Aliments et lipides alimentaires - L'Infirmière Libérale Magazine n° 222 du 01/01/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 222 du 01/01/2007

 

Formation continue

Fiches techniques

Le gras, voilà l'ennemi... Toutes les matières grasses ? Non, bien sûr ! Car seuls certains lipides alimentaires posent problème. Alors que les "mauvaises graisses" augmentent les risques de maladies cardio-vasculaires, d'autres ont un effet protecteur sur la santé. Dont les fameux oméga-3 et oméga-6...

DÉFINITIONS

Aliment

-> Un aliment est une substance, organique ou minérale, consommée à l'état naturel ou après cuisson, susceptible de fournir à l'organisme des matériaux énergétiques ou de croissance.

-> Tous les aliments sont composés d'éléments relativement simples tels que : protéines, lipides (graisses), glucides (sucres), sels minéraux, vitamines, eau, fibres...

Nutriment

-> Un nutriment est une substance, organique ou minérale, directement assimilable par l'organisme (comme les acides aminés, les acides gras, les glucides simples, les minéraux, les vitamines, l'eau...).

-> On distingue :

- les nutriments énergétiques (protéines, lipides, glucides) ;

- les nutriments non énergétiques (minéraux, vitamines, eau).

N.B. : les fibres ne sont pas des nutriments (car non assimilables).

Lipides et acides gras

-> Sur le plan biochimique, un lipide est constitué d'un alcool (le glycérol) lié à un ou à plusieurs acides gras (AG). Ainsi :

- un monoglycéride comprend un acide gras ;

- un diglycéride, deux acides gras ;

- un triglycéride, trois acides gras.

-> Un acide gras est une chaîne carbonée (c'est-à-dire composée d'atomes de carbone), plus ou moins longue.

-> Un acide gras se caractérise, d'une part, par le nombre d'atomes de carbone qui compose la chaîne carbonée et, d'autre part, par le nombre de "doubles liaisons" que cette chaîne comporte.

-> On distingue donc :

- les acides gras à courte chaîne (moins de dix carbones) ;

- les acides gras à longue chaîne (vingt carbones, voire davantage).

-> Certains acides gras sont saturés (pas de double liaison), d'autres sont insaturés (au moins une double liaison).

-> Les acides gras insaturés peuvent être mono-insaturés (une double liaison) ou poly-insaturés (plusieurs doubles liaisons).

-> Certains acides gras ne peuvent être fabriqués par notre organisme ; ce sont les acides gras essentiels.

Lipides alimentaires

-> Les graisses alimentaires (lipides alimentaires) comprennent le cholestérol et trois catégories d'acides gras (AG) :

- les acides gras saturés (AGS) ;

- les acides gras mono-insaturés (AGMI), dont les oméga-9 ;

- les acides gras poly-insaturés (AGPI), dont les acides gras essentiels (AGE), dont les oméga-3 et les oméga-6.

Lipides sanguins et lipoprotéines

-> Les lipides sanguins sont le cholestérol, les triglycérides, les phospholipides et les acides gras libres.

-> Les lipides sanguins n'étant pas solubles, ils ne peuvent circuler dans le sang qu'en s'associant à des protéines spécifiques (apoprotéines) pour constituer des lipoprotéines.

-> Il existe quatre sortes de lipoprotéines :

- les chylomicrons ;

- les lipoprotéines de très basse densité (very low density lipoproteins ou VLDL) ;

- les lipoprotéines de basse densité (low density lipoproteins ou LDL) ;

- les lipoprotéines de haute densité (high density lipoproteins ou HDL).

La double origine des lipides sanguins

-> Les lipides sanguins (lipides plasmatiques) ont une double origine : exogène (c'est-à-dire par l'alimentation) ou endogène (par synthèse hépatique).

