Le temps du "prêt-à-porter" - L'Infirmière Libérale Magazine n° 235 du 01/03/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 235 du 01/03/2008

 

Contraception

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Bien que la contraception offre aujourd'hui l'embarras du choix, le taux d'IVG reste stable. Une situation qui impose aux acteurs de soin de se mobiliser pour informer et éduquer sur l'offre contraceptive. Une mission d'autant plus importante qu'au-delà de la contraception d'usage courant, il existe une contraception d'urgence aujourd'hui facilement accessible.

La contraception recouvre l'ensemble des méthodes visant à éviter de façon réversible et temporaire la grossesse. Bien que la majorité des françaises (73,6 % des femmes entre 20 et 44 ans) utilisent une méthode contraceptive, le nombre d'IVG se maintient à un niveau important (200 000 pour 800 000 naissances par an(1)). Chez les adolescentes, 10 000 grossesses non désirées sont répertoriées qui se terminent dans la plupart des cas par un avortement. Curieusement, « la majorité des femmes qui demandent une IVG ont une contraception (hormonale, locale ou naturelle) et un véritable souci de ne pas tomber enceinte », explique le Dr Sophie Gaudu, gynécologue, responsable de la planification familiale de l'hôpital Saint-Vincent de Paul.

CONTRACEPTION : DU CAS PAR CAS

L'éventail de méthodes contraceptives aujourd'hui proposées permet d'adapter au mieux la contraception aux besoins exprimés par la femme en fonction de son âge, de sa vie sexuelle, de son mode de vie, de ses antécédents contraceptifs, voire de ses convictions religieuses et personnelles. Ces méthodes ont pour but soit de bloquer l'ovulation (pilules), soit d'éviter la fécondation (préservatif, contraceptifs locaux, méthodes naturelles), soit encore d'empêcher l'implantation de l'oeuf fécondé (stérilet). Partant du postulat que « la bonne contraception est celle que la femme choisit »(2), informer sur toutes les modalités de contraception et expliquer leurs mécanismes d'action est essentiel pour faire le bon choix.

UNE OFFRE À CHOIX MULTIPLE

Les méthodes contraceptives réversibles actuelles sont constituées de quatre grandes familles : les estroprogestatifs (EP), les progestatifs hors dispositifs intra-utérins (hors DIU), les DIU et la contraception locale.

- Les estroprogestatifs

Ils existent sous différentes formes galéniques : pilule, mais aussi patch et anneau.

-> La pilule combinée estroprogestative (CEP)

Elle associe deux composants : estrogène (éthinyl-estradiol) (EE) et progestatifs (dérivés de la nortestostérone ou de la 17-hydroxyprogestérone) qui, administrés de façon combinée, ont une action contraceptive différente. Cette contraception fréquemment choisie par les femmes doit faire l'objet d'une prescription éclairée car il existe des contre-indications et des interactions croisées avec des médicaments.

- Les progestatifs (hors DIU)

-> La pilule progestative

La pilule progestative a, comme la CEP, un triple mode d'action : antigonadotrope, antinidatoire et antiglaire. Toutefois, à l'exception de Cérazette®(3), l'effet antigonadotrope des pilules progestatives est moins complet que celui des pilules combinées (60 % des ovulations bloquées contre 100 %). Elles sont particulièrement prescrites en cas de contre-indication aux EE, de tabagisme (surtout après 35 ans), d'allaitement(4), de pré-ménopause (traite les symptômes de la ménopause), de diabète et de surcharge pondérale. Il en existe deux sortes : les progestatifs microdosés en administration continue et les progestatifs normodosés en administration discontinue.

À noter : quelle que soit la pilule, les femmes sous contraception orale doivent bénéficier d'une surveillance clinique annuelle (tension, état général, bilan biologique si antécédents familiaux de cholestérol ou de triglycérides sinon tous les trois ans), d'un frottis tous les trois ans et d'une mammographie tous les un à trois ans en fonction de l'âge et des antécédents familiaux de cancer du sein.

-> Progestatifs injectables (macroprogestatifs)

En France, les femmes disposent de deux contraceptifs injectables par voie IM : le Depo-Provera® et le Noristérat®. Ils doivent être respectivement administrés toutes les douze et huit semaines. Aussi efficaces que les autres contraceptifs hormonaux (- de 1 % d'échecs), ils entraînent des modifications du cycle assez fréquentes (saignements irréguliers plus ou moins prolongés ou à l'inverse, aménorrhée) et une prise de poids (0,5 à 2 kg) au cours de la première année. Parallèlement, leur non-réversibilité immédiate (retour de la fécondité différé de six à neuf mois en moyenne) et la contrainte des injections périodiques constituent des freins à leur utilisation.

