Les débuts laborieux de l'ordre infirmier - L'Infirmière Libérale Magazine n° 236 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 236 du 01/04/2008

 

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ÉLECTIONS > Manque de communication, informations incomplètes, candidats peu mobilisés, syndicats remontés... La confusion règne. Avant même le début du scrutin, l'ordre peine à se mettre en mouvement et suscite encore des débats.

Retard à l'allumage ou déroute annoncée ? Le dépôt des candidatures pour les élections départementales de l'ordre infirmier, closes depuis le 10 mars, n'a pas été un franc succès. Les Ddass peinent à recruter. À Paris, où le nombre de professionnelles inscrites au fichier Adeli est le plus grand, la Ddass enregistrait le jour de la clôture du vote 32 candidatures pour 28 postes à pourvoir dans le collège du public (dont la moitié de suppléants). Des résultats mitigés que tempère Jean-Jacques Scharff, porte parole du groupe Sainte-Anne : « C'est déjà bien, compte tenu des rumeurs lancées par les syndicats », estime-t-il. Il y aurait selon lui 3 348 candidats en tout sur la France.

Des candidats in extremis

Quelques jours avant la date limite, notre site (espace infirmier.com) tirait la sonnette d'alarme en annonçant les premiers chiffres des candidatures, communiqués par les Ddass. La mobilisation des derniers jours a permis aux organisateurs d'éviter le pire. Par exemple, la Guadeloupe, qui ne disposait d'aucune candidature quelques jours avant le scrutin, a trouvé in extremis assez de candidats pour deux de ses trois collèges.

Côté logistique, l'organisation a aussi connu quelques ratés. « Il y a très clairement eu un problème de communication, déplore Thierry Amouroux, candidat à Paris et président du SNPI-CGC. Pas de campagne nationale, pas d'affiche du ministère... Fin février, en pleines vacances scolaires, les infirmières ont reçu un courrier à l'hôpital pour leur dire de se présenter avant le 10 mars ! »

En outre-mer, la situation est difficile : après avoir transmis les candidatures au ministère de la Santé, la Ddass de la Guadeloupe reçoit du courrier provenant de Marie- Galante et d'autres îles de l'archipel. Envoyées dans les temps mais parvenues trop tard, ces candidatures seront-elles validées ? Quid des candidats qui ont oublié de mentionner leur ville, ou leur date de naissance ? Peu d'entre eux ont rédigé une profession de foi. Comment se feront-ils connaître ?

Manque de clarté

Les informations, parcellaires et contradictoires, n'ont pas non plus simplifié la donne. Jusqu'aux derniers jours, plusieurs candidats, parmi lesquels certains avaient accompagné la création de l'ordre, restaient persuadés que seuls les candidats élus aux élections départementales pourraient ensuite se présenter aux conseils régionaux, puis au conseil national. Il a fallu que la DHOS se repenche sur le texte d'origine, elliptique sur la question, pour écarter toute interprétation restrictive : pour se présenter, nul besoin d'être déjà élu à un échelon inférieur.

Les syndicats montent au créneau

En l'absence d'information claire et accessible, des rumeurs de toutes sortes ont aussi contribué à diaboliser l'ordre infirmier. « Instance directement issue de l'UMP », « racket organisé »... les détracteurs n'ont pas fait dans la demi-mesure. Certains s'en sont pris à la figure de Jean-Luc Préel, le député (NC) de Vendée à l'origine de la proposition de loi. L'objectif : ringardiser l'ordre , en rappelant les positions conservatrices du député sur la contraception, l'avortement, le Pacs...

À l'AP-HP, un tract signé par la CFDT, la CGT, FO et Sud prête à la future instance des arrière-pensées réactionnaires : « Les ordres professionnels sont souvent critiqués sur leur dispositif de fonctionnement et les valeurs morales qu'ils portent - notamment leur opposition à la contraception et l'IVG. » « Les syndicats ont tort, estime Michelle Bressand, candidate aux élections départementales de l'ordre infirmier et coordinatrice générale des soins à l'AP-HP. Il y a déjà tant de problèmes à traiter ! Ils devraient se concentrer sur les revendications salariales. Je ne suis pas contre les syndicats, je suis d'ailleurs adhérente à l'un d'entre eux. Mais ils devraient être plus modestes : lors des élections professionnelles, la participation était tellement faible pour les collèges infirmiers qu'il a fallu un deuxième tour pour valider le scrutin... »

Bientôt la grève ?

Plus inquiétant : la situation chez les kinésithérapeutes, en fronde contre leur ordre qui leur réclame une cotisation exorbitante. La situation pourrait-elle s'étendre à l'ordre infirmier ? Chez Sud, certains syndicalistes rêvent déjà d'une grève de l'encadrement des stagiaires, au cas où l'ordre interdirait d'exercice ceux qui refuseraient d'adhérer. Si la CFDT a déjà clairement écarté cette idée, l'Unsa envisage déjà un boycott de la cotisation et laisse la porte ouverte à « toutes les modalités d'action » pour faire entendre sa voix.

3 questions à

Christophe Debout, 40 ans, président de l'Anfiide, candidat en Haute-Savoie

À quoi attribuez-vous la faible mobilisation des candidats à l'ordre infirmier ? D'abord, les infirmières n'ont pas une propension facile à s'engager dans des organisations associatives ou syndicales. D'autre part, comme c'est une structure nouvelle que les conseillers élus devront organiser de toute pièce, il est difficile de se représenter la nature et l'importance de l'engagement qui sera demandé aux conseillers élus.

Et du côté de l'organisation ? Nous avons constaté d'énormes difficultés au niveau des Ddass : des infirmiers qui appellent pour avoir un renseignement et qui ne l'obtiennent pas, des candidatures refusées pour des motifs discutables, des documents arrivant en retard...

L'appel au boycott lancé par les syndicats a-t-il aussi pesé ? Certainement, mais c'est un facteur parmi d'autres.

À RETENIR

→ L'élection des conseils départementaux, par voie électronique, aura lieu du 9 avril à minuit au 24 avril à midi.

→ Les dates de dépôt des candidatures aux élections régionales seront communiquées ultérieurement, selon la DHOS.

→ Chacun pourra s'y présenter, et les élus des conseils départementaux voteront.

→ Le montant de la cotisation se situera autour de 20 euros, selon Roselyne Bachelot.

→ Une fois l'ordre opérationnel, les infirmières disposeront d'un délai de trois mois pour s'y inscrire.