-> Une première partie des lipides plasmatiques (triglycérides, cholestérol et phospholipides) est d'origine alimentaire. Dans le tube digestif, ces lipides exogènes subissent d'abord l'action des sels biliaires et des enzymes pancréatiques (lipases). Au niveau intestinal, ils se combinent à des protéines, devenant des lipoprotéines que l'on retrouve ensuite dans le plasma sanguin (lipides plasmatiques).

-> Une deuxième partie des lipides plasmatiques (triglycérides et cholestérol) résulte de la synthèse hépatique. Ces lipides endogènes sont transportés par d'autres lipoprotéines : les VLDL (riches en triglycérides) et les LDL (qui transportent les deux tiers du cholestérol circulant) - d'où le nom de LDL-cholestérol (ou LDL-C), appelé aussi "mauvais" cholestérol.

-> Les lipoprotéines HDL proviennent soit de la synthèse hépatique et intestinale endogène, soit de la lyse des chylomicrons. Les HDL interviennent dans la voie du transport inverse du cholestérol vers le foie - d'où le nom de HDL-cholestérol (ou HDL-C), appelé aussi "bon" cholestérol.

LES DYSLIPIDÉMIES

- Une dyslipidémie est une anomalie du taux de lipides dans le sang. On distingue :

-> les hyperlipidémies (augmentation du taux de lipides sanguins), comme l'hyperchylomicronémie, l'hypercholestérolémie et l'hypertriglycéridémie (avec un important risque athérogène) ;

-> les hypolipidémies (diminution du taux de lipides sanguins), comme l'hypocholestérolémie (simple anomalie biologique sans conséquence sur la santé).

- Les dyslipidémies peuvent être primitives (d'origine génétique, elles sont rares, mais souvent très athérogènes) ou secondaires, c'est-à-dire liées à une mauvaise hygiène de vie (les plus fréquentes, mais évitables), à certaines situations (grossesse, ménopause...), à certaines pathologies (diabète, hypothyroïdie...) ou à certains traitements (corticoïdes...).

- Certaines hyperlipidémies représentent un important facteur de risque d'athérosclérose (l'athérosclérose est responsable de la survenue de nombreuses maladies cardio-vasculaires, qui sont la première cause de mortalité dans les pays développés).

- L'hypercholestérolémie et l'hypertriglycéridémie sont des facteurs de risque majeurs pour l'athérosclérose et les maladies cardio-vasculaires (au même titre que l'âge, l'hypertension artérielle, le tabagisme et le diabète). D'autres facteurs de risque associés (excès de poids, sédentarité, stress) sont dits mineurs.

- En cas d'hyperlipidémie, les LDL s'accumulent passivement à l'intérieur de la paroi artérielle, où elles subissent alors un phénomène d'oxydation et constituent ainsi une plaque d'athérosclérose.

- Si elles ne sont pas correctement prises en charge, les dyslipidémies peuvent évoluer vers la survenue de maladies cardio-vasculaires graves, telles les cardiopathies ischémiques, les accidents vasculaires cérébraux et/ou les artériopathies oblitérantes des membres inférieurs...

INTÉRÊT DU BILAN LIPIDIQUE

- Les signes cliniques des hyperlipidémies sont rares et très discrets. C'est pourquoi les hyperlipidémies nécessitent un dépistage biologique sanguin (bilan lipidique).

- Le diagnostic de dyslipidémie est établi lorsque le bilan lipidique montre des valeurs biologiques anormales, sur prélèvement sanguin, après 12 heures de jeûne.

- En première intention, l'exploration d'une anomalie lipidique (EAL) comporte le dosage des taux sériques du cholestérol total, des triglycérides et du HDL-C.

