Indication et prise en charge chirurgicale de la maladie de Parkinson - L'Infirmière Libérale Magazine n° 230 du 01/10/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 230 du 01/10/2007

 

Formation continue

Fiches techniques

Si, malgré un traitement et un accompagnement bien conduit, le handicap et les périodes "off" prédominent et retentissent lourdement sur la vie du patient, il est possible de considérer l'indication d'une intervention chirurgicale. Toutefois, cette alternative au traitement médicamenteux ne concerne que 5 % des patients environ. Découverte.

STIMULATION VERSUS DESTRUCTION : LE CHOIX FRANÇAIS

Il existe différentes techniques chirurgicales pour traiter la maladie de Parkinson, parmi lesquelles les méthodes de destruction du pallidum (pallidotomie) ou du thalamus (thalamotomie), encore pratiquées dans de nombreux pays. Les chirurgiens de ces pays estiment que ces méthodes sont plus faciles à réaliser et moins dangereuses que la stimulation cérébrale profonde. Ce n'est pas l'avis des chirurgiens français qui déconseillent unanimement ces techniques au profit de la stimulation profonde des noyaux thalamiques ou sous-thalamiques.

PRINCIPE

Ces techniques consistent à provoquer une stimulation électrique à haute fréquence dans la zone thalamique ou sous-thalamique(1) par l'implantation dans le cerveau d'électrodes de stimulation reliées à un stimulateur (sorte de pace-maker) qui envoie des impulsions électriques chargées de rétablir le fonctionnement normal du système dopaminergique.

Si la stimulation thalamique ne corrige absolument pas l'akinésie et la rigidité, cette intervention est très intéressante pour les tremblements essentiels ou secondaires à un traumatisme crânien ou une intoxication au mercure mais dont le résultat risque d'être transitoire sur le plan fonctionnel, chez les patients parkinsoniens. Il est très exceptionnel d'y avoir recours aujourd'hui pour traiter cette maladie, les chirurgiens optant dans 99 % des cas pour la stimulation sous-thalamique.

Depuis 1993, environ 3 000 sujets ont bénéficié de cette intervention ; 300 nouveaux patients sont opérés chaque année. Une vingtaine de centres pratiquent cette chirurgie.

INDICATIONS

Ses indications sont très précises et circonscrites aux patients répondant aux critères d'inclusion suivants :

-> l'âge doit être inférieur à 70 ans (idéalement la soixantaine) car, au-delà, l'intervention peut entraîner une dégradation de l'état cognitif ;

-> la maladie doit être diagnostiquée depuis au moins cinq ans afin d'être certain de pouvoir exclure un syndrome parkinsonien atypique (paralysie supranucléaire progressive ou atrophie multi-systématisée) ;

-> le handicap doit être important, lié à des fluctuations sévères. La durée totale et la nature des périodes "off" sont prises en compte ;

-> les symptômes doivent répondre au traitement mais celui-ci doit être très difficile à équilibrer (fluctuations fréquentes et handicapantes) ;

-> le contexte socio-familial doit permettre une bonne prise en charge du patient. Celui-ci doit être motivé et éclairé.

CRITÈRES D'EXCLUSION

Il existe des critères d'exclusion qui imposent de discuter le recours à cette chirurgie.

- Critères anatomiques

Un cerveau très atrophiée car il présente un risque hémorragique majoré : lorsque le cerveau est très atrophié, la traversée de l'aiguille dans l'espace liquidien entre la dure-mère et le cerveau peut engendrer des lésions au niveau de petites veines à l'origine d'hémorragies sous-durales. Le risque de saignement est également plus élevé en présence d'anomalies de signal dans la substance blanche indiquant que la myéline est abîmée.

- Critères infectieux

Une affection médicale grave et évolutive intercurrente associée à une immunodépression ou une infection locale du cuir chevelu imposent de reconsidérer l'indication chirurgicale. Le fait d'avoir des excoriations ou des boutons au niveau du cuir chevelu constitue un risque d'infection cutanée susceptible de devenir une porte d'entrée et d'infecter plus largement le matériel implanté et le cerveau (risque d'encéphalite). Cela dit, la contre-indication locale est généralement transitoire. Une fois l'infection cutanée guérie, l'intervention peut être réalisée.

