Notre expert vous répond - L'Infirmière Libérale Magazine n° 224 du 01/03/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 224 du 01/03/2007

 

Juridique

Notre expert Me Laurence Aveline répond chaque mois à une ou deux question(s) que vous vous posez... Elle s'attarde cette fois-ci plus longuement sur trois problèmes que vous avez rencontrés.

Infirmier libéral, j'étais lié depuis près de six ans par un contrat oral de remplacement à une infirmière installée dans un petit village à la frontière belge. J'ai toujours travaillé avec mes propres feuilles de soins et nous partagions de manière à peu près équitable la clientèle depuis plusieurs années. L'infirmière vient de me faire savoir qu'elle rompait notre contrat et que je n'avais droit à aucune indemnité de droit de présentation à la clientèle, puisque je n'avais que le statut de remplaçant. Je n'avais pas de clientèle à mon arrivée, mais, depuis plusieurs années, j'ai ramené de nouveaux patients. Quels sont mes droits aujourd'hui, sachant que je me retrouve sans aucun revenu ?

-> En premier lieu, la relation professionnelle qui s'est établie depuis plus de cinq ans entre vous ne saurait être considérée juridiquement comme un remplacement. En effet, conformément à l'article 2 du paragraphe II de l'avenant n° 6 de la Convention nationale, « l'infirmière prend la situation conventionnelle de l'infirmière remplacée et doit utiliser les feuilles de soins de cette dernière ». Or vous n'avez jamais utilisé les feuilles de soins de votre consoeur.

De plus et conformément à l'alinéa 2 de l'article R. 4312-43 du Code de la Santé publique, « au-delà d'une durée de vingt-quatre heures, ou en cas de remplacement d'une durée inférieure à vingt-quatre heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties ». Cette obligation d'établir un contrat écrit entre la remplacée et la remplaçante est également rappelée à l'article 2 du paragraphe II de l'avenant n° 6 de la Convention nationale. Contrairement à ce que semble croire votre consoeur, vous n'êtes plus, et n'avez en réalité jamais été son remplaçant.

Il ressort donc tant des articles R. 4312-43 et suivants du Code de la Santé publique que de l'article 2 du paragraphe II de l'avenant n° 6 de la Convention nationale que le remplacement est par nature occasionnel, limité dans le temps et n'a d'autre but que de permettre à une infirmière absente, pour quelle cause que ce soit, de faire assurer ponctuellement la continuité des soins.

Lorsque le remplacement est effectué à date régulière, rapprochée, et que cette situation perdure dans le temps, il ne s'agit plus de remplacement mais d'association de fait. Cette position est par ailleurs confortée par la jurisprudence de l'Ordre des médecins qui sert de référence, les règles professionnelles infirmières étant très proches du Code de Déontologie médicale.

En l'espèce, vous intervenez depuis plus de cinq ans et demi de manière régulière, avec vos propres feuilles, dans le cabinet. En aucun cas vous ne pouvez être considéré comme le remplaçant de votre consoeur, mais êtes en réalité son associé de fait. À ce titre, il n'est pas possible pour votre associée de vous exclure purement et simplement de cette collaboration, sans faire valoir vos droits les plus élémentaires, au titre notamment d'une indemnité de droit de présentation à la clientèle.

Je vous rappelle que selon les usages de la profession, l'indemnité du droit de présentation se calcule sur la moyenne du chiffre d'affaires brut des trois dernières années et que le prix de cession se situe, selon les usages de la profession infirmière, entre 30 et 50 % de ce chiffre.

Par ailleurs, si vous n'aviez pas de clientèle constituée à votre arrivée, vous avez depuis participé à l'enrichissement de la clientèle du cabinet, comme il ressort de votre courrier. Vous pouvez ainsi poursuivre les soins auprès des patients du cabinet, sans qu'on puisse considérer un quelconque détournement de clientèle.

Dans ces conditions, la rupture de votre association de fait vous ouvre évidemment droit à une indemnité de départ. Si aucun accord préservant suffisamment vos intérêts ne pouvait être trouvé à ce titre, il conviendrait alors de saisir le Tribunal de grande instance du lieu d'implantation du cabinet, afin de faire fixer judiciairement l'indemnité de droit de présentation à la clientèle et d'obtenir réparation des préjudices subis, à laquelle vous auriez évidemment droit, au vu des conditions particulièrement brutales et abusives dans lesquelles cette rupture est intervenue.

Pour conclure, sachez que ce type de situation est hélas fréquent, d'où l'importance fondamentale de rédiger un contrat écrit, quels que soient le type et la durée de la collaboration choisie.

