Agences régionales de santé : le périmètre se dessine - L'Infirmière Libérale Magazine n° 235 du 01/03/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 235 du 01/03/2008

 

Système de santé

Actualités

Sur le terrain

Le rapport sur la création des Agences régionales de santé (ARS), remis fin janvier à Roselyne Bachelot, plaide pour un nouveau pilotage régional du système de santé. Sans toucher, pour l'instant, au principe d'une convention nationale pour les professionnels libéraux.

Il s'agira d'« une des plus importantes réformes institutionnelles de ces dernières décennies ». Dans son rapport sur la création des agences régionales de santé, remis fin janvier à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, Philippe Ritter, préfet honoraire et ancien directeur de l'Agence régionale d'hospitalisation (ARH) d'Île-de-France, ne mâche pas ses mots. Et pour cause. Si le scénario qu'il propose est effectivement mis en oeuvre, il entraînera une profonde recomposition du paysage sanitaire.

Prenant acte des faiblesses de l'actuelle gouvernance du système de santé, le rapport Ritter plaide en effet pour un pilotage « unifié et responsabilisé au niveau régional ». Cela signifie que les ARS assureraient non seulement un pilotage commun de la médecine de ville et de l'hôpital - chantier ambitieux s'il en est - mais qu'elles étendraient aussi leur champ d'intervention au secteur médico-social (accueil des personnes âgées et handicapées faisant l'objet d'un financement par l'Assurance maladie) et à la santé publique (prévention, veille et sécurité sanitaire).

Fluidifier les parcours de soins

Ces nouvelles institutions se substitueraient donc à de nombreuses instances déjà en place : ARH, Urcam, missions régionales de santé (MRS), groupements régionaux de santé publique (GRSP), mais aussi, « en fonction du périmètre retenu », Ddass et Drass. L'enjeu : « Véritablement fluidifier les parcours de soins des patients, assurer une réelle cohérence des politiques de santé menées sur un territoire et mettre en oeuvre des projets territoriaux de santé », écrit le rapport.

Impératifs d'égalité

En pratique, les ARS "selon Ritter" auraient pour mission d'assurer la maîtrise médicalisée des dépenses d'Assurance maladie, et d'organiser l'offre de soins sur le territoire régional. Dans le secteur ambulatoire, cela se traduirait par exemple par l'organisation de la permanence des soins, l'évaluation des zones déficitaires ou surdenses, ou la mise en oeuvre d'aides à la création de maisons de santé pluridisciplinaires. Les ARS disposeraient pour ce faire d'un droit de contractualisation avec les professionnels de santé.

Prudent, Philippe Ritter préconise cependant de ne pas remettre en cause le principe d'une convention nationale pour les professionnels de santé libéraux et de tarifs nationaux pour les établissements de santé.

Deuxième trimestre 2009

« Le maintien d'une politique tarifaire nationale répond à des impératifs d'égalité de traitement à l'échelle nationale, de maîtrise des dépenses et de lisibilité », justifie-t-il, tout en précisant que ce système doit être « perfectionné ».

Renforcées par la publication, le 7 février, des conclusions d'une mission d'information parlementaire sur les ARS, confiée au député Yves Bur, les orientations du rapport Ritter devraient se concrétiser, d'ici cet été, dans le projet de loi sur la modernisation de la santé, annoncé par Roselyne Bachelot. La mise en oeuvre opérationnelle des ARS pourrait intervenir quant à elle d'ici le deuxième trimestre 2009.

Interview

Philippe Tisserand, Président de la FNI « Le rapport ne fait que renforcer nos craintes »

Le rapport Ritter préconise de ne pas toucher au principe d'une convention nationale pour les professionnels libéraux. L'avenir du système conventionnel vous semble-t-il pour autant préservé ?

> Ne pas toucher à ce principe ne signifie pas ne pas toucher au périmètre du champ conventionnel. On ne peut écarter l'hypothèse de conserver des conventions nationales vidées de leur contenu, qui se limiteraient à définir des tarifs opposables et qui seraient couplées à des adhésions conventionnelles individuelles régionales. Cela peut progressivement tuer le système conventionnel que nous connaissons aujourd'hui et, là, il y a un vrai danger pour les professionnels libéraux.

Lors du dernier congrès de la FNI, vous aviez exprimé des craintes quant à la représentation des infirmiers libéraux dans la gouvernance des ARS. Êtes-vous aujourd'hui rassuré ?

> Le rapport ne fait que renforcer nos craintes. Il préconise en effet un conseil de l'ARS limité à une quinzaine de personnes et qui permettrait à la conférence régionale de santé de donner un avis sur les propositions présentées par le directeur de l'ARS. Vaste blague pour nous faire croire à l'instauration d'une pseudo-démocratie sanitaire ! On assiste en réalité à une dilution des représentations professionnelles au sein de la future instance. Je formule le voeu que la DHOS ne tentera pas d'organiser le système ambulatoire en le calquant sur l'organisation du système hospitalier.

Y voit-on plus clair dans le projet du gouvernement ?

> Ce qui est sûr, c'est que nous assistons à une ferme reprise en main du ministère de la Santé, donc du gouvernement, sur la gestion et l'organisation du système de soins. La volonté d'un pilotage au plus près du terrain est une bonne chose, mais à condition de ne pas faire de ces agences des tours d'ivoire. J'ose donc espérer que cette réforme ne constituera pas seulement un renforcement du centralisme, qui se heurtera très vite aux principes de réalité.