- Critères cognitifs

Des troubles cognitifs avérés (troubles de la mémoire et de la concentration) seraient aggravés par la stimulation ; la présence d'un terrain psychiatrique fragile passé ou présent impose aussi la prudence. Des troubles de la personnalité graves ou une dépression sévère avec tentative de suicide passée ou risque suicidaire présent contre-indiquent la stimulation sous-thalamique. Des travaux scientifiques ont montré que la stimulation est associée à une aggravation majeure de la dépression préexistante.

INTERVENTION

L'intervention fait appel à la neurochirurgie stéréotaxique, chirurgie très spécialisée utilisant un repérage radiologique tridimentionnel (IRM) préopératoire du noyau sous-thalamique. Elle permet d'implanter une électrode dans chacun des deux noyaux sous-thalamiques de manière bilatérale et symétrique en pratiquant un orifice de chaque côté du crâne dans la région frontale haute. L'électrode est progressivement descendue jusqu'au noyau sous-thalamique à travers les structures cérébrales sous contrôle électrique des cellules nerveuses. Ce contrôle ralentit l'intervention mais assure un résultat plus fiable car il permet de s'assurer très précisément de l'endroit du cerveau où l'électrode se situe.

L'intervention, très longue (entre six et huit heures en moyenne), peut en effet être pratiquée sous anesthésie générale ou locale ; dans ce cas, l'anesthésiste procède par infusion de Propofol réversible à tout moment, pour permettre au patient de participer. Cette participation est intéressante pour vérifier l'action bénéfique de l'électrode sur les signes moteurs et l'absence d'effet indésirable.

Dans le même temps ou à quelques jours d'intervalle, les électrodes sont reliées au stimulateur dont le boîtier est placé sous la peau au niveau de la clavicule. En cas d'implantation immédiate du stimulateur, le seul inconvénient tient au fait qu'il y a un risque de l'endommager lors de contrôles IRM.

RÉSULTATS

Les résultats sont immédiats. Quelques patients, comme Bruno Favier, sortent guéris de la salle d'opération. Il est fréquent de constater une légère détérioration transitoire après huit jours. Dans la plupart des cas, la stimulation n'est opérationnelle que quelques jours après l'intervention avec des résultats immédiats probants. Néanmoins, il faut attendre trois mois pour régler définitivement le stimulateur une fois que les rapports anatomiques et la conductance électrique entre les électrodes et le cerveau se sont stabilisés. D'une manière générale, l'amélioration motrice est proche de celle apportée par la L-Dopa au pic de son action. L'intérêt de la chirurgie consiste à maintenir cette amélioration stable durant toute la journée mais aussi la nuit. Elle améliore les fluctuations et leur cortège d'effets indésirables et permet de diminuer, voire d'arrêter la prise de L-Dopa. La moitié des patients diminuent les doses de médicaments, un quart les arrêtent complètement et les autres les poursuivent comme avant. Le sommeil est amélioré et les douleurs en rapport avec les dystonies de "off" disparaissent.

En revanche, chez certains patients, les troubles posturaux et d'équilibre, et certaines difficultés à la marche ne sont pas particulièrement améliorés par la chirurgie. C'est la raison pour laquelle différentes équipes explorent d'autres cibles.

L'équipe de Grenoble (Pr Pollak) qui a mis au point cette intervention, expérimente le noyau pédonculo-pontin (noyau situé à la jonction du pédoncule et de l'étage moyen du tronc cérébral) et celle de l'hôpital Henri-Mondor, la stimulation du cortex. Ces recherches pourraient également permettre d'améliorer l'état des patients qui présentent une apathie postopératoire qui ne cède pas en modifiant l'intensité de la stimulation.

Cette apathie concerne environ 20 % des patients. Ceux-ci vont beaucoup mieux ; ils ne sont plus bloqués, n'ont plus de troubles musculaires douloureux et peuvent se passer ou presque de médicaments, mais sont complètement amorphes et n'ont plus la même envie de vivre. Dans ce cas, les neurologues ont le choix entre mieux localiser la cible à stimuler ou corriger l'état du patient par des médicaments.

SUIVI

Le suivi post-opératoire est pris en charge par le neurologue et le neurochirurgien car il concerne l'adaptation du traitement et les réglages de la stimulation dont l'intensité est d'emblée fixée aux environs de 1,5 volt. Les réglages fins sont ensuite effectués à distance, environ un mois après l'intervention. Ensuite, des visites régulières tous les trois mois, puis deux fois par an en moyenne sont nécessaires pour assurer le suivi des patients opérés et mettre en place, si nécessaire, un traitement médical pour contrôler l'apparition et l'évolution des signes axiaux.

