COMMENT ACCOMPAGNER LE PATIENT ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 236 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 236 du 01/04/2008

 

Médicaments en accès libre.

Le débat

Le libre accès en pharmacie aux médicaments dits "de prescription médicale facultative" sera bientôt effectif. Une liste de 226 produits est annoncée. À la crainte de voir se multiplier les risques d'accidents iatrogènes s'oppose la volonté de responsabiliser le patient, avec l'aide des professionnels de santé.

Que pensez-vous de ce texte ?

Magali Flachaire : Nous y sommes évidemment favorables. Aujourd'hui, personne n'échappe à l'automédication. Les infirmières le constatent tous les jours au domicile des patients. Selon les sondages, 70 % à 90 % des personnes y ont recours. Ce nouveau texte vient donc rendre cette pratique plus visible et plus légitime. C'est une mesure phare, symbole, qui donne sa juste place à l'automédication.

Quels avantages éventuels pour le patient ?

Il aura la possibilité de voir l'ensemble de l'offre, de sélectionner en fonction du prix et des formules clairement affichés. De plus, cela générera nécessairement un dialogue avec le pharmacien, car le patient recherchera un conseil pour l'orienter dans son choix. Ce qui n'était pas toujours le cas auparavant.

N'y a-t-il pas un risque renforcé d'accidents iatrogènes ?

Au contraire. L'avantage de ce texte, c'est qu'il permet une automédication guidée - par le pharmacien derrière son comptoir donc, ou par les autres professionnels de santé - plutôt que chuchotée à l'oreille. Cela impliquera une meilleure connaissance de ces produits, désormais délivrés à tous de façon lisible et transparente. De plus, les médicaments d'automédication seront inscrits dans le dossier pharmaceutique, ce qui permettra une traçabilité de leur consommation par le patient.

Quel rôle pour les professionnels de santé ?

Les professionnels de santé doivent les épauler dans cette autorisation. Concernant les pharmaciens, cela officialise l'officine comme l'une des portes d'entrée du parcours de soin. Le médecin n'est plus l'unique guichet. De leur côté, les infirmières devront elles aussi renforcer leur rôle de conseil et s'approprier une part de la médication officinale.

Êtes-vous favorable à la vente de médicaments hors officines, comme en grande surface ?

Non, je pense que la délivrance de médicaments doit être encadrée par les professionnels de santé.

Que pensez-vous de ce texte ?

Marie-Christine Pérault-Pochat. J'y étais au départ très défavorable. Ma plus grande crainte est de voir se banaliser ces produits. Quelques années auparavant, nous avions déjà été choqués du fait qu'un AINS pouvait être délivré sans ordonnance. Dans l'esprit de nombreux patients, ce n'est pas un médicament ! Le voilà maintenant en accès libre... Cela dit, il s'agit d'une décision politique, qu'il convient d'accompagner au mieux.

Quels avantages éventuels pour le patient ?

Ce texte va dans le sens d'une plus grande place du patient dans le système de soins. Nous-mêmes, dans les centres de pharmacovigilance, discutons de plus en plus souvent directement avec eux, alors qu'auparavant nous avions principalement affaire aux personnels de santé.

Quel rôle pour les professionnels de santé ?

Le pharmacien d'officine aura un rôle capital. C'est l'occasion pour lui d'investir pleinement sa mission de conseil auprès du patient. Mais tous les professionnels de santé devront fournir un effort accru de détection des événements indésirables, afin que ceux-ci ne soient pas traités par la prise d'un nouveau médicament, mais à la source. Les infirmières libérales, qui se rendent chez les patients, sont aux premières loges. Je les encourage également à toiletter la pharmacie familiale et à éduquer les patients dans ce sens !

Les infirmières vous signalent-elles souvent des événements indésirables ?

Dans notre centre de pharmacovigilance [à Poitiers, ndlr], les déclarations d'événements indésirables venant des infirmières ne représentent que 1 à 2 % de l'ensemble des déclarations. Or je rappelle que c'est une obligation légale pour tous les professionnels de santé, y compris les infirmières. Pour ce faire, elles doivent s'adresser à leur centre régional de pharmacovigilance (les adresses figurent sur http://www.centres-pharmacovigilance.net) et remplir une fiche de déclaration. Si le temps manque, un message sur Internet ou un simple coup de fil d'alerte suffit. Il faut juste mentionner le déclarant, le nom du patient, l'effet indésirable et le nom du médicament incriminé. Nous entrons ensuite en contact avec le médecin ou le patient directement.

Magali Flachaire

Docteur en pharmacie

Déléguée générale de l'Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa)

Pr Marie-Christine Pérault-Pochat

Présidente de l'Association des centres régionaux de pharmacovigilance