Actes professionnels et nomenclatures [1/2] - L'Infirmière Libérale Magazine n° 207 du 01/09/2005 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 207 du 01/09/2005

 

Gestion pratique

La Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) est un texte que les infirmiers libéraux utilisent au quotidien, mais dont ils n'ont pas toujours une vision d'ensemble. Il s'agit en effet d'un document complexe. De plus, il n'a cessé d'évoluer - toujours avec lenteur - au fur et à mesure de la parution des arrêtés ministériels qui sont venus modifier le texte initial.

La Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) est un texte important, qui concerne de nombreuses professions libérales de santé : les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et tous les auxiliaires médicaux (pédicures podologues, masseurs-kinésithérapeutes, infirmières, orthophonistes et orthoptistes). Certaines parties de la NGAP (dispositions générales) concernent l'ensemble de ces professions, tandis que d'autres parties concernent spécifiquement chacune des professions. Ainsi, pour les soins infirmiers, c'est le titre xvi. Depuis le 31 mars 2005, les actes techniques médicaux et dentaires sont régis par une nouvelle nomenclature : la CCAM (Classification commune des actes médicaux).

Depuis cette date, la NGAP se limite donc, d'une part, aux actes cliniques médicaux, et, d'autre part, aux actes techniques et cliniques des autres professions de santé. De leur côté, les pharmaciens et les médecins biologistes se réfèrent à une nomenclature qui leur est spécifique et qui s'appuie également sur un système de codage.

Pour les infirmières, le codage des actes était déjà évoqué dans la convention nationale de 1997 (art. 4), qui prévoyait « de favoriser une gestion dynamique de la NGAP et de garantir une approche médicalisée de la distribution des soins ». Mais, dès cette époque, on pouvait se demander si les soins infirmiers que nous dispensons sont bien informatisables et mesurables, ce, dans toutes leurs dimensions ? !

COTER LES ACTES

Avec le libre choix du patient, le paiement à l'acte représente l'un des fondements de l'exercice libéral des professions de santé. Pour permettre le remboursement par l'assurance maladie des actes effectués, la NGAP fixe à la fois les lettres-clés, leur cotation et leurs conditions de facturation. Avec ce système, les assurés sociaux sont donc remboursés des actes effectués, dans la mesure où le professionnel de santé inscrit sur les feuilles de maladie le type et la valeur des actes selon les coefficients en vigueur.

La NGAP fait le choix du coefficient qui sera attaché à un acte (AMI 1 pour l'IM, et AMI 1,5 pour l'IV, par exemple). Elle établit ainsi une hiérarchisation des actes, qui dépend de plusieurs critères (compétence spécifique requise, durée estimée de l'acte...). Par contre, la valeur de la lettre-clé relève du dispositif conventionnel (négociations entre les caisses, l'État et les organisations professionnelles). Son évolution est liée à la régulation des dépenses de santé.

UN PREMIER TEXTE QUI DATE... DE 60 ANS !

La première nomenclature parue est une annexe de l'arrêté du 29 octobre 1945. La même année voit la publication des ordonnances qui instituent le régime général de la Sécurité sociale et la création de l'ordre des médecins.

Deux ans plus tard, l'arrêté du 31 décembre 1947 va introduire la notion d'actes pouvant être effectués par un auxiliaire médical qualifié. À l'époque, pour les infirmières, la liste d'actes comporte principalement les soins d'hygiène et les injections (sous-cutanées, intramusculaires, intraveineuses...).

Quelques années plus tard, l'arrêté du 23 janvier 1953 autorise « l'injection sous cutanée médicamenteuse goutte-à-goutte de longue durée » aux infirmières (alors que précédemment elle était réservée aux seuls actes médicaux de pratique courante). En revanche, la commission permanente de l'époque rejette la possibilité pour les infirmiers d'effectuer à domicile une perfusion intraveineuse, argumentant que « cet acte n'entre pas dans la compétence des infirmiers en raison de la surveillance qui doit être effectuée par un médecin » ! Cette même année 1953, les pédicures voient la création de leur lettre-clé.

