Pandémie grippale : les questions que vous vous posez

Chaque année, la grippe se rappelle à notre bon souvenir en octobre, quand il faut penser à vacciner les personnes fragilisées et ceux qui les soignent. Ensuite, pendant l'hiver, des épidémies dites "saisonnières" provoquent une vague d'arrêts de travail et augmentent le travail des professionnels de santé. Quoi de plus banal qu'une épidémie de grippe ? Brutalement, en 2005, l'apparition du spectre de la "grippe aviaire" dans les médias a suscité une vague d'angoisse collective, renforcée ensuite par l'annonce de la création de stocks publics de masques et d'antiviraux, la publication d'un plan quasi militaire de lutte contre une pandémie puis la mise en branle de réunions de formation continue pour tous les soignants, hospitaliers et libéraux.

DES POINTS D'INTERROGATION

En France, une épidémie de grippe touche de 2 à 10 millions de personnes. Si une pandémie survient, elle touchera de 10 à 20 millions de personnes. Dès qu'on se met à réfléchir aux conséquences d'une pandémie de grippe, les questions foisonnent. Que penser de tout ça ? Faut-il s'inquiéter ? Y aura-t-il vraiment 500 000 morts de grippe rien qu'en France ? Quelle attitude adopter ? Comment se protéger ? Faut-il aller se réfugier avec ses enfants et sa famille dans un endroit désert ? Comment sera-t-on informé de l'évolution de la pandémie et des mesures à adopter ? Peut-on encore voyager sans risquer d'attraper la grippe aviaire ? Que signifie tout ce jargon, "épizootie", "grippe aviaire", "pandémie grippale", "grippe saisonnière" ? Est-il vrai que pendant la pandémie, le préfet nous réquisitionnera ? Qui paiera notre assurance de responsabilité professionnelle ?... Votre revue, L'infirmière libérale magazine, s'est associée aux membres du réseau national des Groupes régionaux d'observation de la grippe (GROG)* pour vous apporter des réponses.

INFORMER LES SOIGNANTS

La grippe est en effet une préoccupation importante de santé publique. Maladie fréquente et à fort potentiel épidémique, voire pandémique, elle est donc à l'origine d'une morbidité importante. Surtout pour les personnes à risque non vaccinées, dont la mortalité par grippe est loin d'être négligeable. La connaissance précoce de l'arrivée de l'épidémie peut permettre de limiter son retentissement sur le système de soin (désorganisation de la prise en charge en ville et à l'hôpital liée à l'afflux des patients, ruptures de stocks médicamenteux...). La connaissance des souches de virus grippal en circulation permet d'assurer l'adéquation de la composition des vaccins, évaluée annuellement. Il n'existe pas de tableau clinique spécifique de la grippe. Le développement récent de molécules antivirales spécifiques de la grippe rend particulièrement utile la diffusion de l'information épidémiologique vers les soignants en leur permettant de limiter l'utilisation à large échelle de ces produits à ces périodes épidémiques.

SURVEILLER L'ÉPIDÉMIE

La grippe doit être surveillée car c'est une maladie épidémique, imprévisible, mais aussi une maladie virale communautaire. La seule surveillance qui existait alors pour cette maladie se faisait dans les hôpitaux. En 1984, les GROG ont donc été créés pour être un réseau d'alerte et de surveillance des épidémies de grippe. Leur mise en place a reposé sur le constat que les soignants de ville sont au plus près de la population et donc bien placés pour observer ce qui s'y passe et faire face à ce type d'épidémie. L'organisation des GROG, originale et visionnaire, s'est alors appuyée sur un réseau pluridisciplinaire qui regroupe les différents types de soignants de premiers recours : 490 médecins généralistes libéraux, 948 médecins d'urgences (SOS Médecins, service de garde), 30 médecins militaires, 95 pédiatres, 60 pharmaciens d'officine, 24 services de médecine d'entreprise. Les médecins vigies des GROG sont plus spécifiquement formés et équipés de matériels leur permettant de faire des prélèvements à la recherche d'agents infectieux respiratoires. Chaque semaine, ils transmettent à leurs coordinations régionales une série de recueils de données qui permettent à la coordination nationale d'analyser le phénomène épidémiologique.

La mise en place d'une collaboration avec les deux centres nationaux de référence de la grippe et avec des laboratoires de virologie hospitalière fait des GROG un réseau d'alerte spécifique qui effectue des prélèvements permettant de confirmer et de caractériser la présence du virus grippal. C'est ainsi que chaque mercredi, d'octobre à avril, les membres du réseau reçoivent en retour un bulletin d'information donnant la situation précise du virus. Ce "retour d'information" constitue un outil précieux de diffusion des signaux d'alerte auprès des soignants et de la population. Par ailleurs, les GROG proposent un site qui met en ligne une grande quantité d'informations et de documentations sur la grippe et son épidémiologie et sur lequel, également chaque mercredi d'octobre à avril, est mis en ligne le bulletin hebdomadaire disponible pour tous.

LES LIBÉRAUX EN PREMIÈRE LIGNE

Depuis vingt-deux ans, le travail des vigies des GROG, coordonné à l'échelon régional et national, a permis d'annoncer de façon fiable l'arrivée des épidémies de grippe et a guidé activement les choix de l'OMS pour l'élaboration du vaccin annuel. Depuis 2004, un partenariat scientifique avec l'Institut de veille sanitaire inclut les données recueillies par les GROG dans la veille sanitaire nationale exercée par cette institut. Pour la grippe, ce modèle de surveillance spécifique, clinique et virologique, a été retenu à l'échelon européen et les GROG représentent la France dans le réseau EISS (European Influenza Surveillance Scheme). Ainsi, peu à peu, cette démarche très innovante, initiée par des soignants libéraux, a conquis les autorités sanitaires et les milieux scientifiques, prouvant qu'on peut à la fois soigner et chercher, exercer en libéral et oeuvrer pour la santé publique.

OUVRIR LE DÉBAT

La grippe, animale ou humaine, saisonnière ou pandémique, est une maladie faussement banale. Elle n'a rien d'ordinaire dès qu'on s'intéresse de près à ses implications concrètes. Pour les soignants libéraux, c'est une occasion inespérée de rappeler que la santé publique n'est pas l'apanage des services publics. Pour les infirmières, la grippe est l'exemple même d'une maladie où les soins infirmiers à domicile sont essentiels. L'Infirmière libérale magazine se devait d'ouvrir le débat sur la grippe et sur ses enjeux, avec ses lectrices et ses lecteurs. Les médecins, les pharmaciens et les infirmières membres du réseau national des GROG se devaient d'apporter leur expérience dans ce débat. Maintenant, "il n'y a plus qu'à" !