Sandrine Loeuillet, la fibre maternelle - L'Infirmière Libérale Magazine n° 230 du 01/10/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 230 du 01/10/2007

 

Exercice particulier

Même si le soutien à l'allaitement fait aujourd'hui partie des priorités de santé publique, bien des mamans se trouvent encore livrées à elles-mêmes sitôt rentrées de la maternité. Pour leur apporter aide et réconfort, Sandrine Loeuillet a décidé de se spécialiser dans la consultation en allaitement. Une autre façon de vivre son métier d'infirmière libérale.

Dans sa sacoche, deux poupons vêtus de couleurs vives, quelques seins en caoutchouc, des coques d'allaitement, des billes en verre... « Les poupons, c'est pour évoquer la position du bébé lors de la mise au sein, pour mieux matérialiser les choses avec les futures mamans. Quant aux billes, elles représentent la taille de l'estomac du nourrisson à J +1, J + 3 et J + 10. »

Contrairement aux apparences, Sandrine Loeuillet n'est ni sage-femme, ni puéricultrice. À 39 ans, cette infirmière libérale installée à Nice, dans les Alpes-Maritimes, a simplement décidé d'exploiter à fond toutes les ressources de son métier et de se spécialiser, en marge de soins infirmiers plus classiques, dans la consultation en allaitement : « Il y a un travail énorme à faire dans ce domaine, non pas pour encourager les mères à allaiter, mais plutôt pour les aider à mener leur projet à terme, justifie-t-elle. Par manque d'information ou de soutien, trop de femmes se découragent et cessent d'allaiter de façon précoce. » Que ce soit avant l'accouchement, pour informer les mamans sur l'allaitement, ou après la naissance, pour les aider à surmonter certains obstacles (engorgement, manque de lait, crevasses, reprise du travail...), Sandrine se déplace à leur domicile et leur apporte son expertise technique et son soutien.

Priorité de santé publique

Est-ce parce qu'elle est elle-même mère de trois enfants ? Elle ne saurait le dire. Le fait est que depuis ses débuts dans la profession, en 1989, Sandrine a toujours été attirée par les soins aux femmes enceintes et aux nourrissons. Alors que certaines infirmières libérales avaient tendance à les refuser, ses collègues et elle s'en sont fait, au fil du temps, une sorte de spécialité. Un choix qui a sensibilisé Sandrine aux difficultés des jeunes mères, souvent livrées à elles-mêmes au retour de la maternité : « J'avais beau venir les voir pour un simple pansement ou une injection, elles me sollicitaient toujours sur des questions relatives au maternage en général, et à l'allaitement en particulier. J'en suis donc arrivée à faire du soutien global aux mamans, au-delà du strict geste infirmier. »

Passionnée par ces sujets, Sandrine s'acquitte longtemps de cette tâche de façon informelle et bénévole, en s'appuyant sur son expérience personnelle ou en effectuant des recherches complémentaires. Ce n'est qu'en 2004, lorsqu'elle s'engage dans une formation de deux ans en santé publique, qu'elle prend véritablement conscience de l'importance de ce travail d'information et d'accompagnement. Elle découvre notamment que le soutien et la promotion de l'allaitement figurent parmi les priorités de santé publique. En effet, en France, le pourcentage des femmes allaitant leur enfant, pourtant en augmentation, reste l'un des plus bas de l'Union européenne et s'accompagne d'une durée d'allaitement courte, dix semaines à peine (contre six mois préconisés par l'OMS). Le Programme national nutrition-santé vise aussi à atteindre un taux de 70 % d'allaitement exclusif en 2010 et à allonger la durée moyenne de l'allaitement.

Un maillon de plus

Son mémoire de fin d'étude, qu'elle consacre au rôle des libérales dans le soutien aux mères allaitantes à domicile, la conforte dans l'idée qu'il y a, sur le terrain, une demande à satisfaire et une véritable place à prendre pour les infirmières de proximité, disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Même si le but n'est pas de se substituer aux pédiatres, aux sages-femmes ou aux puéricultrices : « Mon idée était plutôt de créer un maillon supplémentaire dans ce réseau, pour l'enrichir et étendre ainsi l'accès à ces services à d'autres populations, précise-t-elle. Aujourd'hui, tout le monde ne se sent pas concerné par la Protection maternelle et infantile, qui garde une connotation très sociale. Quant aux sages-femmes libérales, elles ne sont pas toutes spécialisées en allaitement et elles sont encore peu nombreuses à se déplacer à domicile, en tout cas dans mon département. »

Bien décidée à se spécialiser officiellement dans la consultation en allaitement, Sandrine se heurte néanmoins au problème du statut à donner à cette activité. Car si la loi prévoit que les infirmiers « participent aux actions de santé publique », donc à la promotion de l'allaitement, la nomenclature des actes ne comprend aucune lettre-clé pour la consultation infirmière. Dans un premier temps, la jeune femme effectue des interventions bénévoles, avant que des collègues libéraux ne lui suggèrent de s'appuyer sur la Démarche de soins infirmiers (DSI), combinée aux AIS 3,1 ("Mise en oeuvre d'un programme d'aide personnalisée") pour pouvoir facturer ses consultations.