LES LIPIDES DANS L'ALIMENTATION

- L'alimentation courante apporte les lipides suivants :

-> cholestérol alimentaire (jaune d'oeuf, cervelle, foie, abats, crustacés...) à effet hypercholestérolémiant ;

-> acides gras saturés ou AGS (viande, charcuterie, oeuf, beurre, lait, fromages, produits laitiers, chocolat, aliments industriels, huile de palme, huile de coprah...) à effet hypercholestérolémiant ;

-> acides gras mono-insaturés ou AGMI (volaille, avocat, noisettes, huile d'olive, huile de colza, huile d'arachide...) à effet hypocholestérolémiant ;

-> acides gras poly-insaturés (AGPI), dont les acides gras essentiels (AGE) oméga-3 (comme les poissons, les fruits, les amandes, les noix, l'huile de colza, l'huile d'arachide, l'huile de noix, l'huile de soja, l'huile de poissons...) et oméga-6 (comme l'huile de noix, l'huile de tournesol, l'huile de pépins de raisin, l'huile de maïs...) à effet hypocholestérolémiant.

ALIMENTATION ET PRÉVENTION DES MALADIES CARDIO-VASCULAIRES

- Un bon équilibre alimentaire est un important facteur de prévention des maladies cardio-vasculaires.

- En cas d'hyperlipidémie, le choix des graisses alimentaires revêt une intérêt particulier. Il s'agit notamment de diminuer les apports en graisses saturées, pour réduire la synthèse endogène de LDL-cholestérol.

- Il faut :

-> diminuer l'apport des aliments à effet hypercholestérolémiant, c'est-à-dire riches en cholestérol et en acides gras saturés (AGS) ;

-> augmenter l'apport des aliments à effet hypocholestérolémiant, c'est-à-dire riches en acides gras mono-insaturés (AGMI), acides gras poly-insaturés (AGPI) et acides gras essentiels (AGE) oméga-3 et oméga-6.

-> lorsque les mesures hygiénodiététiques sont insuffisantes, elles peuvent être complétées par un traitement médicamenteux hypolipidémiant, administré d'abord en monothérapie.

- L'instauration d'un traitement hypolipidémiant ne dispense pas des mesures hygiénodiététiques, au contraire, car elles potentialisent l'efficacité des médicaments.

- Même après l'instauration d'un traitement hypolipidémiant, les mesures hygiénodiététiques doivent donc être poursuivies avec sérieux... Elles ne doivent surtout pas être réservées exclusivement à la période précédant le contrôle biologique !

CONSEILS HYGIÉNODIÉTÉTIQUES GÉNÉRAUX

- Préférer les matières grasses végétales aux matières grasses animales.

- Éviter les oeufs, les sauces, les fritures, la mayonnaise, les charcuteries, les pâtisseries, le lait et les produits laitiers (sauf si écrémés), les viandes grasses en sauce.

- Préférer un poisson (même "gras") à une viande (même "maigre").

- Ne pas consommer plus d'une portion de fromage par jour (sauf fromage à 0 % MG).

- Préférer le lait écrémé et les laitages allégés (20 ou 0 % MG).

- Limiter la consommation de sucre, ainsi que de boissons (sodas...) et de produits sucrés (confiseries, pâtisseries...).

- Éviter la consommation d'aliments industriels (qui contiennent des graisses et des sucres cachés).

- Prendre ses repas à table, dans le calme, à heures régulières et sans se presser (> 30 min).

- Éviter le grignotage entre les repas.

- Consommer à volonté fruits et légumes, crus ou cuits, sous toutes leurs formes : frais, conserves, surgelés, potages de légumes, purées, jus de fruits...

- Privilégier les céréales complètes (blé, pain, pâtes, riz, avoine...).

- Augmenter les apports en oléagineux (noix, noisettes, amandes...) et en légumineuses, notamment en soja (tofu, tonyu, crème dessert au soja).

- Éviter le vin et toutes les boissons alcoolisées.

- Se souvenir que l'eau est la seule boisson indispensable (au minimum 1,5 l/j).

- Traquer les "erreurs alimentaires" habituelles (sauter un repas, grignotage, gourmandise, "péché mignon"...) pour les corriger.

- Si nécessaire, consulter un médecin nutritionniste ou un diététicien.

CONSEILS AUX PATIENTS DYSLIPIDÉMIQUES

- Pour tous les hyperlipidémiques

-> Rappeler que le risque cardio-vasculaire diminue en même temps que le LDL-C ("mauvais" cholestérol).

