Connaître les contre-indications - L'Infirmière Libérale Magazine n° 236 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 236 du 01/04/2008

 

Cahier de formation

savoir faire

Madame Gisèle A., sous AVK depuis dix ans, ne sort plus beaucoup de chez elle depuis qu'elle s'est cassé le col du fémur. En ce moment, une infirmière, Sophie, vient tous les jours pour la toilette. Comme Sophie doit aller à la pharmacie juste en face pour chercher une commande de pansements hydrocolloïdes, madame A. lui demande d'acheter un tube de Sedaspir® pour ses maux de tête. Face à ce vieux médicament qu'elle n'a jamais eu entre les mains, Sophie lit les indications et la composition : aspirine 500 mg. Il faut bien sûr interdire à madame A. la prise de Sedaspir® et d'aspirine sous toutes ses formes. Lui réexpliquer qu'elle ne peut prendre que du paracétamol (Doliprane®, Dafalgan®, ou Efferalgan®...)en cas de douleurs ou de maux de tête.

LES MÉDICAMENTS CONTRE-INDIQUÉS

• L'aspirine

L'aspirine à forte dose (> ou = 500 mg/prise) augmente le risque hémorragique, (notamment hémorragie digestive, puisqu'elle est également agressive pour la muqueuse gastro-duodénale) et est contre-indiquée. Seules les posologies anti-agrégantes plaquettaires (75 à 300 mg/j) peuvent éventuellement être prescrites sous réserve de contrôler le temps de saignement.

• Le Daktarin® (miconazole)

Daktarin® est un antimycosique prescrit en comprimé ou en gel (présentation en tube), pour les candidoses orales ou digestives. Il a pour effet secondaire d'inhiber la dégradation des AVK et d'augmenter la fraction libre dans le sang. Conséquence : risque hémorragique très élevé en cas d'association aux AVK.

• Le millepertuis

Cette plante a des vertus antidépressives légères, reconnues par l'Afssaps. Elle ne nécessite pas d'ordonnance et les patients la considèrent comme « une plante qui aide à remonter le moral ». Elle provoque de nombreuses interactions médicamenteuses. En particulier, elle accélère la dégradation enzymatique des AVK. Pour la même dose d'AVK, l'effet anticoagulant est diminué de moitié, et le patient risque une récidive de thrombose.

LES AINS

Ils sont déconseillés mais peuvent être prescrits par le médecin si nécessaire, à condition de surveiller l'INR tous les trois jours. En général, un protecteur gastrique type Oméprazole® est prescrit en complément. Le Butazolidine®, un AINS parfois prescrit en cas de spondylarthrite ankylosante, est contre-indiqué, même sur prescription.

LES AUTRES INTERACTIONS

De très nombreux autres médicaments (plus de 39 sont recensés dans le Vidal !) interagissent avec les AVK et modifient l'INR, en particulier les antibiotiques, les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, comme Prozac® ou Deroxat®, la vitamine E, ou des compléments alimentaires comme les oméga-3...

• Automédication

Elle est à proscrire. Attention en particulier à l'aspirine cachée sous divers noms (Céphyl®, Alka-Seltzer®...) et à l'ibuprofène, très largement répandu (Nurofen®, Brufen®, Upfen®, Advil®...). À savoir : l'antalgique de choix chez les patients sous AVK est le paracétamol.

• Médicaments sur prescription

La règle d'or est de contrôler l'INR trois jours après chaque introduction d'un nouveau médicament (ou arrêt d'un médicament).

LES INJECTIONS INTRA-MUSCULAIRES

Les injections intra-musculaires sont contre-indiquées chez les patients sous anticoagulant oral car elles risquent de provoquer des hématomes. Seules les injections IV, SC ou intradermiques sont possibles.

CE QUE SAVENT LES PATIENTS

20 % des patients ne savent pas que l'aspirine à la dose de 500 mg est contre-indiquée et 55 % ne savent pas que les AINS sont déconseillés.

Le point de vue de...

« Le carnet de suivi est un outil essentiel »

Sophie Mimoun, pharmacienne à Athis-Mons (91)

Quel est l'intérêt du carnet de suivi des AVK ? Le carnet de suivi des AVK est d'abord un support d'éducation des patients. Une première partie rappelle les règles de bon usage des AVK. Une deuxième partie est à remplir au fur et à mesure du traitement. Le but est de limiter les effets indésirables et le risque iatrogène liés à ces traitements. Il faut dans l'idéal le présenter systématiquement à tout professionnel de santé (médecin, pharmacien infirmière...) afin de signaler la prise d'AVK.

Qui le remplit ? Le carnet de suivi des AVK est principalement rempli par le patient lui-même, mais certains professionnels de santé (médecin traitant, IDE, pharmacien, biologiste) peuvent y noter certains incidents ou traitements intercurrents.

Que doit-on y noter ? Le patient (avec l'aide éventuelle d'un professionnel de santé) note au fur et à mesure dans ce carnet le résultat de ses INR, les dates auxquelles ils ont été réalisés, la posologie de l'AVK, ainsi que tout événement susceptible de modifier l'équilibre du traitement : oubli de prise de l'AVK, changement de posologie de l'AVK ou d'un autre des traitements du patient, introduction d'un nouveau traitement (au long cours ou ponctuel), suppression d'un traitement, saignement inhabituel mineur (à signaler au médecin, à l'IDE ou au pharmacien afin de faire suivre l'INR), pathologie aiguë, voyage.

Où peut-on se le procurer ? Ce carnet est remis au patient par son médecin (généraliste, cardiologue), son pharmacien ou son laboratoire d'analyses de biologie médicale. S'il n'en a pas ou l'a perdu, le patient peut en demander un nouveau à son médecin ou à son pharmacien.