Il y a une petite vingtaine d'années, figurait encore à la NGAP pour les infirmières « la pose de ventouses scarifiées » que l'on ne nous avait pas enseignée en formation initiale et qui ne se pratiquait plus depuis longtemps.

Au fil des années, de nombreux arrêtés sont venus régulièrement modifier la NGAP. Mais les refontes les plus complètes du texte ont été faites par les arrêtés du 4 juillet 1960 et du 27 mars 1972.

DE NOUVELLES LETTRES-CLÉS EN 1994 ET 2002

En 1994, une nouvelle lettre-clé est introduite pour les infirmières libérales. Il s'agit de l'AIS (acte infirmier de soins) pour la cotation des soins d'entretien et de continuité de la vie, qui correspond à une volonté des tutelles de distinguer ce qui relève, d'une part, des soins techniques (AMI), et, d'autre part, des soins de nursing, du sanitaire ou du social.

La réalité de l'époque est celle des choix économiques et d'une volonté de régulation des dépenses de santé de la part des tutelles. L'introduction de cette lettre-clé a, dans les faits, dévalorisé le rôle propre infirmier, déjà si peu reconnu dans la nomenclature. L'écart de la valeur de ces deux lettres-clés (0,50 Euro(s) entre l'AMI et l'AIS actuellement, contre 0,70 F en 1992), qui s'est d'ailleurs creusé au fil des années, en témoigne !

En revanche, il convient de reconnaître que, même si nous trouvons cet outil souvent inadapté à notre pratique professionnelle, ces quinze dernières années ont connu une évolution importante du titre xvi « soins infirmiers » de la NGAP. Le chapitre concernant les soins spécifiques a en effet évolué, que ce soit pour les personnes atteintes de cancer, les enfants de mucoviscidose, ou encore pour un meilleur suivi des personnes diabétiques.

L'arrêté du 28 juin 2002 viendra confirmer l'application de la DSI et introduire une troisième lettre-clé pour les infirmières : la DI.

DAVANTAGE D'ACTES TECHNIQUES ET SPÉCIFIQUES

La liste d'actes du titre xvi de la NGAP évolue. Depuis quelques années, elle comporte des soins de plus en plus techniques et spécifiques. Cette évolution a plusieurs dimensions, qui sont à la fois médicale, économique et sociale. Les progrès médicaux et la maîtrise des coûts entraînent la réduction des durées d'hospitalisation. Mais il faut composer également avec l'allongement de la durée de la vie, les problèmes liés à la maladie chronique et aux handicaps, ainsi qu'une plus grande attention portée à la fin de vie. Pour des raisons diverses, nombre de personnes souhaitent être soignées dans leur lieu de vie habituel.

Par ailleurs, le développement des soins techniques à domicile a permis un rapprochement des infirmières hospitalières et libérales, par le biais d'un transfert d'actes réservés préalablement au seul secteur hospitalier. Mais les soins infirmiers ne se déclinent pas simplement en actes. La plupart des modèles conceptuels qui fondent la pratique infirmière sont centrés sur l'approche globale de la personne et l'évaluation des besoins.

En exercice libéral, il faut souligner cette difficulté de concilier approche globale et paiement à l'acte. Dans la NGAP, la clinique infirmière prend la forme de séances de soins (induisant une notion de "forfait"), qu'il s'agisse de soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne, ou encore de la surveillance clinique et de prévention pour un patient insulinotraité (de plus de 75 ans).

LE RÔLE PROPRE INFIRMIER... ENCORE SOUMIS À PRESCIPTION MÉDICALE

La NGAP s'est enrichie ces dernières années de la démarche de soins infirmiers (DSI), mise en oeuvre dans le cadre des soins d'entretien et de continuité de la vie. La DSI a été conçue pour le maintien à domicile des personnes en situation de dépendance, temporaire ou permanente, quel que soit leur âge. Il y est bel et bien question d'argumenter les interventions infirmières par des objectifs de soins, s'appuyant sur une analyse (diagnostics infirmiers), déterminant le contenu et le nombre de séances de soins nécessaires au patient. Ce qui constitue une certaine avancée, puisque ces soins relevaient auparavant de la décision médicale. Toutefois, c'est le médecin qui prescrit la DSI et en valide (ou non) le résumé adressé à la caisse. L'article 5 des dispositions générales (cf. p. 3) soumet en effet le remboursement ou la prise en charge de l'acte à la prescription médicale !

