Le sevrage tabagique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 236 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 236 du 01/04/2008

 

Cahier de formation

le point sur

Si les médicaments luttent contre le manque de nicotine, le sevrage tabagique s'appuie aussi sur l'accompagnement des candidats motivés. Un rôle que doivent jouer tous les professionnels de santé de "proximité".

Pourquoi arrêter de fumer ?

En France, le tabac est la première cause de mortalité évitable avec environ 66 000 décès annuels, dont 7 000 femmes. Un chiffre qui devrait plus que doubler en 2020 (multiplié par 7 chez les femmes) si le tabagisme poursuit son niveau actuel.

Le fumeur et son entourage s'exposent à un risque accru de maladies mortelles : cancers, maladies cardio et cérébro-vasculaires, broncho-pneumopathies... Quelles que soient la durée et la consommation tabagique, ces risques sont partiellement réversibles à l'arrêt : l'espérance de vie d'un ex-fumeur redevient identique à celle d'un non-fumeur en dix à quinze ans d'abstinence.

Pourquoi est-ce si difficile ?

Deux tiers des fumeurs déclarent vouloir arrêter. En pratique, ils se heurtent à une dépendance multiple.

-> Physique : essentiellement due à la nicotine et responsable du syndrome de manque à l'arrêt (pulsions fortes à fumer, irritabilité, insomnies, troubles de la concentration et constipation).

-> Psychologique : c'est le besoin de retrouver le plaisir et la détente procurée par le tabac.

-> Environnementale : quand le tabagisme est associé à des lieux, des circonstances, (pause café au travail, soirées entre amis...).

Vers qui se tourner ?

- Le médecin généraliste,

- le pharmacien,

- un tabacologue, surtout si la dépendance est forte ou si les addictions sont multiples (alcool, drogues...),

- la ligne téléphonique "Tabac Info Service", qui offre un soutien par des tabacologues : 0 825 309 310 (0,15 euro par minute).

Quelles sont les méthodes ?

Aucun fumeur n'a la même relation au tabac, il n'y a donc pas de méthode universelle. Les aides au sevrage, qui prennent en comptent les différentes dépendances, multiplient par trois le taux de réussite (à condition que le fumeur soit motivé !).

En France, les méthodes évaluées et recommandées sont les substituts nicotiniques et le bupropion contre le manque de nicotine et le soutien psychologique.

• Les médicaments "du manque"

->Les substituts nicotiniques : ils diffusent lentement la nicotine par voie veineuse via la peau ou la muqueuse buccale, contrairement aux pics procurés par la cigarette où la nicotine arrive au cerveau en quelques secondes. Les différentes formes (gomme à mâcher, comprimé à sucer ou sublingual, inhaleur et patch) sont également efficaces, d'autant plus si elles sont poursuivies plusieurs mois à doses lentement dégressives.

-> Le bupropion (Zyban LP®) : utilisé dans d'autres pays comme antidépresseur, il agit au niveau cérébral pour supprimer les symptômes du manque. La date d'arrêt du tabac doit être fixée au cours de la deuxième semaine de traitement.

->La varénicline (Champix®) : elle agit en bloquant des récepteurs cérébraux à la nicotine. Le fumeur n'éprouve plus de plaisir, voire un dégoût du tabac. Son administration doit débuter 1 à 2 semaines avant la date prévue de l'arrêt. Le manque de recul, et sa récente mise en cause dans l'apparition de troubles suicidaires, ne permettent pas pour l'instant de trancher sur sa place dans les stratégies de sevrage.

• Le soutien psychologique

Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont des prises en charge, individuelles ou de groupe, qui aident à modifier sa relation au tabac : ne pas "craquer", rompre avec certaines habitudes, gérer son stress...

• Les méthodes "douces"

L'acupuncture, l'homéopathie, la mésothérapie, l'hypnose, la relaxation ou la sophrologie n'ont pas fait preuve de leur efficacité mais sont une aide appréciée par certains fumeurs.

Quel rôle pour l'infirmière ?

• Motiver

« Fumez-vous ? », « Aimeriez-vous arrêter ? » : ces deux questions peuvent être posées au décours d'un soin : destinées à repérer les fumeurs, elles ouvrent le dialogue et peuvent déboucher vers un entretien de motivation (raisons d'arrêter, méthodes existantes, orientation vers une consultation...).

• Repérer les erreurs de dosage

Si un patient sous substitut nicotinique se plaint de diarrhées, palpitations, et d'avoir la bouche pâteuse, il est sans doute en surdosage. Des troubles de l'humeur, une irritabilité, une anxiété et des envies irrépressibles de fumer sont les signes d'un sous-dosage. Dans les deux cas, il faut consulter à nouveau.

• Déculpabiliser

Les rechutes sont fréquentes et ne doivent pas décourager.

• Accompagner

->Les envies fortes : elles ne durent que quelques minutes, alors boire un grand verre d'eau, s'occuper les mains, changer de pièce, éviter les situations à risque.

->La prise de poids : faire un vrai petit-déjeuner, boire abondamment, manger un fruit en cas de fringales et bouger. Mais ne pas faire de régime draconien, ce serait beaucoup à la fois !

->Les troubles de l'humeur : faire du sport, se relaxer. Si des idées dépressives s'installent, consulter le médecin.

->Les troubles du sommeil : se coucher dès l'arrivée du sommeil, dîner léger, limiter le café, pas de sieste en journée.

Questions de patients

Je risque moins si je fume moins ?

Non, d'après les études, une simple réduction du nombre de cigarettes ne diminuerait en rien le risque de pathologies liées au tabac.

Depuis que j'ai arrêté de fumer, je tousse et j'ai mal à la gorge !

C'est normal et c'est même bon signe ! Les cils vibratiles et cellules de la gorge et des bronches se remettent à travailler et évacuent tous les déchets de l'arbre respiratoire.

Et si je devenais dépendant aux substituts ?

C'est très rare, seuls quelques cas sont connus avec les comprimés sublinguaux et les gommes à mâcher, mais c'est toujours moins nocif que le tabac !

Les substituts nicotiniques

->Les gommes : les mâcher une première fois, les placer entre la gencive et la joue quelques minutes puis alterner mastications et temps de pause pendant trente minutes, en gardant la salive en bouche au maximum.

->Les pastilles sublinguales ou à sucer : les laisser sous la langue ou les sucer jusqu'à dissolution complète.

->L'inhaleur : s'utilise comme une cigarette de 20 à 80 minutes en fonction du rythme des aspirations.

->Les patchs : les coller sur la peau sèche, propre et sans poil (tronc, bras, par exemple), en changeant chaque jour de site d'application. Éviter le contact avec les yeux et le nez et se laver les mains après application.