Il faut également prévoir de changer la pile du stimulateur tous les sept ans en moyenne (+ ou - trois ans en fonction de l'intensité de la stimulation). Son coût (environ 10 000 euros) est pris en charge par la Sécurité sociale.

PRONOSTIC À LONG TERME

Quelques publications concernant l'examen du cerveau après plus de dix ans de stimulation montrent que le cerveau tolère très bien la présence du matériel et la stimulation. Ces travaux montrent également qu'après treize ans, pour les patients les plus anciens, la stimulation est toujours efficace et corrige les signes moteurs. Cependant, elle n'a pas empêché la maladie d'évoluer, ni de s'aggraver. Ainsi, en dépit du fait que la stimulation est toujours efficace, les patients peuvent présenter de nouveaux symptômes, avoir des difficultés à tenir debout, voire une détérioration des fonctions intellectuelles. Des informations qu'il importe de ne pas cacher aux patients candidats à la chirurgie afin qu'ils puissent pleinement en apprécier les effets bénéfiques, mais aussi qu'ils en acceptent les limites et puissent en supporter les inconvénients, le cas échéant.

(1) Le noyau sous-thalamique est situé sous le thalamus et fait partie des noyaux gris centraux dont l'action inhibitrice sur la motricité est accentuée dans la MP du fait de l'hyperactivité de ce noyau. La stimulation a pour but de corriger cette hyperactivité pour rétablir un fonctionnement normal des infklux nerveux et une amélioration de la motricité.

(2) Bruno Favier est le président de l'Association France Parkinson. Sa maladie a été diagnostiquée en 1992. Il a été opéré en 2003.

Sources : Pr Pierre Césaro, chef du service neurologie de l'hôpital Henri-Mondor ; 10e journée mondiale de la maladie de Parkinson - Paris 11 avril 2007 Porte Maillot ; Bruno Favier, président de l'Association France Parkinson ; Anne-Marie Bonnet, Thierry Herguetta, La maladie de Parkinson au jour le jour, Guide pratique de l'aidant, Éditions John Libbey, 24 euros.

Bruno Favier(2) témoigne

« En pratique, lorsqu'on m'a proposé l'intervention en 2002, j'étais dans un état critique, avec des périodes on/off de plus en plus fréquentes et pénibles, et des tremblements et des troubles du sommeil très importants (je ne dormais plus que deux heures par nuit en moyenne). Toutefois, je n'ai pas été opéré immédiatement. J'ai été inscrit sur la liste d'attente de l'hôpital de la Pitié-Salpétrière (chaque centre dispose d'une liste d'attente) et j'ai bénéficié, après douze mois, d'un désistement. Actuellement, en effet, les listes d'attente sont de plus en plus importantes et il devient difficile d'être opéré dans un délai inférieur à trois ans. »

« Durant l'intervention, j'étais à demi-conscient, ce qui a permis à l'équipe chirurgicale de se livrer à des tests pour vérifier directement au décours de l'intervention mes réactions en fonction des endroits où l'électrode était placée. Je n'ai ressenti aucune douleur, ni pendant, ni après l'intervention. »

« En ce qui me concerne, les résultats ont été spectaculaires et immédiats. De retour dans ma chambre, j'ai constaté que je pouvais bouger mes jambes qui restaient inertes auparavant. J'ai retrouvé un véritable appétit de vivre, je remarche normalement, je dors sans prendre de drogue et mon traitement se résume aujourd'hui à trois prises par jour de Sinemet® réparties sur les trois repas. »

« Quant à ceux qui ne peuvent pas accéder à cette alternative thérapeutique, conclut Bruno Favier, il est important qu'ils aient confiance en la recherche et qu'ils ne se découragent pas. Les domaines de recherche et le nombre d'équipes qui travaillent à mieux connaître cette maladie et à mettre au point de nouveaux traitements sont considérables. L'Association France Parkinson, entre autres, participe à cet effort de recherche et suit très activement tous les travaux dans ce domaine. Cela dit, si nous sommes convaincus que des thérapeutiques performantes verront le jour dans les années à venir, nous continuons à oeuvrer pour parfaire l'accès des malades aux techniques qui permettent d'améliorer leurs conditions et leur confort de vie (kinésithérapie notamment) et la formation des acteurs de santé chargés de les mettre en oeuvre. Car en tout état de cause, si nous parions sur l'avenir avec confiance, c'est aussi et surtout au présent que se conjugue notre action auprès, avec et pour les malades. »