Le champ du rôle propre, tel qu'il est décrit dans le code de la Santé publique (section i, actes professionnels, art. R. 4 311-1 à R. 4311-15) est loin de trouver une traduction intégrale dans cette nomenclature. Ainsi, des actions (comme l'entretien d'accueil, la mise en oeuvre du dossier de soins dans les situations complexes, l'évaluation de la douleur ou l'éducation des patients et des proches) ne font pas l'objet d'une cotation spécifique.

À l'avenir, pour faire évoluer cette situation, il appartiendra aux infirmiers libéraux de clarifier ce qui relève de ce rôle autonome et comment il peut s'articuler avec l'activité des autres professionnels, dans l'intérêt des bénéficiaires... Sans oublier le bénéfice que les comptes de la santé pourraient aussi y trouver. Un vrai défi à relever !

Pour les infirmières, trois lettres-clés

Actuellement, trois lettres-clés sont en vigueur pour les infirmières :

-> AMI (acte effectué par un auxiliaire médical infirmier), qui concerne tous les actes qui ne relèvent pas des deux autres lettres-clés (valeur unitaire : 2,90 Euro(s)) ;

-> AIS (acte infirmier de soins), qui concerne les soins mis en oeuvre à la suite de l'élaboration de la démarche de soins infirmiers (séances de soins infirmiers, surveillance clinique infirmière et prévention, mise en oeuvre d'un programme d'aide personnalisée) et les gardes au domicile du malade (valeur unitaire : 2,40 Euro(s)) ;

-> DI : démarche infirmière, qui concerne la démarche de soins infirmiers (DSI, valeur unitaire : 10 Euro(s)).

Des références spécifiques

-> La CCAM (Classification commune des actes médicaux) est une liste d'actes codés, commune à la fois aux secteurs publics et privés. Elle est destinée à servir de base à la tarification des actes médicaux en secteur libéral et à l'allocation des ressources des établissements dans le cadre du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'Information).

-> La NABM (Nomenclature des actes de biologie médicale) concerne les actes de biologie médicale, ainsi que certains actes d'anatomie et de cytologie pathologiques.

-> La LPP (Liste des produits et prestations, ex-Tips) concerne les pharmaciens, les fournisseurs et les établissements de santé. Elle fixe le contexte réglementaire de cette nomenclature mais aussi les modalités de facturation à l'aide d'un code numérique à sept chiffres.

La CCAM V2 devrait s«appliquer le 15 septembre prochain

- La mise en oeuvre de la CCAM technique dans sa version numéro 2 (CCAM V2) devrait normalement être effective ce mois-ci, sous réserve de la parution des textes réglementaires ad hoc au Journal officiel. La CCAM V2 s'applique aux actes techniques des médecins généralistes et spécialistes. La première version de la CCAM (CCAM V 1) avait révélé différents types d'erreurs (incompatibilités, problèmes de transcodage...) et suscité de multiples controverses, notamment de la part des chirurgiens.

- Aujourd'hui, toutes les erreurs sont censées être corrigées et le basculement définitif dans la nouvelle version devrait pouvoir s'effectuer le 15 septembre au plus tard. Concrètement, les médecins pouvaient continuer à coder en NGAP ou en CCAM V1 jusqu'au 31 août. Du 1er au 15 septembre, ils ont la possibilité de coder en NGAP ou en V2. Dès le 15 septembre, tous devront avoir basculé dans la V2. La dernière version de la CCAM peut être consultée et téléchargée sur le site de l'Assurance maladie (http://www.ameli.fr/77/DOC/1162/article.html).

CM