-> Implants contraceptifs (microprogestatifs)

L'implant sous-cutané (Implanon®) présente l'intérêt d'offrir une sécurité contraceptive totale (100 % d'efficacité selon les études) durable (trois ans) et sans souci. Il se présente sous forme d'un bâtonnet réservoir contenant un progestatif délivré à raison de 24 µg/24 h. Il est mis en place sous anesthésie locale (xylocaïne ou patch Emla®) sur la face interne du bras non dominant. Ce geste très rapide est réalisé à l'aide d'un applicateur. Il est réversible à tout moment au prix d'une petite incision de 2 mm permettant d'ôter le dispositif en quelques minutes. Une fois qu'il est extrait, l'ovulation réapparaît dans la plupart des cas trois semaines après. Le principal inconvénient de ce dispositif est lié à l'irrégularité des règles qui se traduit soit par une aménorrhée (environ 20 % des femmes), soit par des spotting plus ou moins fréquents entre les règles (environ 40 % des femmes). Ses contre-indications sont limitées aux femmes allergiques à l'un de ses composants, présentant une maladie grave du foie ou relevant d'une maladie thrombo-embolique (une phlébite ancienne n'interdit pas la pose de l'implant).

- La contraception par DIU : stérilet

Utilisé par une femme sur six environ, le stérilet est sous-employé, souvent pour des raisons irrationnelles et des préjugés infondés, mais aussi parce que beaucoup de femmes sont rebutées par la présence d'un corps étranger. Or, insistent les spécialistes, « contrairement à la pilule, le DIU classique n'a pas d'effet sur l'équilibre hormonal, sur la libido, sur l'acné ou sur une éventuelle prise de poids. Il nécessite une surveillance annuelle, peut être laissé en place entre cinq et dix ans et ne risque pas d'être oublié. En outre, ramené à sa durée d'utilisation, un DIU est beaucoup plus économique qu'une pilule non remboursée (entre 35 et 60 euros en moyenne partiellement remboursés) ».

Il existe actuellement deux types de stérilet : les stérilets à manchon de cuivre (Gyne-T380®, Gynelle 375®) et le Mirena®. Le cuivre détruit les spermatozoïdes et ajoute à l'effet antinidatoire du dispositif par son action sur l'endomètre. Quant au Mirena®, il contient un réservoir de levonorgestrel, une hormone progestative libérée en faible quantité. Très efficace (une seule grossesse pour cent femmes l'utilisant pendant cinq ans), ce dispositif est considéré comme un médicament et remboursé à 65 %. Sa prescription doit tenir compte des contre-indications reconnues (hypersensibilité à l'un des composants du dispositif, infection pelvienne en cours ou récente, salpingite récidivante...). Depuis décembre 2004, la contraception par DIU n'est plus contre-indiquée pour les nullipares (Anaes).

Toutefois, la taille du Mirena®, contrairement à d'autres DIU(5), peut rendre son implantation difficile chez les nullipares de moins de 35 ans et ses effets sur les règles (elles disparaissent au bout de quelques semaines ou mois d'utilisation) peuvent gêner certaines femmes. De même, des effets indésirables transitoires peuvent être observés (poussée d'acné, humeur dépressive, sensation de "gonflement" diffus, céphalées, douleurs abdominales basses, tension mammaire, nausées...) dont il convient d'informer préalablement les femmes avant qu'elles ne se déterminent pour ce type de DIU.

- La contraception locale

-> Le préservatif masculin

Seule véritable protection contre les infections sexuellement transmissibles, le préservatif, combiné à une contraception orale, est plus que jamais conseillé lors de partenaires multiples ou de relations non stables. Quelques conseils :

- ne pas déchirer l'étui avec ses dents ou un objet tranchant ;

- ne pas mettre le préservatif au cours du rapport ;

- maintenir la base du préservatif sur la verge au moment du retrait qui doit suivre immédiatement l'éjaculation.

-> Les méthodes locales féminines

Ces méthodes sont disponibles pour les femmes qui ont une sexualité irrégulière ne justifiant pas une contraception permanente. Là encore, il est important de respecter leur choix, tout en précisant que ces méthodes sont moins efficaces (entre 70 et 95 % d'efficacité selon les cas), et qu'à l'exception du préservatif féminin, elles ne protègent pas des IST et ne sont pas remboursées. En outre, ces méthodes contraceptives ne peuvent être conseillées qu'à des femmes très à l'aise avec leur corps et capables de positionner et d'extraire elles-mêmes le dispositif du vagin.

