Aux bons offices de l'officine - L'Infirmière Libérale Magazine n° 236 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 236 du 01/04/2008

 

Sophie Pommier, pharmacienne à Moulins-Engilbert (Nièvre)

La vie des autres

Entre le contrôle des médicaments prescrits, le conseil, l'aide à l'observance du traitement, la livraison à domicile de matériel médical et la participation à des réseaux de santé, la pharmacienne Sophie Pommier pratique un accompagnement élargi du patient.

Neuf heures, à l'officine de Sophie Pommier, 47 ans, dans la Nièvre : sonnerie du téléphone. Après quelques instants d'écoute, la pharmacienne argumente : « Il faut que votre médecin préféré monte vous voir... C'est un acte de généraliste, ça. » Il s'agit d'une dame âgée victime d'une descente d'organes. Elle semble anéantie, et souffre depuis déjà longtemps. « Elle est gênée de faire venir son médecin pour un acte aussi intime, commente Sophie Pommier. Pourtant, elle n'a pas à aller courir à l'hôpital pour ça. » Et de constater : « Pour les clients, nous sommes leur premier conseil gratuit ! »

Un rôle pivot

Vérifier, conseiller, orienter, jouer le rôle du pivot : cette pharmacienne ne se limite pas à la vente de médicaments, « à condition que les clients souhaitent communiquer ». Il est vrai que les pharmaciens n'osent pas toujours intervenir, car les frontières sont parfois ténues entre l'aide, l'alerte et l'ingérence... En cas de doute ou de possible oubli, Sophie Pommier téléphone au médecin prescripteur. « Tout à l'heure, je vais appeler une secrétaire médicale, pour m'assurer que la personne âgée a bien contacté le cabinet. Car son coup de fil ressemblait à un appel au secours. »

Sur le canton rural de Moulins-Engilbert (5 000 habitants) où elle exerce, les professionnels de santé ont pris l'habitude de travailler ensemble. Ils ont notamment monté, dès 1999, une association de professionnels de santé.

Depuis janvier, médecins, infirmiers, kinésithérapeutes et dentistes ont aussi créé une maison médicale pluridisciplinaire. « Ici, on a conscience que si on ne met pas en commun nos moyens et nos objectifs, on n'arrivera à rien », constate Sophie Pommier, également présidente du réseau de santé du pays Nivernais-Morvan, qui couvrent neuf cantons. Dans cette maison médicale, une salle de réunion est prévue pour des formations communes. « L'autre jour, nous avons discuté pansements, plaies, escarres, raconte-t-elle. Les infirmières nous ont expliqué que, pour une même plaie, le mécanisme de cicatrisation varie d'un individu à l'autre. C'est la manière dont vont réagir les malades qui les guident. J'en ai conclu que le pharmacien doit rester très prudent en matière de substitution de pansement. »

Le décret de prescription

Prochainement, Sophie Pommier aimerait faire venir des spécialistes pour parler du décret sur la prescription des infirmières. Un an après la parution du texte, elle avoue son ignorance en la matière : « Je ne sais pas si les infirmières sont rémunérées pour cet acte et j'ai du mal à évaluer si leur pouvoir de prescription est trop limité ou au contraire trop ouvert. » Et pour cause : dans son entourage, les infirmières n'ont encore jamais utilisé cet outil. « Il me semble que cela sous-tend une véritable révolution culturelle », remarque-t-elle.

Améliorer la coordination

Il arrive également à Sophie Pommier d'aller livrer des médicaments à domicile, quand aucune autre solution - dont celle du recours au voisinage ! - n'est possible. Elle en profite aussi pour ranger des armoires à pharmacie, ce qui lui permet d'éliminer les médicaments périmés, de contrôler l'observance d'un traitement. « J'alerte parfois le médecin traitant », poursuit-elle.

Pour améliorer la coordination avec les professionnels de santé, Sophie Pommier fonctionne également en relais avec le collège nivernais de gériatrie, les réseaux Émeraude 58 pour les soins palliatifs ainsi qu'avec Résédia, pour la surveillance du diabète. « Par exemple, j'informe les malades que, dans le cadre du réseau, certains actes sont pris en charge de manière dérogatoire, comme la surveillance du pied diabétique. » Elle apprend aussi aux malades, avec les infirmières, à se servir d'un appareil d'autosurveillance glycémique.

Enfin, la pharmacienne rentre régulièrement en contact avec les hôpitaux locaux. « Il arrive que les secrétaires ou les infirmières me téléphonent ou m'envoient un fax pour m'avertir de ce qui sera nécessaire à un malade dès sa sortie d'hôpital », observe Sophie Pommier. Une communication qui permet « d'aller tous ensemble dans le sens des besoins du malade », souligne-t-elle. Elle déplore que les échanges entre infirmières et pharmaciens fassent parfois défaut, surtout en ville. « Certaines infirmières polarisent leur attention sur le seul médecin, sans percevoir que le pharmacien peut également être un partenaire de soins autour du malade », conclut-elle.

Elle dit de vous !

« Des infirmières libérales passent quotidiennement à ma pharmacie, pour des envois de prélèvements sanguins à un laboratoire. Du coup, ça crée du contact humain. Du point de vue professionnel, cela permet d'échanger sur des questions de pansement, de plaies qui ne veulent pas guérir, de nous transmettre des informations sur l'évolution d'un malade à domicile. Le pharmacien vend un produit à un client vêtu d'un manteau et d'un sac à main. L'infirmière, elle, en a forcément une vision plus intime. Du coup, nos échanges de vues sont complémentaires, mais il leur arrive aussi parfois d'être contradictoires ! Je regrette que les pharmaciens ne s'intéressent pas assez à leur environnement. Par exemple, ils ne savent souvent pas comment fonctionne un Ssiad, comment sont payées les infirmières... En bref, ils sont trop axés sur leurs comptoirs sans esprit de dimension d'équipe médicale. Pourtant, quand les individus ont envie de travailler ensemble, on arrive à de belles choses. »

NOUVELLES COMPÉTENCES

Le Livre blanc fait la promo du pharmacien

Commandé par l'Ordre national des pharmaciens, le Livre blanc*, publié en février, montre que ce professionnel n'est pas un simple agent de distribution. Il délivre aujourd'hui des médicaments sophistiqués sortis de la réserve hospitalière : son rôle de conseil dans la prise de ses produits revêt une importance considérable. C'est un service que rendent aujourd'hui gratuitement les pharmaciens, mais que certains voudraient voir rémunérer... L'accent a aussi été mis sur l'importance que prendra à l'avenir "le dossier pharmaceutique du patient". Expérimenté aujourd'hui dans quelques départements, ce document en ligne permet à tous les pharmaciens d'avoir accès aux achats d'une même personne, de manière à éviter des interactions médicamenteuses négatives pouvant résulter du cumul de plusieurs prescriptions différentes.

* Consultable sur http://www.ordre.pharmacien.fr