bien que souvent incriminé, il n'a pas été scientifiquement montré à ce jour que l'excès de charcuterie, de chocolat et de confiseries constituait un facteur favorable à l'acné, indique le Dr Marquès-Briand. Toutefois, la découverte de nouveaux récepteurs hormonaux nécessite de plus amples investigations pour affirmer catégoriquement qu'il n'existe aucune relation de cause à effet. » L'acné n'est pas non plus synonyme de perturbations hormonales puisqu'elle témoigne de l'imprégnation androgénique physiologique propre à l'adolescence. « Cependant, précise le Dr Marquès-Briand, certaines pathologies hormonales engendrant une augmentation anormale des androgènes peuvent occasionner ou aggraver une acné. » De même, les dermatologues sont unanimes : stress et anxiété constituent des facteurs favorisant l'acné. Le stress engendre non seulement une hyperproduction hormonale au niveau des glandes pilosébacées, mais aussi des manipulations incontrôlées des lésions qui favorisent la production d'interleukine 1 (cytokine), laquelle augmente la susceptibilité à l'acné. Quant à la prédisposition génétique, il ne semble plus faire aucun doute que des antécédents familiaux d'acné majorent le risque d'avoir une peau acnéique.

UNE MALADIE ÉVOLUTIVE

D'une manière générale, l'acné débute vers l'âge de 11 ou 12 ans (avant les règles chez les filles) par l'apparition de microkystes et de comédons localisés sur le visage. Il s'agit d'une acné rétentionnelle pré-pubertaire qui peut également être consécutive à l'utilisation fréquente de cosmétiques comédogènes ou à la prise de certains médicaments. Cette acné modérée peut évoluer vers une acné inflammatoire ou mixte (rétentionnelle et inflammatoire) qui reste principalement localisée au visage et laisse parfois des cicatrices réductibles ultérieurement. L'acné peut également s'aggraver en acné nodulo-kystique associant comédons, kystes, nodules et pustules. Relativement rare, cette "acné conglobata" commence généralement au moment de la puberté et prédomine sur le dos, la face, le haut des bras, les fesses et les cuisses. La séborrhée est très importante et les nodules et abcès profonds laissent sourdre du pus périodiquement. Elle guérit en laissant des cicatrices permanentes. En pratique, les acnés rétentionnelles et/ou inflammatoires sont les plus fréquentes. « Elles doivent être prises en charge sérieusement car il est important, en termes de choix thérapeutique, de bien différencier d'emblée acné rétentionnelle, inflammatoire ou mixte », explique le Dr Marquès-Briand.

TRAITEMENTS : S'ARMER DE PATIENCE

Le traitement de l'acné consiste à évacuer les comédons et à éviter qu'ils se reforment. « Seuls les traitements comédolytiques locaux (rétinoïdes topiques dérivés de la vitamine A) sont des traitements de l'acné, explique le Pr Louis Dubertret. Les autres traitements, qu'ils soient locaux ou systémiques, sont des traitements d'appoint très utiles, mais non spécifiques. »

