LES PATIENTS SOUS AVK - L'Infirmière Libérale Magazine n° 236 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 236 du 01/04/2008

 

Cahier de formation

savoir

Après une "phlébite" ou une embolie pulmonaire, les anticoagulants (AVK) sont indispensables pour éviter les récidives qui peuvent mener au décès. Revers de la médaille : les AVK entraînent un risque d'hémorragie s'ils sont surdosés. 5 000 patients décèdent chaque année des complications hémorragiques dues aux AVK.

LE TRAITEMENT ANTICOAGULANT

• Qu'est-ce qu'un AVK ?

Les antivitamines K (AVK) sont des anticoagulants donnés sous forme de comprimés. Ils rendent le sang plus fluide, donc moins susceptible de former des thrombus qui risquent d'obstruer une veine ou une artère.

Il existe cinq spécialités d'AVK dont deux sont très souvent prescrites : Previscan® (70 % des patients sous AVK sont sous Previscan®) et Sintrom®. Mini-Sintrom®, qui correspond à 1/4 de comprimé de Sintrom®, et Coumadine® 2 mg ou 5 mg sont très peu prescrits en France.

• Dans quels cas prescrit-on des anticoagulants ?

Le but d'un traitement anticoagulant est de s'opposer à la formation ou à l'extension d'un thrombus. Les AVK sont donc principalement prescrits :

->en cas de phlébite (thrombus dans une veine profonde du membre inférieur) ou de risque de phlébite lié à une immobilisation prolongée ou à une suite de chirurgie ;

-> en cas d'embolie pulmonaire (thrombus dans une veine pulmonaire) ou bien de risque d'embolie pulmonaire ;

->dans certains troubles du rythme cardiaque, notamment la fibrillation auriculaire, certaines anomalies ou prothèses des valves cardiaques, car la stase sanguine qu'entraîne le trouble du rythme favorise la formation de thrombus ;

->dans certains infarctus du myocarde.

• Quels sont les anticoagulants dont on dispose ?

Il existe schématiquement deux sortes d'anticoagulants : les héparines et les AVK.

-→Les héparines

La Calciparine® (héparine non fractionnée) et les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) s'administrent par voie sous-cutanée (SC). Leur action est quasi-immédiate et brève.

Les anticoagulants oraux

Les anticoagulants oraux ou antivitamines K (AVK) ont un début d'action différé (un à trois jours) et une action prolongée.

Le choix de l'une ou de l'autre

Toutes les fois où il faut fluidifier le sang rapidement, on a recours aux héparines. En ville, on utilise une HBPM comme Fraxiparine®, Lovenox®, Innohep®... ou de la Calciparine® (en cas d'insuffisance rénale) en injection sous-cutanée une à trois fois par jour.

Parallèlement, s'il est nécessaire de prolonger l'anticoagulation, on met en route un traitement par anticoagulant oral (AVK). Mais attention : on n'arrête l'héparinothérapie que lorsque les contrôles biologiques montrent que l'AVK agit pleinement.

• Comment "marche" un AVK ?

Les AVK agissent au niveau du foie, et non directement au niveau du sang comme les héparines, ce qui explique leur délai d'action d'au minimum 24 heures. Ils empêchent la régénération de la vitamine K, indispensable à la transformation des précurseurs des facteurs de coagulation en facteurs de coagulation. Ils agissent au niveau des facteurs II, VII, IX et X.

Plus précisément, la vitamine K est apportée par l'alimentation et stockée dans le foie et provient aussi de la synthèse intestinale par la flore bactérienne. Elle permet la transformation de certains précurseurs des facteurs de la coagulation, mais cette transformation la rend inactive. Pour la régénérer, elle doit passer par une enzyme, l'époxyde réductase. Les AVK bloquent cette époxyde réductase, ce qui empêche la régénération de la vitamine K. Conséquence : les facteurs de la coagulation restent à l'état de précurseurs. Ils ne peuvent pas agir.

LA SURVEILLANCE DU TRAITEMENT

• Faut-il utiliser l'INR ou le TP ?

Il est obligatoire chez tout patient sous AVK de vérifier la coagulation pour ajuster la dose d'anticoagulant car il existe une grande variabilité de réponse aux AVK entre patients.

Seul l'INR (international normalized ratio) doit être utilisé pour cette surveillance. Beaucoup de patients (et de médecins) parlent encore de TP (taux de prothrombine) pour suivre un traitement anticoagulant. Il faut préférer l'INR, qui est une méthode normalisée de mesure du TP.

INR = temps de Quick du malade / temps de Quick du témoinISI

->ISI étant l'indice de sensibilité international du réactif.

Le temps de Quick est le temps de coagulation du plasma en présence de thromboplastine. Il permet de mesurer les facteurs II, VII et X, sur lesquels agissent les AVK.

• Quelles précautions prendre lors d'un prélèvement pour INR ?