-> La contraception chirurgicale

Lorsqu'une grossesse est formellement déconseillée ou exclue par la femme ou le couple, la contraception chirurgicale (ligature des trompes chez la femme, vasectomie chez l'homme) constitue une méthode de contraception quasi-définitive. « Ces méthodes, techniquement réversibles, doivent être considérées comme des solutions définitives, commente le Dr Gaudu, car la reperméabilisation est un geste délicat qui ne se justifie pas si l'indication initiale a été bien posée. » La chirurgie contraceptive doit donc faire l'objet d'une information préalable du couple. Chez la femme, elle peut être réalisée sous anesthésie générale, en sectionnant les trompes, en les nouant avec un anneau, en les shuntant avec un clip, ou encore par le procédé intra-tubaire EssureTM. Chez l'homme, les déférents sont ligaturés ou coupés sous anesthésie générale ou anesthésie locale selon les chirurgiens.

-> Les méthodes naturelles

Il s'agit d'avantage de méthodes d'espacement des naissances que de méthodes contraceptives proprement dites. Peu fiables, elles reposent sur une parfaite connaissance de son corps pour les femmes (méthodes Ogino, des températures, Billings)(6) et une parfaite maîtrise de soi pour les hommes (retrait ou coït interrompu). Chez la femme, elles consistent à s'abstenir de tout rapport non protégé durant la période de fécondation, c'est-à-dire cinq jours avant et cinq jours après la date de l'ovulation. Cette date peut être déterminée par l'élévation de la température corporelle (> 37°) ou l'apparition de la glaire cervicale (méthode Billings)(7). Toutefois, aucune femme n'est à l'abri d'une ovulation inopinée ; il est donc important que ces méthodes soient utilisées par des femmes pour lesquelles la survenue d'une grossesse inattendue (fréquente dans 17 à 25 % des cas selon la méthode) ne risque pas de constituer un drame.

LA CONTRACEPTION D'URGENCE

La contraception d'urgence a pour but de retarder l'ovulation ou d'empêcher l'implantation de l'oeuf fécondé dans l'utérus. Elle peut être utilisée à la suite d'un rapport non protégé, d'un "accident" de contraception, voire d'un rapport non désiré ou sous la contrainte.

-> La pilule du lendemain

Elle se résume actuellement au Norlevo®, progestatif pur comprenant un comprimé en une seule prise qui doit être réalisée le plus vite possible et au plus tard dans les 72 heures qui suivent le rapport non protégé et le deuxième, 12 heures après. Associée à aucune contre-indication et à peu d'effets secondaires, cette contraception d'urgence présente l'avantage d'être gratuite pour les mineurs, en vente libre en pharmacie et d'être remboursée sur prescription. Dans tous les cas, son utilisation impose de protéger tous les rapports (ou de s'abstenir) jusqu'aux prochaines règles. Celles-ci sont parfois précédées de petits saignements. En cas de retard de règles de plus de cinq jours, un test de grossesse doit être réalisé car cette contraception n'est efficace que dans 75 à 80 % des cas.

-> Le stérilet

La pose d'un stérilet peut avoir un effet contraceptif d'urgence en empêchant l'implantation de l'oeuf dans l'utérus. Outre son efficacité, un stérilet posé dans un contexte d'urgence peut rester en place et servir de contraception permanente ou être retiré après les règles suivantes. Cette contraception est accessible à la plupart des femmes, y compris lorsqu'elles n'ont jamais eu d'enfants.

Relevant de l'intime mais aussi d'un choix éclairé, la contraception doit faire l'objet d'une information libérée du carcan de préjugés et de non-dits qui l'entoure encore souvent. La proximité d'intervention des infirmiers leur confère une place de choix pour éclairer les femmes et relayer les informations, les conseils et les bonnes pratiques dont elles ont besoin pour prendre en main leur contraception, éviter les conduite à risques et vivre pleinement leur sexualité.

(1) Source Ined, Populations et Sociétés n°407, décembre 2004, « Pourquoi le nombre d'avortements n'a-t-il pas baissé depuis 30 ans ? », http://www.ined.fr

(2) « Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme », recommandations professionnelles, Anaes-Afssaps-Inpes, décembre 2004, http://www.has-sante.fr/portail/ display.jsp?id=c_272385

(3) L'action antigonadotrope de Cérazette® est de 97 %.

(4) Le rapport efficacité/risque pour l'enfant leur est favorable car il faudrait deux ans pour qu'un enfant nourri au sein absorbe l'équivalent d'un seul comprimé.