- Traitements locaux

Ces traitements sont particulièrement adaptés aux acnés débutantes et modérées. Suspensifs et non curatifs, ils doivent être suivis très scrupuleusement pour obtenir un résultat durable. En cas d'acné rétentionnelle, ils reposent sur les topiques à base de vitamine A acide (rétinoïdes topiques) en application quotidienne, le soir de préférence. Ces produits présentent l'inconvénient d'être irritants pour la peau péri-comédonienne. Leur prescription doit donc être accompagnée de certaines précautions. En particulier, il convient d'utiliser d'emblée des concentrations faibles que l'on augmentera progressivement pour éviter l'apparition brutale des irritations. L'effet asséchant peut également être atténué en appliquant le matin une crème hydratante. Un autre point important concerne la durée du traitement : il est indispensable de préciser, insistent les spécialistes, que les traitements locaux par la vitamine A acide ou ses dérivés ne doivent jamais être interrompus, y compris lorsque l'acné semble vaincue et que toutes les lésions ont disparu. En particulier, il est essentiel de ne pas les arrêter pendant l'été et d'utiliser un écran total car le soleil fait temporairement disparaître les lésions inflammatoires mais favorise la formation de comédons à l'origine de rechutes spectaculaires dans les jours qui suivent la fin des vacances. En cas d'acné rétentionnelle sévère, la mise en place du traitement peut être précédée d'un nettoyage de peau dermatologique. En présence d'une acné mixte à prédominance inflammatoire, il est possible d'associer aux rétinoïdes locaux des topiques à base de peroxyde de benzoyle appliqués en alternance un soir sur deux. Ce traitement, antiseptique et anti-inflammatoire, présente l'intérêt de potentialiser l'action de la vitamine A acide mais l'inconvénient de décolorer les vêtements et d'être photosensible. Des antibiotiques locaux peuvent également être utilisés pour traiter les acnés inflammatoires légères à modérées. Anti-inflammatoires et antibactériens, ils ont une action directe sur P. acnes. Toutefois, ils ne doivent jamais être prescrits plus de 4 à 6 semaines car, au-delà, ils favorisent la résistance bactérienne à P. acnes.

- Traitements par voie générale

Utilisés en cas d'acné moyenne à sévère, ils sont efficaces si prescrits à bon escient. Ils se décomposent en trois catégories.

-> Les antibiotiques : ils ont une action anti-inflammatoire au niveau de l'orifice pilo-sébacé, ils diminuent la prolifération des germes P. acnes et augmentent le confort des traitements comédolytiques auxquels ils peuvent être associés. Les classes les plus utilisées sont les cyclines de deuxième génération (Minocyclines, Doxycycline, Lymécycline). Si des discussions subsistent entre experts internationaux quant à la durée du traitement et à la dose de cyclines à prescrire (50, 100 ou 200 mg/j), il semble qu'un consensus se dégage au niveau européen pour recommander l'emploi durable (pas plus de 6 mois) des cyclines de deuxième génération associées à un traitement local. « En associant par exemple la nouvelle génération des rétinoïdes topiques à un traitement systémique par cyclines en cas d'acné modérée mixte, on bénéficie de l'effet synergique des deux produits sur la composante inflammatoire, tout en élargissant le spectre d'activité des rétinoïdes sur la composante rétentionnelle », explique le Pr B. Dréno. De même, associés aux topiques à base de péroxyde de benzoyle, les antibiotiques oraux s'avèrent utiles pour traiter les acnés inflammatoires moyennes. En cas d'échec ou de contre-indication aux cyclines, peuvent être prescrits les macrolides, dont le principal représentant dans cette indication est l'érythromycine.

