Une équipe iséroise à l'écoute des patients - L'Infirmière Libérale Magazine n° 214 du 01/04/2006 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 214 du 01/04/2006

 

Exercice particulier

Neige et verglas sont souvent le lot de cette dynamique équipe iséroise, qui sillonne les routes dominant Grenoble. Ces professionnels aguerris travaillent en étroite collaboration avec les autres professionnels de santé de la région. Ils accueillent aussi des étudiants en soins infirmiers.

Dans le département de l'Isère, sur les hauteurs dominant Grenoble, Lans-en-Vercors est une petite commune rurale où les infirmiers - et aussi une infirmière ! - travaillent en étroite relation avec les différents professionnels de santé du secteur, pour le plus grand confort des patients.

Sur la neige collante, à moitié verglacée, des routes qui mènent aux hameaux de la commune de Lans-en-Vercors, Jean-Paul Reboul commence sa tournée matinale dans un univers frisquet : « C'est bas : ce matin, on ne verra pas le soleil », observe cet infirmier libéral qui roule en 4x4. « Le 4x4, ici, c'est indispensable, poursuit-il. Dans les fermes reculées au début de l'hiver lorsqu'il neige, vous ne passez pas sans ce type de véhicule ! »

Un passé commun

Avec huit patients à voir ce matin, la tournée de Jean-Paul Reboul n'est pas très importante pour le secteur de Lans-en-Vercors et de Saint-Nizier-du-Moucherotte, un village proche qui n'existait pas au début du xxe siècle et qui fut détruit par les Allemands en 1944. « Il ne restait plus que la cure, l'église et quelques habitations », souligne Jean-Paul Reboul. « C'est ici qu'a débuté la bataille du Vercors », raconte une habitante de ce village en pleine extension.

De son côté, l'infirmier Alberto Rivière entame la grande tournée qui le conduit sur les communes de Lans-en-Vercors et Engins. Une vingtaine de patients à voir ce matin, le programme des soins est chargé. « La grosse tournée débute vers 5 h 30 et s'étale jusqu'à midi, sur quelque 100 à 150 kilomètres, pendant que l'autre réalise la petite tournée et que le troisième se repose, explique Jean-Paul Reboul. On s'organise ainsi entre nous. »

Nathalie Pascault est la troisième professionnelle de santé du cabinet, de repos pour la journée. Tous ces infirmiers se connaissent bien. Ils ont en commun d'avoir réalisé leurs études au CHU de Grenoble et d'avoir exercé dans le service de réanimation. C'est ainsi qu'ils ont décidé de s'associer dans l'exercice de leur métier.

Une région où il fait bon vivre

À moins d'une heure à peine par la route de l'agglomération grenobloise, Lans-en-Vercors est l'une des portes d'entrée sur ce massif, surtout connu pour la beauté de ses hauts plateaux sauvages, royaume des randonneurs l'été, et de ses contre-forts, paradis des skieurs alpins et fondeurs lorsque cette région se drape de blanc. Dans ces villages de montagne, jadis tournés vers l'agriculture et l'élevage, aujourd'hui on ne vit plus que du tourisme saisonnier. « L'agriculture est une facette : il y a de moins en moins d'agriculteurs, fait remarquer un habitant du secteur, ils adaptent leur habitation en gîte et exercent comme moniteurs de ski ! » Majoritairement constituée de gens ayant grandi sur la commune, la clientèle de ce groupe d'infirmiers est constituée pour l'essentiel de personnes d'un âge avancé. « Les gens ont fait leur vie en région parisienne, dans la vallée grenobloise ou ailleurs, et, à l'heure de la retraite, ils reviennent pour finir leur vie dans ces montagnes qui ont bercé toute leur enfance », observe Jean-Paul Reboul. Lui-même est venu s'installer au pays après avoir exercé plusieurs années dans l'agglomération niçoise. Tous ces professionnels aguerris travaillent en étroite collaboration avec les autres professionnels de santé du village : médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, auxiliaires de vie... Au fil des années, ils ont tissé un réseau bien structuré qui permet de répondre à la demande des patients pour leur plus grand soulagement. « Tout est organisé autour du patient », assure un médecin du secteur. « Si 80 % des patients meurent à l'hôpital ou en maison de retraite, comme c'est souvent le cas, par volonté, la tendance est inversée à condition qu'il y ait une structure et un aidant naturel », explique Jean-Paul Reboul.

Des professionnels attentifs

L'équipe soignante traite toutes sortes de pathologies. Du diabète aux contrôles des anti-coagulants, en passant bien évidemment par les accidents liés à la pratique des sports de montagne, ces infirmiers réalisent également beaucoup de toilettes. « Avec tous nos gros malades, explique Jean-Paul Reboul, c'est 95 % des soins ! » Ils "techniquent" également des chimiothérapies lorsque le patient est équipé d'une chambre implantable qui permet d'effectuer les soins nécessaires. Sur le secteur de Lans-en-Vercors, la population locale se divise en deux catégories : d'un côté, les montagnards endurcis qui consultent lorsque cela ne va pas et, de l'autre, une population qui arrive de la ville avec des exigences urbaines. « Avec un niveau socio-économique plutôt élevé, nous avons ici beaucoup de pédiatrie, de gérontologie, de la médecine du sport avec des pathologies liées aux activités de plein air. C'est assez varié », note le docteur Cédric Devaux, l'un des médecin de Lans-en-Vercors. Les transmissions sont notées sur un cahier avec une connexion assez exceptionnelle. Sur la commune, la pharmacie a été reprise par un jeune. Dynamique, il met à disposition très rapidement du matériel médicalisé de bon niveau. Un avantage, car, sur le plateau du Vercors, il n'y a pas de structure d'hébergement médicalisée, malgré l'insistance des professionnels de santé de la région. Beaucoup de gens reviennent, car ils savent qu'il y a une équipe qui répond pour les soins.

