Une loi, des droits... mais aussi des menaces - L'Infirmière Libérale Magazine n° 202 du 01/03/2005 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 202 du 01/03/2005

 

LOI SUR LE HANDICAP

Actualités

L'Événement

Deux pas en avant, un pas en arrière, tel est le bilan mitigé de la nouvelle "loi sur l'égalité des droits des personnes handicapées", qui satisfait partiellement les associations... mais menace sérieusement l'exercice professionnel libéral.

Définitivement adoptée par le Parlement début février, la "loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" n'a pas fini de faire couler de l'encre. En effet, à peine adoptée, elle est déjà sévèrement critiquée de toutes parts.

Bien sûr, les principales associations de personnes handicapées (notamment l'APF et l'AFM) se félicitent « des avancées de ce texte ». Avancées qu'elles ont d'ailleurs obtenues de haute lutte grâce à leur intense lobbying auprès des parlementaires pour « faire évoluer le projet de loi dans le bon sens ».

La vigilance des associations s'exercera également auprès de l'exécutif « lors de la rédaction des décrets et de leur application » dans les mois qui viennent. Sur ce point, comme pour les autres, on peut leur faire confiance. Car elles ont su - et sauront donc encore - se faire entendre.

Si les associations sont globalement satisfaites, elles laissent pourtant poindre un début d'inquiétude, qui concerne notamment la mise en place des moyens budgétaires permettant la concrétisation des avancées législatives. La création prochaine de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) devrait normalement y remédier. À terme, la CNSA devrait devenir une nouvelle branche de la protection sociale.

Les avancées

Trente ans après la loi de 1975, la nouvelle loi comporte un certain nombre d'avancées :

-> une prestation de compensation du handicap sera accordée au niveau départemental, pour apporter aux personnes handicapées des réponses individualisées en termes d'équipements ou d'aide humaine ;

-> l'accessibilité aux personnes handicapées des transports en commun, des immeubles d'habitation et des lieux recevant du public, devra être effective dans un délai maximum de dix ans ;

-> la scolarité des enfants et des adolescents handicapés sera facilitée par leur inscription de droit dans l'établissement de leur quartier. De plus, ils auront la possibilité de s'inscrire simultanément dans un lieu spécialisé ;

-> l'accès à l'emploi des personnes handicapées devrait être facilité (non discrimination à l'embauche) ;

-> une garantie de ressources est prévue pour les personnes dans l'incapacité de travailler. Elle est fixée à 80 % du smic ;

-> des maisons départementales des personnes handicapées seront créées, qui constitueront des guichets uniques d'informations sur les démarches à effectuer ;

-> la formation initiale et continue des professionnels de santé sera renforcée.

Ce qui fâche

Selon l'article L. 1111-6-1 du Code de la Santé publique, « une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d'accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant naturel ou de son choix pour les réaliser. La personne handicapée et les personnes désignées reçoivent préalablement, de la part d'un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d'acquérir les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des gestes pour la personne handicapée concernée. Lorsqu'il s'agit de gestes liés à des soins infirmiers, cette éducation et cet apprentissage sont dispensés par un médecin ou un infirmier. Les conditions d'application du présent article sont définies, le cas échéant, par décret. »

Pour les syndicats d'infirmiers libéraux, cet article ouvre grand la porte à « l'exercice illégal de la profession infirmière » et pose d'importants problèmes de responsabilité professionnelle, tant civile que pénale, liés aux actes effectués par ces tierces personnes a priori non qualifiées. Les réactions des syndicats ont été vives. Ainsi, la FNI a appelé « les infirmières d'exercice libéral à cesser les soins [...], ou à les refuser aux personnes handicapées, dès lors qu'une tierce personne est susceptible d'induire une confusion de responsabilités en accomplissant des soins infirmiers ». De son côté, Convergence infirmière invite à une « journée d'action et de manifestation » à Paris au cours de la 2e quinzaine de mars.

En riposte, l'AFM et l'APF « s'insurgent contre l'action de la FNI qui a appelé les infirmières à refuser les soins aux personnes en situation de handicap ». Les deux associations estiment que le mot d'ordre de la FNI est « inacceptable » car il prend « les personnes en situation de handicap comme otages ».

Otages ?

Le mot est peut-être quand même un peu fort. Les réactions infirmières sont à la hauteur de leur courroux et de leur désespoir. Certes, elles ont perdu une bataille juridique, faute d'avoir su se faire bien entendre en amont de la loi. Mais reste l'étape réglementaire, avec la rédaction « le cas échéant, par décret », des conditions d'application de l'article L. 1111-6-1. Puisse cette fois leur voix être audible, haut et fort, par-delà la cacophonie syndicale. La profession infirmière, combien de divisions ?

Ils ont dit...

- Cette loi « a pour objectif premier de répondre aux besoins des personnes handicapées et non de se plier aux objections de certaines catégories socio-professionnelles. [...] La personne handicapée peut, quoi qu'il en soit, choisir une infirmière pour effectuer ces soins ».

Muriel Marland-Militello, députée (UMP) des Alpes-Maritimes

- « Avec ce texte, les personnes lourdement handicapées pourront choisir librement l'aidant qui leur est le plus proche pour lui déléguer ces soins que personne ne veut faire [...]. Aucun repli catégoriel ni corporatiste ne saurait justifier la remise en cause d'une telle avancée législative, car c'est une question de dignité humaine. »

Dr Nicolas About, sénateur (UDF) des Yvelines

Pour en savoir plus

- Sur la position des syndicats

-> FNI (Fédération nationale des infirmiers) : http://www.fni.fr

-> Convergence infirmière : http://www.convergence-infirmiere.fr

-> Sniil (Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux) : http://www.sniil.fr

- Sur la position des associations

-> APF (Association des paralysés de France) : http://www.apf.asso.fr

-> AFM (Association française contre les myopathies) : http://www.afm-France.org

- Sur le handicap et l'école

-> Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés) : http://www.apajh.org

-> Grandir à l'école : http://www.grandiralecole.com

-> La cellule d'écoute Handiscol numéro azur : 0 810 55 55 01

GUIDE FISCAL 2005

L'Association des paralysés de France (http://www.apf.asso.fr) a édité un petit Guide fiscal pratique (24 pages) pour les personnes en situation de handicap. Ce guide est disponible gratuitement sur simple demande au 01 40 78 69 00.