-> Le Roaccutane® : en l'absence de réponse thérapeutique aux antibiotiques ou lorsque l'acné est très inflammatoire ou sévère, l'isotrétinoïne per os constitue une alternative thérapeutique de choix pour les acnés inflammatoires. Ce traitement n'a pas d'action comédolytique, mais il empêche la formation de nouveaux comédons. Il a une action anti-inflammatoire puissante au niveau de l'appareil pilo-sébacé, il stoppe la production de sébum et provoque l'atrophie des glandes sébacées. Il assure la disparition complète des lésions dans 85 % des cas, ce qui lui vaut d'être perçu comme la panacée par de nombreux adolescents. Il est donc particulièrement important d'en préciser les possibilités et les limites. En premier lieu, le Roaccutane® doit être utilisé avec précaution dans les acnés très rétentionnelles. « Dans certains cas, il est même contre-indiqué car il peut provoquer une poussée d'acné fulminans », précise le Pr Dubertret. Par ailleurs, il est important de savoir que l'efficacité du Roaccutane® est directement liée à la dose cumulée. « Cela signifie que plus la dose quotidienne est faible, plus le traitement sera long pour arriver à une dose cumulée efficace de 150 mg/kg », explique le Dr Marquès-Briand. Une notion qu'il convient d'expliquer car, pour limiter ses effets secondaires (lèvres gercées, peau sèche, démangeaisons, saignements de nez, photosensibilisation, dépression), le Roaccutane® est souvent prescrit à doses progressives (5 à 10 mg/j + 5mg/mois) au long cours, stratégie qui peut entraîner des résultats tardifs ou rapides. Il faut donc insister auprès des patients sur la nécessité de s'armer de patience pour éviter les arrêts de traitement prématurés au prétexte qu'il n'est pas efficace. Inversement, lorsque le traitement opère rapidement, il est indispensable de le conduire à son terme, car il faut que la dose cumulée soit suffisante pour être curative. Une fois l'acné contrôlée, un traitement local par un dérivé de la vitamine A acide le moins irritant possible (Adapalène® gel ou crème) est mis en place et il sera poursuivi à l'arrêt du traitement systémique. L'efficacité du Roaccutane® est contrebalancée par son effet hautement tératogène. Il entraîne en effet des malformations congénitales graves sur le système nerveux, les oreilles et le système cardio-vasculaire et justifie la mise en place d'une contraception sérieuse avant, pendant et après le traitement. Les adolescents doivent également être avertis que ce médicament peut entraîner des troubles de l'humeur (tristesse, irritabilité, fatigue inhabituelle, troubles de la concentration, déprime, idées noires...) qui imposent de consulter rapidement. Il nécessite par ailleurs de surveiller les transaminases, le cholestérol total et les triglycérides en début et en fin de traitement et plus régulièrement en cas de diabète, d'obésité, d'alcoolisme... Sa prescription doit donc être assortie d'un suivi rapproché.

-> Les autres traitements : les antiandrogènes (traitements hormonaux type Diane 35) ne font que diminuer la production de sébum et n'ont qu'un intérêt modeste dans l'acné. Le zinc et ses dérivés (Rubozinc®) ont un effet anti-inflammatoire limité au niveau de l'orifice pilo-sébacé. Ils présentent un intérêt en traitement d'appoint, particulièrement dans les formes inflammatoires modérées. Le laser n'a pas d'indication pour le moment mais pourrait, selon une récente étude anglaise, « constituer une nouvelle approche thérapeutique capable de traiter l'inflammation en cours et les cicatrices laissées par les précédentes poussées d'acné ». Quant à la photothérapie, les résultats préliminaires des études en cours sur la "lumière bleue" ne sont pas véritablement concluants. Pour l'heure, quelle que soit la stratégie mise en oeuvre, il est impératif d'associer au traitement une hygiène locale quotidienne qui, bien observée, contribuera à ne pas aggraver l'acné. Autant dire que les jeunes doivent prendre conscience qu'il n'existe pas de remède-miracle et que ce problème nécessite de leur part une participation active et un engagement durable quant à l'observance du traitement. Souvent impatients, les jeunes apprennent à leurs dépens qu'un traitement mal conduit ne sert à rien. Ils en incombent souvent la faute aux thérapeutiques alors qu'ils pêchent par manque de constance et de persévérance et par défaut d'information. Aux acteurs de santé de contribuer à leur éducation et de les orienter vers les bons interlocuteurs afin qu'ils puissent bénéficier d'emblée d'une prise en charge adaptée et d'un contrat thérapeutique dont ils comprennent le principe et dont ils acceptent les contraintes.

Soleil : un faux ami

- L'ensoleillement entraîne souvent une amélioration passagère de l'acné, laissant croire à son effet bénéfique, voire thérapeutique. Or il n'en est rien. Le soleil est un faux ami. Après un semblant d'amélioration, il aggrave l'acné en provoquant une hyperkératose secondaire. L'exposition solaire provoque en effet un épaississement de la peau (réaction de défense contre les UV) qui favorise l'accumulation en profondeur d'éléments rétentionnels durant l'été, lesquels explosent à l'automne. Par ailleurs, le soleil n'est pas compatible avec de nombreux traitements locaux ou systémiques. Il doit être évité tant que les cicatrices des boutons n'ont pas totalement disparu. Il est donc recommandé aux acnéiques d'utiliser un écran solaire efficace pendant l'été et d'en renouveler l'application régulièrement.

