Un réseau francilien au service des prématurés - L'Infirmière Libérale Magazine n° 222 du 01/01/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 222 du 01/01/2007

 

Initiatives en réseau

Pour éviter que le miracle de la science ne se transforme en tourment quotidien, il est important de suivre de façon rapprochée et spécifique les grands prématurés. C'est pour mettre toutes les chances de leur côté que le réseau de suivi des enfants prématurés de l'Ouest et du Sud francilien a vu le jour. Une initiative originale qui prend en charge la surveillance de ces enfants durant toute la période des principales acquisitions.

À distance de l'accouchement, la grande prématurité (< 32 semaines et/ou un poids de naissance inférieur à 1500 g) peut être à l'origine de séquelles : retard d'acquisitions (troubles psychomoteurs et/ou du langage) ; troubles visuels et/ou auditifs ; troubles respiratoires. Les résultats d'une étude conduite par le Dr Germaine M. Buck (National Institute of Child Health and Human Development - USA) montrent que les enfants d'école primaire nés très prématurément sont 3 à 4 fois plus susceptibles de difficultés d'apprentissage que les enfants nés à terme*. Ce médecin remarque également que « le suivi précoce des prématurés permet de prévenir les déficits cognitifs, perceptifs et visuels et autres facteurs qui pourraient les affecter ». Pouvoir détecter un retard d'acquisition ou un déficit suppose que ces enfants fassent l'objet d'une surveillance régulière durant toute la période des acquisitions.

Il faut donc des médecins formés aux spécificités de la prématurité (prendre en compte à bon escient l'âge corrigé, par exemple) et capables, après détection des troubles, d'adapter la prise en charge et d'orienter efficacement l'enfant vers les bons spécialistes : les médecins (oto-rhino-laryngologiste, ophtalmologue, neuropédiatre) et les thérapeutes (kinésithérapeute, psychomotricien, orthophoniste, ergothérapeute, psychologue).

C'est, entre autres, pour assurer ce suivi optimal des grands prématurés que l'idée d'un Réseau de suivi spécifique a pris forme il y a 3 ans à l'initiative d'une association de parents d'enfants prématurés et de professionnels travaillant en réanimation néonatale dans les hôpitaux Antoine-Béclère de Clamart, d'Évry et de Neuilly.

UN SUIVI SUR SEPT ANS

« Vraiment opérationnel depuis deux ans, explique le Dr Michel Benazet, l'un des membres à l'origine de cette initiative, ce réseau prend en charge les grands prématurés sortant des services de réanimation ou de néonatologie de trois centres de référence dans l'Ouest et le Sud francilien : l'hôpital Antoine-Béclère, l'hôpital d'Évry et l'hôpital intercommunal de Neuilly. Sa vocation et ses engagements concernent les prématurés de moins de 32 semaines et/ou ayant rencontré à la naissance des problèmes d'anoxie sévère (absence d'oxygène dans les tissus). » Ces enfants particulièrement à risque de séquelles bénéficient au sein du réseau des meilleures conditions de prise en charge et de surveillance jusqu'à l'âge de 7 ans. En contrepartie, les parents acceptent que toutes les données se rapportant à ce suivi soient exploitées par le réseau afin de servir de support d'étude pour améliorer les techniques de réanimation, les méthodes de surveillance et, plus globalement, les réponses apportées dans la période post-natale et, au-delà, aux problèmes spécifiques de la grande prématurité.

Afin qu'elles bénéficient pour leur enfant d'un suivi conciliant qualité et proximité, les familles ayant signé la charte du réseau sont orientées par le médecin référent hospitalier vers un médecin pilote hospitalier ou libéral (généraliste, pédiatre) ayant suivi une formation spécifique à la prise en charge des prématurés.

LE MÉDECIN PILOTE, PILIER DU DISPOSITIF

Cette formation lui confère une compétence pour assurer la prise en charge globale post-natale immédiate (soins, alimentation, vaccinations, sorties, environnement...) en prenant en compte les spécificités de la prématurité. Elle lui donne également la capacité de dépister les troubles moteurs et les retards cognitifs qui peuvent apparaître au cours du développement de l'enfant. Au-delà des visites courantes justifiées par l'état de santé et le suivi normal d'un nouveau-né effectuées par le médecin traitant, le médecin pilote s'engage sur un calendrier précis de visites. Il doit en effet voir systématiquement l'enfant au moment de son retour à domicile, à 3 ou 4 mois d'âge corrigé (soit 5 à 6 mois d'âge réel), à 1 an puis tous les ans jusqu'à 7 ans (fin du CP), âge à partir duquel l'enfant n'a plus besoin d'un suivi spécifique si son développement apparaît normal. « Cela nous a paru indispensable de prolonger le suivi spécifique de ces enfants afin de pouvoir dépister les anomalies éventuelles susceptibles de survenir plus ou moins tardivement », indique le Dr Benazet. Pour atteindre cet objectif, le réseau a mis en place des protocoles d'exploration très codifiés permettant d'apprécier l'évolution de l'enfant (explorations oculaires, auditives, cognitives, psychomotrices, relationnelles...).

Cela implique que les médecins pilotes libéraux s'engagent auprès du réseau et de la Sécurité sociale à consacrer entre 3/4 d'heure et 1 heure aux consultations de dépistage. En contrepartie, la Sécurité sociale leur verse un complément d'honoraire forfaitaire. Les médecins pilotes s'engagent par ailleurs à transmettre les résultats des explorations au réseau afin qu'ils soient colligés et analysés. Bien entendu, les enfants prématurés qui ne présentent pas les critères d'inclusion dans le réseau peuvent être suivis par les médecins pilotes dans des conditions normales de prise en charge.

