Les retentissements de la maladie de Parkinson - L'Infirmière Libérale Magazine n° 230 du 01/10/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 230 du 01/10/2007

 

Formation continue

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Comme toute maladie chronique handicapante, la maladie de Parkinson est associée à de lourds retentissements physiques et psychologiques. L'accompagnement et la prise en charge psycho-éducative du patient et de ses proches dès le diagnostic contribuent à prévenir les troubles induits par l'annonce, l'évolution et l'incompréhension de la maladie. Mais le malade lui-même peut jouer un rôle majeur dans la prévention de ses retentissements.

UNE ÉVOLUTION LENTE MAIS INÉLUCTABLE

D'une manière générale, la maladie de Parkinson évolue lentement selon un schéma en quatre phases relativement bien différenciées :

-> La première phase englobe l'apparition des premiers symptômes, l'annonce du diagnostic et la première année. C'est une phase d'adaptation très intense sur le plan émotionnel car le diagnostic bouleverse la vie et les projets du malade et de ses proches.

Une patiente témoigne

Corinne Belmudes, membre actif du Comité France Parkinson de la Haute-Garonne(1)

« Suite à l'apparition des premiers symptômes à l'âge de 40 ans, j'ai été suivie durant un an en ville avant d'être adressée à l'hôpital où le diagnostic est tombé en ces termes : "N'ayons pas peur des mots, vous avez la maladie de Parkinson, mais rassurez-vous, on n'en meurt pas." Curieusement, sur l'instant, j'ai été partagée entre l'accablement et le soulagement de pouvoir enfin mettre un nom sur ma maladie. Compte tenu de mon âge, j'ai surtout été angoissée par la perspective de toutes ces années à venir durant lesquelles il allait falloir composer avec la maladie : combien de temps allais-je pouvoir continuer à travailler, si loin de l'âge de la retraite ? Comment mon couple résisterait-il à cette épreuve et au risque que je devienne, un jour, dépendante et une charge pour mon entourage ? Fort heureusement, le neurologue a été rassurant quant à l'efficacité des thérapeutiques, ce qui nous a permis de dédramatiser et de nous inscrire dans une dynamique positive malgré les bouleversements induits par ce diagnostic. »

-> La deuxième phase. De fait, une fois le diagnostic posé, les traitements mis en place permettent au patient d'aborder une phase appelée "lune de miel" au cours de laquelle il recouvre ses capacités. Dans la plupart des cas, la vie redevient comme avant, le calme succède à la tempête. Durant environ cinq à dix ans, le malade est très amélioré par les traitements et peut même, dans certains cas, arriver à cacher sa maladie à son entourage.

-> La troisième phase est caractérisée par la survenue de fluctuations qui rompent l'équilibre. Ces fluctuations sont liées à l'effet discontinu des médicaments. Le patient est moins bien corrigé à certaines heures, il se remet à trembler et a du mal à se concentrer. L'équilibre devient précaire mais peut être rétabli en augmentant les traitements.

-> La dernière phase, dite phase d'envahissement, est caractérisée par une alternance de périodes "on" où les "batteries sont chargées et où tout va presque bien" et de périodes "off" où les "batteries sont à plat et ou tout va mal". Dyskinésies (mouvements anormaux incontrôlés et involontaires), chutes, incapacité motrice (difficultés à la marche principalement) affectent sévèrement les patients et peuvent générer une dépendance nécessitant des soins infirmiers. La maladie est omniprésente. Le malade et son entourage doivent apprendre à vivre avec et à en maîtriser au mieux les contraintes.

MIEUX CONNAÎTRE LA MALADIE POUR MIEUX LA DOMPTER

Ces différentes phases évolutives doivent être connues d'emblée par les patients car cela facilite la compréhension et l'acceptation de la maladie. Des recherches ont en effet montré que plus la personne est consciente de sa maladie et de ses répercussions sur elle-même et ses proches, plus elle peut exercer une action thérapeutique indirecte sur les symptômes grâce à la mise en oeuvre de techniques psycho- éducatives (éducation attentionnelle, gestion du stress et des réactions émotionnelles) lui permettant de "contrôler" la maladie.