(5) Il existe des DIU commercialisés en deux tailles dont la version "short" est prévue pour les femmes nullipares. Le Sertalia® bénéficie d'une AMM autorisant son utilisation chez toutes les femmes, qu'elles aient ou non des enfants.

(6) Toutes ses méthodes sont détaillées et expliquées dans l'ouvrage du Dr Martin Winckler : Contraceptions Mode d'emploi, Éd. Diable Vauvert.

(7) Plus la glaire est importante, filante et translucide, plus on est proche de l'ovulation.

Les contre-indications aux contraceptifs estroprogestatifs oraux

Contre-indications absolues

- Accidents ou antécédents thromboemboliques artériels (infarctus, AVC...) ou veineux (phlébite, embolie pulmonaire)

- HTA : + de 160/95 mm de mercure à plusieurs reprises

- Coronaropathies, valvulopathies, troubles du rythme thrombogènes

- Pathologie oculaire d'origine vasculaire

- Diabète compliqué

- Tumeur maligne du sein ou de l'utérus

- Affections hépatiques sévères ou récentes

- Tumeurs hypophysaires

- Hémorragies génitales non diagnostiquées

- Porphyries

- Tabagisme : + de 40 cigarettes/jours ou entre 20 et 40 après 35 ans

- Alitement permanent

- Migraines avec aura neurologique

Contre-indications relatives

- Tabagisme à partir de 35 ans(1)

- Diabète non compliqué

- Surpoids avec IMC > 30 kg/m2, hyperlipidémie

- Tumeur bénigne du sein(2), dystrophie utérine

- Insuffisance rénale

- Cholestase récurrente ou prurit récidivant lors d'une grossesse antérieure

- Herpès gestationis (dermatose éruptive auto-immune)

- Allaitement

- Association avec les inducteurs enzymatiques

- Tension régulièrement élevée : entre 140 et 159 de maxima et entre 90 et 99 de minima

- Varices très étendues

(1) Le tabac fragilise les vaisseaux et les tissus et augmente le risque de troubles de la coagulation, surtout après 35 ans.

(2) Il est conseillé aux femmes de plus de 35 ans ayant des facteurs de risque de cancer du sein (premières règles précoces, premier enfant tard, antécédents familiaux en ligne directe, affections bénignes du sein), de choisir une autre méthode de contraception : pilule progestative, DIU, ou implant progestatif. Aussi efficaces, ces méthodes présentent l'intérêt de n'avoir aucune influence péjorative sur le sein.

Contraception estroprogestative et médicaments : des interactions croisées

- Médicaments dont l'activité et/ou la toxicité peuvent être augmentées par les CEPO : ciclosporine, flunarizine.

- Médicaments dont l'activité et/ou la toxicité peuvent être diminuées par les progestatifs à effet diabétogène : insuline, metformine, sulfamides hypoglycémiants.

- Médicaments pouvant diminuer l'efficacité des CEPO :

inducteurs enzymatiques (ils accélèrent la destruction des hormones de la pilule par les enzymes du foie), certains anti-épileptiques ; certains antituberculeux, antifungiques, certains anti-ulcéreux (Lanzor®, Ogast®), certains antirétroviraux, le millepertuis, psychostimulants (Modiodal®).

La contraception progestative en détail

- Les progestatifs microdosés en administration continue

Ils imposent une prise quotidienne toute l'année sans interruption, à la même heure, y compris pendant les règles, car tout retard supérieur à trois heures (douze heures pour Cérazette®) entraîne un risque de grossesse. Dans ce cas, il est impératif d'utiliser un moyen contraceptif d'appoint (préservatif, éponge spermicide...) pendant les sept jours qui suivent. Outre une observance rigoureuse, ce type de pilule présente aussi l'inconvénient de perturber le cycle menstruel d'environ 50 % des utilisatrices par un "spotting" ou une aménorrhée plus ou moins bien vécus. Il est déconseillé aux femmes à risque de kystes fonctionnels bénins de l'ovaire. À l'exception de Microval®, ces pilules ne sont pas remboursées.

- Les progestatifs normodosés en administration discontinue

Exception faite de Primolut-Nor® et d'Orgamétril®, ils n'ont pas d'AMM en contraception. Il s'agit de médicaments fortement dosés en progestatif (10 mg/24 h en moyenne) dont l'effet contraceptif n'opère qu'à la condition qu'ils soient prescrits vingt jours à partir du 5e jour des règles avec un arrêt de huit jours entre chaque cycle.