La non-assistance à personne en péril - L'Infirmière Libérale Magazine n° 230 du 01/10/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 230 du 01/10/2007

 

Juridique

L'infirmière, quel que soit son mode d'exercice, reste pénalement et personnellement responsable de toute infraction à la loi. À ce titre, l'obligation légale de porter secours à personne en péril implique la mise en oeuvre inconditionnelle de moyens rapides et adéquats d'assistance, quel que soit le résultat obtenu, ou l'adoption immédiate de mesures susceptibles de déclencher un secours, dès lors que cela n'entraîne aucun risque réel pour l'infirmière ou pour des tiers.

L'obligation de porter ou de provoquer un secours à toute personne en péril est une obligation à la fois déontologique et légale s'appliquant à quiconque, qui risque, en s'abstenant volontairement de porter secours à personne en péril, de voir sa responsabilité pénale engagée.

La non-assistance à personne en péril est définie à l'article 223-6, al. 2 du Code pénal, et punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende celui qui, ayant connaissance du péril encouru par une personne, ne lui porte pas assistance. Ce délit résulte d'une indifférence au sort d'autrui puisque le défaut d'assistance résulte d'une abstention voulue face au péril auquel a été exposé autrui. Deux notions sont, dès lors, essentielles pour parler de cette infraction : le péril appelant l'assistance, et l'assistance requise par le péril.

Cette obligation s'applique encore plus particulièrement au médecin et à l'infirmière qui, de par leurs compétences, sont plus aptes que quiconque à porter assistance, à secourir une personne en danger. Les tribunaux se montrent ainsi très sévères à leur encontre, vis-à-vis de tout manquement volontaire à l'obligation morale de soins et de surveillance. Et c'est sur la base du délit de non-assistance (après celui d'atteintes involontaires à l'intégrité corporelle) que les procès en responsabilité sont les plus fréquents.

La réalisation de cette infraction suppose la réunion de deux éléments, l'un moral, l'autre matériel.

L'ÉLÉMENT MORAL

Il s'agit de l'indifférence coupable devant la vie d'autrui. Dans le délit de non-assistance, l'élément moral de l'infraction est prépondérant. Il s'agit d'un comportement personnel volontaire. La loi punit celui qui s'abstient consciemment, en toute connaissance de cause.

C'est à travers cet élément moral que l'erreur d'appréciation peut être fatale pour l'infirmière. Avant de refuser de répondre à l'appel d'un malade, elle doit se demander s'il y a vraiment péril imminent, c'est-à-dire urgence, et si le soin réclamé relève bien de sa compétence. Pour cela, il convient d'avoir un maximum de renseignements sur le péril qui menace le malade, ce qui n'est pas toujours possible.

La règle de prudence est l'intervention immédiate. Et même si l'assistance fournie par l'infirmière se relève inefficace ou inadéquate, sa responsabilité ne saurait être engagée, sauf faute grave de sa part dans la dispense des soins.

L'ÉLÉMENT MATÉRIEL

Il recouvre le péril, l'assistance et l'absence de risque pour l'infirmière. La notion de péril n'étant pas définie par les textes, elle a été progressivement dégagée par la doctrine et la jurisprudence. L'examen de la jurisprudence montre que ce délit est le plus souvent rencontré dans le domaine médical. Le péril dont il s'agit doit être grave. Il doit représenter un danger pour la vie, la santé ou l'intégrité physique d'une personne.

La nature et l'origine du danger sont sans incidence : peu importe que le péril provienne d'un délit, d'une cause naturelle ou accidentelle. De même, le péril peut résulter d'un délit pénal commis par la personne se trouvant en danger. Et même si la personne en péril est à l'origine de son état (c'est le cas de la tentative de suicide), l'infirmière doit lui porter secours.

Enfin, le danger doit être soudain et imprévisible, ce qui ne serait pas le cas d'une femme enceinte dont l'accouchement imminent nécessite des précautions qui ont été négligées par elle-même et son mari, par exemple.

LES MODALITÉS DE L'ASSISTANCE

L'assistance doit être possible et réalisée soit par une action sur place, soit à distance en provoquant les secours nécessaires lorsque le déplacement n'est pas possible.

L'abstention de l'infirmière de porter secours ne saurait être punissable que si elle est injustifiée. Le refus d'une infirmière de se rendre au chevet d'un malade parce qu'elle est simplement "fatiguée" est injustifié ; pas celui de l'infirmière gravement malade, dont le déplacement lui ferait courir un risque important. L'assistance peut être personnelle, mais elle peut aussi consister à provoquer des secours, lorsque le professionnel de santé n'est pas en mesure d'agir personnellement. Ainsi, l'infirmière ne pourra se décharger de son devoir de porter secours sur un tiers que si elle n'a pas les aptitudes nécessaires ou si elle ne dispose pas sur place des moyens appropriés.

Reste la situation délicate de l'infirmière sollicitée par deux malades "en péril", au même moment. Celle-ci devra être capable de procéder à une évaluation rapide des deux situations afin d'intervenir en priorité dans la situation qu'elle aura jugée la plus périlleuse.

Enfin, l'infirmière doit pouvoir agir en l'absence de tout risque réel pour elle ou pour des tiers. En effet, le risque que chacun peut encourir pour sauver autrui est apprécié au cas par cas et ne doit pas être disproportionné par rapport au danger dans lequel se trouve la victime. Lorsque ce risque est disproportionné, il peut constituer un fait justificatif excusant la non-intervention.

Notre expert vous répond

- Et si un patient refuse obstinément les soins, puis-je être poursuivi pour non-assistance à personne en péril ?

Au plan pénal, l'attitude des médecins se situe à la frontière de deux infractions : si le professionnel ne soigne pas le patient, il pourrait être poursuivi pour non- assistance à personne en danger, coups et blessures involontaires ou même homicide involontaire et, a contrario, s'il soigne le patient en dépit de son refus, il peut faire l'objet d'un dépôt de plainte du malade pour atteinte à son intégrité physique.

Après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades, la plus haute juridiction administrative, à savoir le Conseil d'État, a jugé à deux reprises - dans des affaires relatives au problème de la transfusion sanguine des témoins de Jéhovah - que les médecins ne portaient pas atteinte aux droits du patient lorsque, après avoir tout mis en oeuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissaient, dans le but de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état. Dans une des affaires, il a, d'une part, fait injonction à un centre hospitalier de s'abstenir de pratiquer toute nouvelle transfusion sur un malade qui s'y était opposé et, d'autre part, interdit à l'équipe soignante d'un hôpital public de procéder à la transfusion sanguine forcée du patient.

En outre, les juges ont décidé que l'injonction de s'abstenir de procéder à la transfusion cesserait si la patiente « venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ».

Ainsi, il n'est possible de passer outre le refus de soins d'un patient qu'en cas de risque vital pour ce dernier et après avoir tout tenté pour le convaincre de l'utilité des soins. Les soins devront alors être limités à ce qui est strictement indispensables pour le patient.