« C'est un élément capital de la prise en charge, confirme Corinne Belmudes. Cela passe par l'information délivrée par les équipes médicales, notamment pour les personnes n'ayant pas accès aux outils de communication et d'information modernes, mais également par une démarche individuelle du malade pour connaître et comprendre sa maladie et ses traitements. Quant à l'accompagnement psychologique, il est complémentaire et particulièrement utile pour passer certains caps d'acceptation difficiles. »

Cela dit, les psychologues formés à cette prise en charge spécifique sont encore peu nombreux. Quant aux prises en charge en ville, elles ne sont pas remboursées. C'est la raison pour laquelle certains services hospitaliers développent des consultations multidisciplinaires associant en général un neurologue, un kinésithérapeute, une assistante sociale, un orthophoniste et un psychologue ou psychiatre susceptibles d'apporter des réponses aux problèmes soulevés, entre autres, par l'annonce du diagnostic, l'évolution de la maladie ou la survenue de handicaps physiques.

L'ACCOMPAGNEMENT PARAMÉDICAL

L'apparition des troubles de la marche et de la posture constitue pour le patient un cap particulièrement pénible à franchir. Au-delà de l'accompagnement psychologique, l'apport des exercices physiques et de la kinésithérapie (exercices de coordination des gestes, de contrôle postural par anticipation des changements de posture et coordination de la posture et du geste...) est capital.

-> En curatif... « Il est en effet possible de reproduire un geste "réflexe" par la volonté en utilisant des circuits différents, explique le Pr Césaro. Lorsque les gestes automatiques deviennent difficiles, le malade peut apprendre à réaliser des gestes volontaires par la kinésithérapie. Par exemple, lorsque le patient piétine sur place parce qu'il est bloqué pour marcher, le fait de lui donner une cible visuelle en lui commandant de franchir le seuil de la porte ou d'enjamber un obstacle va lui permettre d'avancer. C'est spectaculaire ! Le travail du kiné est donc essentiel pour apprendre des stratégies motrices aux patients qui ont des blocages. Idéalement, il doit intervenir préventivement, avant que la maladie du patient ne s'aggrave. »

-> ...et préventif. La kinésithérapie intervient également pour prévenir les complications orthopédiques par la mobilisation des articulations des membres et du rachis et lutter contre les difficultés respiratoires consécutives à la rigidité et l'akinésie des muscles inspiratoires et expiratoires. Un élément très important de la prise en charge de cette maladie, malheureusement souvent négligé au même titre que l'orthophonie ou les cures thermales.

« La kinésithérapie préventive est vraiment très utile, y compris chez les jeunes parkinsoniens. Elle participe d'une dynamique positive qui permet de ralentir le processus évolutif de la maladie. Personnellement, j'ai trois séances de kinésithérapie par semaine dont deux à domicile avec un kiné libéral qui s'est spécialement formé aux spécificités de cette maladie. »

Par ailleurs, sur Toulouse, un partenariat a été mis en place entre l'Association France Parkinson et la Mutualité de Haute-Garonne pour coupler l'orthophonie (la méthode LSVT)(2) à une heure de chant par semaine, ce qui favorise ainsi les progrès de prononciation, d'intonation et de fluidité du langage. Ces séances sont prises en charge sur prescription et accord préalable de la CPAM. Elles ont lieu dans un centre de soins pluridisciplinaires toulousain qui propose également des séances de kinésithérapie adaptées à la maladie de Parkinson.

« Quant aux cures thermales(3), très peu de malades en bénéficient, faute d'en connaître l'existence et les bienfaits. Pourtant, c'est une démarche très profitable. Outre les bénéficies liés aux soins (action de l'eau, séances de sophrologie), les rencontres avec d'autres malades sont très positives car il est particulièrement important de se reconnaître dans d'autres personnes qui ont la même maladie et ainsi de partager ou d'échanger nos expériences. »

Une démarche tellement bénéfique que Corinne Belmudes prévoit de mettre en place, l'année prochaine, une cure spécifiquement orientée vers les jeunes parkinsoniens à Ussat-les-Bains.