« J'ai accompagné mes parents pour leur fin de vie avec toute l'équipe médicale : médecins, infirmiers, auxiliaire de vie, se souvient une habitante du plateau. S'il n'y avait pas eu d'implication du prescripteur, tout ceci aurait été impossible. » Une démarche très humaine qui permet aussi de tisser des liens très étroits avec les patients suivis. « On instaure un climat de confiance qui permet d'aller jusqu'au bout », confie Jean-Paul Reboul. « Si nous n'avions pas l'équipe de santé, nous ne pourrions pas garder ma mère à domicile, explique la fille d'une patiente atteinte d'Alzheimer. Il n'y aurait pas d'autre solution que de la placer en maison médicalisée. » Quelques kilomètres plus loin, Jean-Paul Reboul vient chez une patiente pour y réaliser une toilette. « C'est la base du travail, fait-il remarquer. Car cela permet de faire le tour de la personne et de déceler des débuts d'escarres ! »

Pour montrer la voie

Nouveau patient cette fois-ci, il s'agit d'un prélèvement sanguin. Le geste technique va être exécuté par Yann Quercioli, étudiant en soins infirmiers, en stage de formation. Il est en stage depuis le début du mois et, ce, pour une période de quatre semaines. Pour ce sportif accompli, ce stage est l'occasion de se confronter aux réalités de l'exercice libéral. « Lorsque je suis arrivé ici, se souvient Yann Quercioli, je ne connaissais pas la prise en charge, le type de population rencontré, l'organisation tant financière que professionnelle. » Ce jeune Isérois, natif d'une vallée voisine, avoue ses difficultés à supporter la vie urbaine. « Par choix, explique-t-il, je souhaiterais m'installer en milieu rural, de préférence à la montagne. » Logique que l'on comprend aisément, lorsqu'on est passionné de sports, et, qui plus est, adepte du ski de randonnée.

Yann Quercioli seconde Jean-Paul Reboul dans l'administration des soins. Il réalise des pansements et prélèvements sanguins seul, mais toujours sous l'oeil averti de l'infirmier libéral qui l'a accepté pour ce stage. « On réalise tous les gestes de l'infirmier sous sa responsabilité, avance Yann Quercioli. Ce n'est pas contractuel, c'est avant tout une relation de confiance. Je ne vais pas réaliser d'actes dont je ne maîtrise pas la technique ! »

À raison de deux à trois stagiaires par an, Jean-Paul Reboul ne prend que des élèves infirmiers motivés. « C'est délicat, explique-t-il, car, malgré tout, on pénètre dans l'intimité des gens. » Un travail relationnel dont le jeune infirmier à pleinement conscience. « Dans les cas de fin de vie, obligatoirement, nous sommes très impliqués, poursuit-il. Un aspect de la profession que l'on n'aborde pas forcément dans les cours. » L'exercice de l'activité se réalise dans la plus grande discrétion. « Nous sommes très vigilants, souligne Yann Quercioli. Car dans ces petits villages de montagne, tout se sait. » Un rapport de confiance indispensable que l'on tisse au quotidien et qui fait aussi partie du métier d'infirmier libéral.

De l'institut de formation au stage de terrain

- Trouver un stage n'est pas toujours une chose facile lorsqu'on est étudiant. Bien souvent, cette démarche se concrétise par connaissance ou parfois aussi le hasard. C'est ce qui est arrivé à Yann Quercioli. Originaire de Vif, un petit village proche de Grenoble, ce jeune homme réalise ses études à l'Institut de formation en soins infirmiers de Saint-Martin, l'un des trois établissements de l'agglomération grenobloise. C'est la rencontre très fortuite, en milieu hospitalier, avec l'un des médecins du plateau, qui va permettre à Yann Quercioli de mettre en oeuvre ce stage. « C'est lui qui m'a mis en relation directe avec Jean-Paul Reboul », explique le jeune homme. Quatre semaines en milieu montagnard ont permis à cet élève-infirmier de prendre pleinement conscience de la réalité de terrain. À l'issue de ce stage, Yann Quercioli retournera au CHU de Grenoble pour poursuivre sa formation trois semaines durant, avant d'enchaîner en gériatrie. Le dernier stage de deux mois que doit réaliser Yann Quercioli compte pour son DE. « Il s'agit d'une formation professionnalisant que je vais réaliser à Saint-Hilaire-du-Touvet, un ancien sanatorium situé dans le massif de la Chartreuse, explique-t-il. Je dois le réaliser dans les services de rééducation fonctionnelle au CMUDD (Centre médico-universitaire Daniel Douady), en prenant en charge de jeunes paraplégiques et tétraplégiques et autres traumatisés médullaires. »