Crédibilité

Aujourd'hui, sa spécialité en allaitement représente 40 % de son activité d'infirmière libérale. Mamans et futures mamans arrivent grâce au bouche-à-oreille, ou lui sont envoyées par des collègues infirmiers ou des professionnels de la PMI : « Elles apprécient beaucoup que je me rende à leur domicile. Cela leur permet d'évoquer l'allaitement dans un cadre sécurisant et intime, éventuellement accompagnées de leur conjoint. Et puis elles savent que je viens spécialement pour elles, donc que mes conseils seront personnalisés. »

Grâce à la formation en allaitement qu'elle a suivie cette année et qui l'a préparée au Certificat international de consultante en lactation, Sandrine espère se faire davantage connaître et reconnaître dans sa spécialité, en particulier auprès des autres professionnels de santé : « En général, ce sont des sages-femmes, des puéricultrices ou des pédiatres qui se spécialisent dans la consultation en allaitement, mais rarement des infirmières libérales ! Jusque-là, aux yeux de certains, je n'étais donc pas très crédible. » Elle espère également qu'avec le temps, ses collègues libérales, parfois critiques à l'égard de ses choix professionnels, se montreront plus compréhensives : « À chaque fois que j'en ai l'occasion, j'essaie de leur faire comprendre que le métier d'infirmière ne se limite pas aux injections et aux toilettes. À condition de se former, notre rôle propre nous donne de multiples opportunités : à nous d'oser les explorer ! »

Contact : sandrine.loeuillet@wanadoo.fr

Une visite chez Mme R.

- « Mme R. rentre de la maternité sept jours après son accouchement par césarienne. Elle a besoin d'injections d'anti-coagulants et rencontre aussi des difficultés d'allaitement. Suite à la césarienne, un allaitement mixte a été mis en place par le personnel médical de la maternité. Aujourd'hui, Mme R. a l'impression qu'elle n'a plus de lait.

Pour commencer, j'effectue l'injection d'anticoagulants, puis j'invite la patiente à s'installer confortablement avec son bébé, et avec le père si elle le souhaite. Le diagnostic éducatif infirmier peut alors commencer. Il s'agit d'un recueil de données biomédicales, socioprofessionnelles, cognitives et psychoaffectives, pour connaître la patiente et orienter l'accompagnement. Dans ce cas précis, Mme R. souhaite poursuivre l'allaitement jusqu'à la reprise de son travail. Compte tenu de la conduite de l'allaitement suivie jusqu'alors, la baisse de production lactée qu'elle ressent est sans doute réelle. Il est donc important de commencer au plus vite la relance de la lactation, et de poursuivre l'accompagnement les jours suivants.

Lors de cette première séance, je donne à Mme R. des indications sur la physiologie de la lactation pour qu'elle comprenne sa baisse de production lactée et trouve elle-même la résolution de son problème (le savoir). Je la guide par une ou deux suggestions au maximum (le savoir-faire). J'observe également la tétée, afin de repérer d'autres causes éventuelles de baisse de la production de lait. Il s'agit ce jour-là d'assurer le minimum sécuritaire, tout en laissant du temps à la mère pour assimiler ces connaissances et s'installer dans une autre forme de maternage (le savoir-être).

De retour à mon cabinet, j'effectue comme à chaque fois une évaluation de la consultation, c'est-à-dire que je note ses aspects négatifs et positifs, mes sentiments et mes prévisions. »

L'IBCLC, diplôme de référence

- Le Certificat international de consultante en lactation (International Board Certified Lactation Consultant, IBCLC) est le diplôme international de référence en matière de consultation en allaitement. Il est délivré par un organisme indépendant, le Bureau international d'examen pour les consultantes en lactation, à l'issue d'un examen validant une expérience professionnelle et une formation théorique et pratique sur l'allaitement maternel.

- En France, deux organismes sont habilités pour préparer à cet examen : l'Association des consultants en lactation professionnels de santé (http://www.consultants-lactation.fr) et le Centre de recherche, d'évaluation et de formation à l'allaitement maternel (http://www.crefam.com).

- L'examen est réservé aux personnes possédant déjà des connaissances en matière de soutien aux mères allaitantes, et pouvant justifier d'une expérience pratique approfondie dans ce domaine. Pour se présenter à l'examen, une infirmière doit ainsi avoir accumulé pas moins de 1 800 heures de pratique comme conseillère en allaitement, ainsi que 190 heures de formation continue spécifique, dans les cinq ans précédant immédiatement le passage de l'examen.

- Renseignements : http://www.iblce-europe.org