FAVORISER LA PRISE EN CHARGE PARTAGÉE

À un stade plus avancé, l'accompagnement paramédical concerté (kiné, ergothérapeute, soignants) participe à l'adaptation de l'environnement pour faciliter le quotidien et éviter les chutes, et contribue par son action bienveillante et constructive à rassurer et redonner confiance en valorisant les progrès accomplis du patient.

-> Le rôle des libéraux. Lorsque les patients ont besoin d'aide aux soins corporels à domicile, l'infirmier libéral aura également à prendre en compte la dimension psychologique du soin. Accepter cette prise en charge n'est pas facile pour le patient qui recule souvent l'échéance de voir un étranger s'immiscer dans son intimité. Quant à l'aidant naturel, il peut vivre cette intrusion comme un échec ou une contrainte en plus à gérer. D'où l'importance d'assortir la prise en charge médicale d'un accompagnement et d'informations claires et précises.

« Il ne faut négliger aucune piste, sachant que ce qui convient à l'un n'est pas forcément adapté à l'autre. Il faut s'en remettre aux soignants mais ne pas tout attendre d'eux non plus. Beaucoup de malades, en particulier âgés, comptent exclusivement sur les médicaments et ne se prennent pas en charge individuellement. Demander des séances de kiné et/ou d'orthophonie n'est pas un luxe lorsque l'on a cette maladie. Il faut donc, lorsqu'on ne nous les prescrit pas d'emblée, avoir cette démarche individuelle volontaire. En d'autres termes, il faut devenir acteur de sa prise en charge et/ou se faire aider par son entourage pour lutter contre cette apathie caractéristique des parkinsoniens qui s'empare inévitablement de nous. La "politique de l'autruche" est vraiment préjudiciable. À l'inverse, lorsqu'on est acteur, on contrôle mieux sa maladie parce qu'on est en mesure, lorsque des symptômes nouveaux arrivent, ou lorsque des effets secondaires des médicaments surviennent(4), de les identifier et d'alerter le médecin de manière à adapter les thérapeutiques (adaptation des doses, changement de médicament). »

En attendant que les recherches thérapeutiques en cours dans le domaine des médicaments (traitement de type cholinergique par la nicotine, par exemple), de la chirurgie (recherche de nouvelles cibles), des biothérapies (greffe de cellules embryonnaires humaines) et de la thérapie génique (administration d'un gène médicament) aboutissent, cette démarche individuelle médicalement encadrée est assurément l'une des clés pour mieux maîtriser la maladie de Parkinson et ainsi moins la subir.

(1) Corinne Belmudes est également membre d'un groupe de réflexion sur les jeunes parkinsoniens mis en place à sa demande par FP début 2007. Elle représentait les jeunes parkinsoniens à l'occasion de la Journée mondiale de la maladie de Parkinson. Contacts : 05 62 87 20 11, 06 31 40 78 89.Site Internet : http://jparkinson.vox.com/

(2) La méthode Lee Sylverman Voice Treatment.

(3) Il existe trois stations thermales accessibles aux malades atteints de MP : Néris-les-bains (Allier), Lamalou-les-bains(Hérault), Ussat-les-bains (Ariège). Lorsque la maladie est prise en charge à 100 % au titre des ALD, ces cures de trois semaines sont intégralement prises en charge pour les soins ; le billet de train aller- retour en 2e classe est remboursé et il existe un forfait sécurité sociale de 150 euros pour l'hébergement et la nourriture, auquel peut s'ajouter un forfait mutuel.

(4) Par exemple, les agonistes dopaminergiques peuvent induire chez certaines personnes des comportements compulsifs (addiction au jeu, hypersexualité : exhibitionnisme, nomadisme sexuel) dont la sévérité peut augmenter la souffrance du malade inutilement et en conduire certains à la faillite personnelle et familiale, voire en prison. La prescription de ces traitements doit donc être accompagnée d'une information éclairée des patients afin qu'ils puissent immédiatement alerter le neurologue en cas de comportements inhabituels jugés "tabous".

