Refuser un héritage ou l'accepter sous conditions - L'Infirmière Libérale Magazine n° 205 du 01/06/2005 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 205 du 01/06/2005

 

Juridique

Lorsqu'on hérite, c'est de tout : des biens du défunt, mais aussi de ses dettes. En effet, une succession se compose de l'actif, mais également du passif du défunt. Aussi, avant d'accepter, il faut se montrer prudent et prendre quelques précautions.

Nul n'est tenu d'accepter un héritage. Trois solutions s'offrent à l'héritier : accepter purement et simplement la succession ; au contraire, la rejeter en bloc ; ou enfin, l'accepter sous bénéfice d'inventaire.

ACCEPTER UN HÉRITAGE EN BLOC

Un héritier peut accepter simplement. Il s'engage à payer le passif du défunt, même si les biens recueillis ont une valeur moindre. Ce qui signifie que c'est alors avec ses propres deniers qu'il devra rembourser les créanciers si l'actif de la succession n'y suffit pas. L'acceptation est expresse ou tacite quand la personne agit en semblant croire à son acceptation en vendant un bien, par exemple (article 778 du Code civil).

Avant d'accepter un héritage, un bilan de patrimoine s'impose. Aidé des banques et des documents personnels du défunt, le notaire va évaluer la situation. Néanmoins, toutes les dettes ne sont pas toujours facilement identifiables et mesurables. Ainsi, si le défunt s'est porté caution auprès d'une banque ou bien d'un bailleur, il est difficile de le savoir, puisqu'aucun fichier central de caution n'existe. À noter tout de même que seules les dettes nées avant le décès peuvent être réclamées à l'héritier.

RENONCER À UNE SUCCESSION

Cela est toujours possible. Sauf acceptation, l'héritier peut toujours renoncer par déclaration au greffe du lieu d'ouverture de la succession (article 784 du Code civil). La renonciation l'exclut totalement. Sa part revient aux autres (c'est une façon ainsi d'avantager les autres héritiers). Ses enfants ne peuvent le représenter. Il peut revenir sur sa décision tant qu'aucun héritier ou légataire universel n'a accepté la succession. L'héritier qui a caché ou pris certains biens ne peut renoncer : il est acceptant et est privé de tout droit sur la chose recelée.

ACCEPTER SOUS BÉNÉFICE D'INVENTAIRE

Il s'agit alors de protéger le patrimoine de l'acceptant qui ne règle les dettes qu'à hauteur de ce qu'il a reçu et conserve le solde positif. Si les créanciers, les légataires ou héritiers se manifestent, un délai de trois mois pour réaliser l'inventaire, plus quarante jours pour se décider, commence à courir. Le délai est écourté si l'inventaire est terminé plus tôt. Si personne ne se manifeste, un délai de trente ans permet d'opter sur la succession. Au-delà, la renonciation est automatique.

Pour obliger un héritier à choisir, les cohéritiers ont la possibilité de demander le partage ; les légataires et les créanciers peuvent le mettre en demeure de payer. Il est interdit d'accepter ou de renoncer à une succession avant le décès de la personne à qui l'on succède. Si un héritier meurt avant d'avoir opté, ses propres héritiers prennent alors la décision.

La renonciation, comme l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, donnent lieu à une déclaration au greffe du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession. Cette déclaration sera inscrite sur un registre spécial relatif aux successions (article 793 du Code civil).

CONTESTER DES DISPOSITIONS TESTAMENTAIRES

Cela reste possible si le testament n'est pas valable dans la forme ou dans le fond. Au préalable, il convient de vérifier l'existence d'une réserve et si la part de chacun a été respectée. Ensuite, il y a lieu d'établir la consistance de la succession. Pour calculer la réserve, il faut tenir compte de toutes les donations. Si leur montant dépasse la quotité disponible, les réservataires peuvent en demander la réduction, qui frappera d'abord les legs et, si cela ne suffit pas, les donations en commençant par les dernières.

Toute contestation est portée devant le tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession. Le ministère d'avocat est obligatoire. L'action suppose de démontrer qu'au moment de la rédaction de l'acte, le testateur n'était pas sain d'esprit (article 901 du Code civil) ou souffrait d'une affection mentale altérant sa faculté de discernement. La charge de la preuve pèse sur le demandeur. Le juge tranche au vu des circonstances entourant la rédaction en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation.

En cas de désaccord entre héritiers, il vaut mieux recourir à un notaire. Il propose, en général, de vendre les biens immobiliers ou le portefeuille boursier et de distribuer l'argent. Si l'un des héritiers s'y oppose, un partage judiciaire sera prononcé par le tribunal de grande instance compétent. Le juge décide alors de procéder à la vente de l'entier patrimoine, puis de partager les sommes perçues ou bien de distribuer les lots en nature.

Rappelons qu'au titre des conditions pour hériter, l'héritier doit exister au moment du décès (ou pour recevoir un legs), donc être conçu et naître viable dans les 300 jours suivants (article 725 du Code civil). Il faut donc attendre la naissance pour régler la succession. L'enfant mort-né ou né non viable n'hérite pas. Le mécanisme de la représentation autorise, quant à lui, un héritier, appelé "représentant", à succéder à la place de son auteur prédécédé (mort avant lui). Il bénéficie des mêmes droits que ceux du représenté. La représentation ne joue que pour les enfants, les frères ou soeurs et, s'ils sont déjà décédés, pour leurs descendants. Seule restriction : un héritier déclaré indigne ou ayant renoncé à la succession ne peut être représenté.

Notre expert vous répond

- Comment protéger son conjoint ?

Les époux peuvent recourir à certaines techniques. Ainsi, le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale demeure une solution. De même, la donation entre époux ou au dernier vivant, établie de son vivant devant notaire, permet de disposer de ses biens en faveur du conjoint, mais elle ne prend effet qu'au jour du décès. Elle joue le rôle d'un testament et est révocable. Enfin, la clause de préciput insérée dans le contrat de mariage autorise un époux à prélever sur la communauté, avant partage, une certaine somme ou certains biens (article 1515 du Code civil). Le survivant peut se faire attribuer le domicile conjugal par exemple.

Il existe d'autres moyens ouverts aux concubins comme la souscription d'une assurance-vie, hors droits de succession, au profit du conjoint ; l'achat en indivision et la vente en viager avec réversion de la rente sur la tête du survivant. De plus, la clause de "tontine", en vertu de laquelle le premier mourant considéré comme n'ayant jamais eu droit à la propriété du bien acquis, celui-ci sera censé avoir toujours appartenu en totalité au survivant, offre un intérêt fiscal en dessous d'une certaine valeur au jour du décès.

Un legs au concubin est permis. Longtemps il a encouru la nullité quand on prouvait l'intention de rémunérer des relations hors mariage. La Cour de cassation a abandonné cette position. Désormais toutes les libéralités entre concubins sont valables, même celles destinées à maintenir une relation adultère (Cass. 1re civ., 3 février 1999).

Attention, le jugement de divorce exclut l'ex-conjoint de la succession. En cas de séparation de corps, le conjoint survivant conserve ses droits successoraux, sauf si la séparation est prononcée contre lui ou que les deux conjoints ont renoncé à ces droits.