Nous sommes cinq infirmières associées au sein d'une Société civile de moyens (SCM). L'une d'entre nous a des soucis de santé depuis longtemps et a cessé toute activité au sein du cabinet depuis janvier 2005. Elle ne contribue évidemment plus à aucune charge sociale. Quant à nous, nous n'avons pu conserver sa clientèle que nous avons dirigée vers un autre cabinet. Elle souhaite aujourd'hui céder son droit de présentation à clientèle et nous a signifié son départ définitif en décembre 2006. Mais elle n'a pas trouvé pour l'instant de successeur et nous craignons qu'elle n'en trouve aucun. Notre contrat d'exercice en commun prévoit que si aucun successeur n'est agréé à titre définitif, à l'expiration de six mois, l'infirmier sortant bénéficiera d'une indemnité égale à 40 % des honoraires perçus par lui l'année précédant son départ. Sachant qu'elle ne travaille plus depuis plus de deux ans, peut-elle prétendre à une indemnité de départ ?

-> Concernant d'abord les charges relatives à la SCM, du fait que votre associée se soit totalement soustraite de ses obligations financières depuis plusieurs années, la SCM peut procéder, conformément à l'article 1843-4 du Code civil, au remboursement de ses droits sociaux emportant l'exclusion de l'associée défaillante, de la SCM (article 1860 du Code civil).

En second lieu, concernant le rachat de droit de présentation à clientèle, la clause de votre contrat d'exercice en commun n'est pas très claire à ce sujet, précisant seulement que si aucun successeur n'est agréé à titre définitif, à l'expiration d'un délai de six mois à la date à laquelle elle a annoncé son départ, l'infirmière sortante bénéficiera d'une indemnité égale à 40 % des honoraires perçus par lui l'année précédant son départ.

Aussi que doit-on entendre par « l'année précédant son départ » ? S'agit-il de l'année précédant son départ en maladie ou de l'année précédant son départ définitif de la SCM ? Je serai plutôt favorable à la seconde hypothèse, ce qui signifie que vous ne lui devez aucune indemnité, celle-ci ayant cessé son activité en janvier 2005. Votre associée n'a en effet pas participé à la réalisation du chiffre d'affaires du cabinet : elle n'a perçu aucun honoraire durant les années 2005 et 2006. Cette solution me semble d'autant plus défendable que, d'après vos propos, vous avez été contraintes de vous séparer de la totalité (ou d'une partie ?) de sa clientèle après son départ.

Nous sommes plusieurs infirmières libérales exerçant dans la région PACA. Récemment, nous avons été très choquées de découvrir que des infirmières salariées de plusieurs centres de soins faisaient de la publicité dans la presse locale. Nous avons contacté ces infirmières afin de leur rappeler l'interdiction faite à la profession de toute publicité. Celles-ci n'étaient même pas au courant des insertions parues en leur nom. Nous avons alors pris contact avec lesdits centres de soins qui nous ont indiqué que la publicité concernant les infirmières n'était réglementée que concernant l'exercice libéral et en aucun cas l'exercice salarié de la profession. Qu'en est-il en réalité ?

-> La profession infirmière a par définition un caractère non commercial, et pour respecter le principe fondamental de toute activité libérale du libre choix du praticien par le patient, toute forme de publicité est prohibée par les textes. Conformément à l'article R. 4312-37 du Code de la Santé publique, « la profession d'infirmier ou d'infirmière ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Tous les procédés directs ou indirects de réclame ou de publicité sont interdits aux infirmiers ou infirmières (...) ». Néanmoins, « l'infirmier qui s'installe, qui change d'adresse, qui se fait remplacer ou qui souhaite faire connaître des horaires de permanence peut procéder à deux insertions consécutives dans la presse ». Si cette disposition ne concerne effectivement que les infirmières libérales, cela ne signifie pas pour autant que les infirmières salariées soient autorisées à avoir recours à la publicité.

Au contraire, les infirmières salariées ne peuvent bien évidemment avoir recours à aucun procédé de publicité, n'ayant par ailleurs aucun intérêt personnel à se faire connaître, à l'instar de l'infirmière libérale qui s'installe et qui doit constituer une clientèle. Cette interdiction de publicité faite aux infirmières par le Code de la Santé publique concerne toutes les infirmières, même si des modalités particulières sont prévues pour les infirmières libérales qui s'installent, et doit être rapprochée de celle faite aux médecins par le Code de la Santé publique, quel que soit leur mode d'exercice : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale » (article R. 4127-19). Le Code va plus loin encore en précisant en son article R. 4127-20 que : « Le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations. Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle. » C'est exactement ce qu'ont fait les centres de soins auxquels vous faites référence.