LES INFIRMIÈRES ONT AUSSI LEUR PLACE

Ceux qui relèvent du réseau peuvent dans certains cas nécessiter des soins justifiant l'intervention d'une infirmière libérale. C'est en particulier le cas des prématurés qui, ayant présenté des problèmes respiratoires sévères à la naissance, doivent être protégés contre le virus respiratoire syncitial (VRS) responsable de la bronchiolite. Cette protection impose de solliciter des infirmières pour pratiquer tous les mois, de octobre à mars, des injections d'anticorps monoclonaux (Palivizumab) dans le but de réduire la gravité de la bronchiolite si celle-ci survient chez ces prématurés à risque. « Les IDE peuvent également être directement contactées par les prestataires de service qui travaillent en lien avec le réseau, explique Martine Nouvian, surveillante du service de pédiatrie de l'hôpital Antoine-Béclère. Ces prestataires interviennent par exemple pour fournir les appareils et le matériel nécessaires lorsque les enfants ont besoin d'une oxygénothérapie pendant la sieste ou d'un gavage nocturne. Dans ce cas, l'infirmière chargée de la prise en charge vient se former dans le service de manière à appliquer les mêmes protocoles à domicile qu'à l'hôpital. Un livret répertoriant tous les protocoles et toutes les manipulations détaillées lui est remis à cette occasion. Cela permet d'assurer la continuité des soins dans les mêmes conditions et d'instaurer d'emblée un climat de confiance avec les parents à domicile. »

Par ailleurs, que l'enfant prématuré soit ou non inclus dans le réseau, les infirmières des services de réanimation, de néonatalogie ou de pédiatrie, selon les cas, ont mis en place une coordination avec les Centres de protection maternelle et infantile (PMI) pour améliorer l'accompagnement des familles au moment de l'arrivée de l'enfant à domicile. À cet effet, elles adressent au centre de PMI dont dépend la famille une fiche de liaison spécifique quelques jours avant la sortie de l'enfant.

« Toute naissance donne lieu à l'émission d'un avis de naissance transmis au Centre de PMI dont relève la famille, explique Martine Nouvian. Cet avis déclenche normalement une prise de contact avec la famille. En cas de grande prématurité, ce contact est rarement établi car les personnels des PMI ne savent pas si l'enfant a survécu. La mise en place de cette fiche de liaison est donc très importante car elle confirme cette information et permet aux PMI de proposer leur service aux parents (passage d'une puéricultrice, possibilité de peser l'enfant régulièrement, conseils infirmiers et médicaux...). Une démarche rassurante qui renforce le dispositif d'accompagnement des familles lors du retour à domicile et atténue le sentiment d'isolement que ressentent de nombreuses mamans lorsqu'elles quittent le milieu sécurisant de l'hôpital. »

DÉTECTER PRÉCOCEMENT LES PROBLÈMES

De même, si nécessaire, les infirmières hospitalières peuvent demander à la puéricultrice de la PMI de contacter les parents et de passer les voir avant l'arrivée de l'enfant pour s'assurer que la sortie s'effectuera dans de bonnes conditions. Dans le cas contraire, les problèmes identifiés, qu'ils soient d'ordre organisationnel, pratique, voire psychologique, font l'objet d'une concertation ville/hôpital, ce qui permet de définir et de mettre rapidement en oeuvre les moyens d'y remédier. Sachant que les centres de PMI prennent en charge les enfants jusqu'à 6 ans, ils constituent un allié de choix au sein du dispositif de suivi et de surveillance des prématurés mis en place par le réseau.

Un dispositif de proximité qui, grâce à ce maillage efficace entre la ville et l'hôpital, permet aux familles d'enfants grands prématurés de bénéficier durant 7 ans d'un accompagnement optimal et beaucoup plus confortable. En outre, il permet de détecter précocement les problèmes rencontrés par l'enfant et de proposer la prise en charge la mieux adaptée. Une vigie constructive et rassurante qui améliore les conditions du retour à domicile, la construction des liens parentaux et l'intégration de l'enfant dans la vie quels que soient les retentissements à distance de la prématurité.

* Source : Vohr et al. Pediatrics 2005.

Fiche signalétique du réseau

-Date de création : septembre 2004

-Président : Jean-Claude Ropert

-Animateurs du réseau : Dr Michel Benazet, coordonnateur libéral (rémunéré par le réseau) ; Dr Véronique Zupan-Simunek, coordonnateur hospitalier et responsable du centre de référence de Clamart (rémunérée par le réseau) ; Dr Michèle Granier, responsable du centre de référence d'Évry ; Dr Jean-Claude Ropert, responsable du centre de référence de Neuilly

-Coordonnées : Réseau pédiatrique du Sud et Ouest francilien, 4 rue Marie-Fichet, 92140 Clamart ; tél : 01 46 01 00 60 ; fax : 01 46 01 00 60 ; n° d'accueil : 08 11 46 02 12

-Couverture géographique : le réseau couvre le 91, le 92, le sud du 78, le 77, l'ouest du 94 et le sud du 75

-Nombre d'enfants pris en charge : 608 enfants sont suivis par le réseau au 21/11/2006

-Nombre de médecins pilotes intervenant dans le réseau régulièrement : parmi les 94 médecins pilotes du réseau, on compte 41 libéraux, 49 hospitaliers et 4 médecins de PMI