-> Pratiquer une activité physique, même modérée mais régulière (la régularité étant plus importante que l'intensité).

-> Perdre du poids (le cas échéant).

-> Arrêter le tabac et réduire l'alcool (le cas échéant).

-> Dépister et traiter toute pathologie sous-jacente (diabète, HTA...).

Pour les hypercholestérolémiques

-> Limiter la consommation d'aliments pouvant élever le LDL-C (graisses animales, mayonnaise, oeufs, oeufs de poissons...).

-> Savoir que les aliments riches en oméga-3 sont bénéfiques en général, mais qu'ils ne diminuent pas spécifiquement le LDL-C.

Pour les hypertriglycéridémiques

-> Limiter la consommation de sucres simples et d'alcool (qui élèvent la triglycéridémie).

OMÉGA-3 ET OMÉGA-6

- Les oméga-3 et les oméga-6 sont des acides gras "essentiels" (AGE), c'est-à-dire indispensables à la vie de notre organisme. Malheureusement, celui-ci ne sait pas les fabriquer et leur source est exclusivement alimentaire. Il est donc important de consommer des aliments contenant des oméga-3 et des oméga-6, en sachant que, contrairement aux allégations publicitaires, il n'existe pas d'aliment "miracle".

- Les oméga-3 et les oméga-6 appartiennent à la catégorie des acides gras poly-insaturés (AGPI). Chacun d'entre eux dérive d'un acide gras précurseur (qui doit être apporté par l'alimentation) :

-> les oméga-3 dérivent de l'acide alphalinoléique (ALA) qui est aussi à l'origine de l'acide éïcosapentaénoique (EPA) et de l'acide docosahexanoique (DHA) ;

-> les oméga-6 dérivent de l'acide linoléique (LA) qui est également à l'origine de l'acide arachidonique.

- Malheureusement, ces deux familles sont en compétition. En présence de trop de précurseur d'oméga-6, le précurseur d'oméga-3 est à la peine.

- Il est donc important de consommer assez d'oméga-3, mais aussi d'avoir un bon équilibre entre les deux familles. Le bon rapport est de 1/5 (un oméga-3 pour cinq oméga-6). Or, il est rarement bien respecté.

- Pour augmenter l'apport d'oméga-3, il suffit de consommer davantage de poissons gras (espadon, hareng, maquereau, sardine, saumon...), ainsi que des huiles de colza ou de noix. Simple... et économique !

- Alors, que les bienfaits d'une alimentation riche en oméga-3 sont prouvés, l'intérêt d'une supplémentation n'est pas démontré. Pourtant, les compléments alimentaires à base d'oméga-3 ("OM3", "CardiOM3", "OmégaCoeur", "AlphaOméga"...) envahissent les rayonnages, avec des allégations publicitaires toutes plus alléchantes... Panacée ? Mode ? Simple argument marketing ? En tout cas, le "marché" semble porteur, avec une croissance à deux chiffres depuis plusieurs années.

- En termes de santé - et surtout de plaisir - mieux vaut donner la priorité à l'alimentation... Surtout si l'on aime le carpaccio de saumon à l'huile de colza !

CONSEILS AUX PATIENTS

- Lorsque le médecin prescrit un traitement hypolipidémiant, il faut rappeler au patient que celui-ci ne dispense pas des mesures hygiénodiététiques... Loin s'en faut !

- Pour lui, ce n'est pas traitement ou régime... C'est traitement et régime !

- D'ailleurs, il faut éviter de parler de "régime"... Préférer les expressions "traitement diététique" ou "rééquilibrage alimentaire".

POUR EN SAVOIR PLUS...

- Fuks Marie, Oméga-3 : quelles vertus préventives ?, in ILM, 2006, n° 212, pp. 29-32.

- Fuks Marie, Intérêt préventif des oméga-3 : de nombreuses hypothèses, in ILM, 2006, n° 212, p. 39.