Acné cicatricielle : que faire ?

- Si certaines cicatrices d'acné comme les cicatrices planes érythémateuses disparaissent spontanément, d'autres (cicatrices en creux, hypertrophiques, chéloïdes) nécessitent l'intervention du spécialiste. Toutefois, il est indispensable d'attendre que la maladie ne soit plus évolutive pour envisager un traitement des cicatrices d'acné. « De même, insiste le Dr Marquès-Briand, il est très important de savoir que certains traitements, comme le Roaccutane®, doivent être interrompus de longue date (2 ans en moyenne) avant de pouvoir envisager une reprise des cicatrices car ils pourraient compromettre le processus de cicatrisation définitive de la peau. »

- Le dermatologue dispose de différentes techniques pour atténuer les stigmates de l'acné : cryothérapie, exfoliation par acide trichloracétique ou silice calibrée, peelings à la pâte de Unna, dermabrasion, laser YAG... La dermabrasion peut être pratiquée seule ou associée aux autres techniques. Elle consiste à meuler l'épiderme et la couche superficielle du derme sous anesthésie locale ou générale. La cicatrisation est obtenue après une semaine. Après un traitement des cicatrices d'acné, l'exposition solaire est interdite pendant 2 mois.

De l'utilité du nettoyage de peau dermatologique

- Il consiste à ouvrir les microkystes et comédons à l'aide d'un bistouri ophtlamologique à corps étranger, à expulser les lésions entre les pulpes des doigts recouvertes de compresses, et à appliquer ensuite de l'acide trichloracétique (évite le renouvellement des lésions), puis une compresse humide. « Ce soin est particulièrement conseillé pour préparer la peau avant d'initier un traitement systémique par isotrétinoïne si l'acné est très rétentionnelle, explique le Dr Marquès-Briand. Lors de sa mise en route, ce type de traitement peut en effet favoriser une poussée inflammatoire sévère si les comédons et microkystes sont nombreux. »

Ce qu'il faut faire... ou pas

- Utiliser des produits doux : pour la toilette, il convient d'éviter les savons classiques alcalins à pH élevé dont l'usage répété entraîne souvent des irritations augmentant l'interleukine 1 comédogène. Éviter également le savon de Marseille. Écologique et naturel, ce savon assèche trop la peau et stimule la production de sébum. Il faut conseiller l'utilisation d'un syndet (savon sans savon) liquide ou solide à pH proche de celui de la peau (5,5-5,7), type pain dermatologique Aderma® par exemple ou gel moussant sans savon de la Roche Posay, voire des savons surgras enrichis en glycérine, huile d'amande douce, sébum.

- Il est possible de se maquiller à condition d'utiliser des produits spécifiques pour peaux acnéiques (gammes non comédogènes disponibles en pharmacie La Roche Posay, Avènes, Clinic...). Éviter les soins agressifs pour la peau (gommage, masques, soins cosmétiques).

- Appliquer les crèmes sur un visage propre et avec des mains également propres.

- Ne pas manipuler soi-même les boutons et ne pas utiliser de solutions alcooliques ou soufrées car elles déséquilibrent la flore naturelle et provoquent une hyper-inflammation.

- Ne jamais gratter les boutons avec les ongles ou divers instruments : risque de cicatrices indélébiles.

- Prendre régulièrement des vitamines A, H, B6.

- Suivre les conseils du spécialiste.

- Ne pas utiliser un traitement prescrit à un frère, une soeur ou un ami... car il peut ne pas convenir au type d'acné du sujet.

- Préférer le rasage électrique au rasage manuel (couper les boutons les pérennise).