Maladie de Parkinson et soins à domicile

- Lorsque l'infirmier libéral est sollicité au domicile d'un parkinsonien, il intervient généralement à un stade avancé de la maladie lorsque le patient, très dépendant, a besoin de soins d'hygiène et d'accompagnement (toilette, lever, coucher). À cette occasion, il peut également contrôler les prises multiples des médicaments en temps et en heure. Il peut aussi intervenir auprès de patients moins dépendants mais ayant besoin de soins spécifiques tels que la pose d'une pompe à Apinon®.

- Au-delà des soins proprement dits, l'infirmier joue un rôle de "vigie" de l'état du patient. Il est en mesure d'évaluer les besoins d'aide du patient et de sa famille (auxiliaires de vie pour soulager le conjoint, portage des repas si le patient est seul, par exemple) ; il est également en mesure de découvrir des problèmes médicaux (amaigrissement, constipation, état infectieux, phlébite, tension excessive...), psychologiques (état dépressif) ou familiaux (incompréhension, rejet de l'entourage...) dont il peut informer le médecin afin que des mesures soient prises pour améliorer la situation.

- Il peut aussi apporter un soutien psychologique propre en informant, en expliquant et en réconfortant le patient et son entourage. La maladie de Parkinson faisant partie des affections de longue durée, les soins infirmiers sont pris en charge à 100 %.

Fluctuations "on/off"

- Parmi les difficultés évoquées par les malades parkinsoniens, les retentissements des fluctuations "on" "off", et surtout, l'incompréhension qu'elles suscitent au niveau de l'entourage soignant et familial, constituent un problème majeur aux retentissements psychologiques très lourds. « Le personnel soignant, pas plus que le conjoint ou les enfants, ne comprend le passage subit du stade "on" au stade "off", explique Bruno Favier, l'actuel président de France Parkinson, lui-même malade depuis 1992. Il est vrai que c'est très déroutant pour l'entourage de voir le malade changer totalement de comportement d'une minute à l'autre. Mais c'est aussi très pénible pour les malades qui subissent parfois des réactions brutales et totalement injustifiées. »

-> C'est la raison pour laquelle le Groupe d'expression de France Parkinson Seine-Maritime a réalisé une plaquette destinée aux soignants* afin d'expliquer qu'en quelques secondes et sans signes annonciateurs, le comportement du patient peut complètement se transformer.

-> Ainsi, alors que dans l'instant précédent (période "on"), celui-ci bougeait, marchait, parlait correctement, avait le visage détendu, se sentait bien et faisait face aux événements quotidiens, subitement rien ne va plus (période "off") et le tableau clinique change du tout au tout : le malade devient lent, voire se bloque ; son élocution devient difficile et son ton monocorde ; les gestes quotidiens sont réalisés avec difficulté lorsqu'ils ne sont pas impossibles ; le visage se crispe et l'expression se fige, donnant à l'interlocuteur le sentiment d'être en face d'une personne qu'il ne connaît pas.

-> « Il est très important que les soignants comprennent que ce n'est pas de la mauvaise volonté, que les malades ne le font pas exprès et que cette métamorphose soudaine et incontrôlable les confronte à leur impuissance contre la maladie et peut être vecteur de crises d'angoisse et d'une grande tristesse », ajoute Bruno Favier.

-> Il convient donc, en attendant le retour de la période "on" de leur apporter une aide globale au niveau des gestes de la vie quotidienne, de leur laisser le temps de répondre ou d'agir pour ne pas ajouter au stress et de ne pas manifester d'agacement, voire d'agressivité, face à la lenteur de leurs réactions mais, au contraire, de les encourager car ils doivent réaliser de gros efforts pour accomplir le moindre geste.

* Cette plaquette s'intitule : "J'ai la maladie de Parkinson : Soignants, Prenez le temps de me connaître". Contact : France Parkinson, 37 bis, rue Jean de Fontaine, 75016 Paris, Tél. : 01 45 20 22 20 ; courriel : infos@ranceparkinson.fr ; site Internet : http://www.franceparkinson.fr ou Comité de Seine-Maritime France Parkinson, 15, rue des deux bois, 76130 Mont-Saint-Aignan, Tél. : 02 35 75 13 53.