->Il faut identifier le patient, la personne qui prélève, la date et l'heure du prélèvement : le délai de transmission au laboratoire doit être inférieur à deux heures. Utiliser de préférence le deuxième tube pour l'INR en cas de prélèvements multiples.

->Il est conseillé de toujours faire mesurer l'INR dans le même laboratoire. Les laboratoires engagés dans une démarche qualité proposent généralement aux Idel des fiches de recueil standard de ces éléments. Les renseignements nécessaires au suivi du traitement devraient être notés sur l'ordonnance ou la fiche de transmission : le nom de l'AVK, le dosage et la posologie exacte, l'indication pour laquelle l'AVK a été prescrit, le traitement associé en cours ainsi que les éventuelles modifications récentes et maladies intercurrentes.

• Quelle doit être la valeur de l'INR ?

La plupart du temps, l'INR doit être compris entre 2 et 3. La valeur cible (celle qu'on cherche à atteindre) est de 2,5.

Dans quelques cas particuliers de port de prothèse de valve cardiaque, elle est de 3 à 4,5. L'INR cible est 3,7, ce qui nécessite une surveillance accrue car la barre dangereuse des 5 n'est pas loin (INR = 5 est synonyme de risque hémorragique).

L'ÉDUCATION DU PATIENT

Outre la surveillance du traitement (absence de saignement), l'infirmière libérale participe à l'éducation du patient. Plusieurs messages doivent lui être délivrés, ainsi qu'à son entourage.

• Ce que le patient doit savoir sur son traitement

Savoir quand pratiquer un INR

L'INR est pratiqué une fois par mois lorsque tout va bien. Mais il doit en plus être réalisé en urgence en cas de signe d'appel d'hémorragie même minime (épistaxis, gingivorragie...) ou systématiquement trois jours après l'introduction d'un nouveau médicament ou son arrêt.

Connaître son INR cible

Le patient doit connaître son INR cible (ou il faut lui l'indiquer en fonction de l'indication thérapeutique déterminée par le médecin) pour pouvoir appeler son médecin aussitôt en cas de mauvais résultat. La plupart du temps, l'INR cible est entre 2 et 3. Dans certains cas, il est situé entre 3 et 4,5.

Connaître les risques d'un mauvais équilibre de l'INR

Le patient doit connaître le risque associé à un INR trop bas (risque de récidive de la thrombose : AVC, TVP, embolie pulmonaire...) et à un INR trop élevé (risque d'hémorragie).

• Ce qu'il faut lui conseiller pour son quotidien

Prendre régulièrement son traitement

Le patient doit prendre son comprimé sans oubli toujours à la même heure : le soir. Pour cela, on peut lui conseiller d'associer la prise à un acte quotidien : boîte rangée avec le rond de serviette ou près de la brosse à dents, sonnerie d'un réveil ou d'un portable déclenchée quotidiennement. S'il alterne les posologies sur deux ou sur trois jours, il doit les inscrire sur un calendrier et les rayer au fur et à mesure de la prise. Le patient doit aussi savoir comment gérer les oublis.

Pas d'automédication

De nombreux médicaments, même en vente libre, sont susceptibles de modifier l'INR : aspirine, ibuprofène, millepertuis... Le patient doit systématiquement vérifier l'absence d'interaction auprès du médecin ou du pharmacien avant toute prise. Il doit informer tout nouveau médecin ou tout personnel de santé de la prise d'AVK.

Surveiller son alimentation en cas de difficultés à équilibrer son INR

L'action des AVK dépend des apports alimentaires en vitamine K. Le patient devrait donc consommer chaque jour la même quantité d'aliments riches en vitamine K : tomates, carottes, avocat, choux, choux-fleurs, brocolis, laitue, épinards. En réalité, il n'y a pas lieu de donner de consignes particulières au patient (difficiles à suivre et qui risquent de le perturber), sauf si l'équilibre de l'INR est difficile à obtenir.

Remplir son carnet de suivi

Il est essentiel de noter la posologie de l'AVK, l'INR et les oublis de prise dans un carnet qui peut être délivré par le médecin ou le pharmacien (cf. page 38). Actuellement, seuls 35 % des patients possèdent et tiennent à jour un carnet de surveillance des AVK.

• La prévention

Éviter les sports violents

Les activités à risque de chutes, traumatismes ou blessures (sport, bricolage...) doivent être pratiquées avec la plus extrême prudence.

En cas de chirurgie ou acte dentaire programmés

Toujours contacter le médecin precripteur des AVK pour voir s'il est nécessaire de suspendre le traitement temporairement. Une héparinothérapie est alors mise en place durant l'arrêt.

En chiffres

• Des prescriptions très fréquentes : 500 000 patients sont sous AVK en France, soit une personne sur 100.

• La moyenne d'âge des patients sous AVK est de l'ordre de 67 ans. 87 % des patients sont sous AVK depuis plus de 6 mois.

• Des accidents hémorragiques fréquents : les AVK entraînent 17 000 hospitalisations et 5 000 décès par an.

13 % des hospitalisations pour effets indésirables sont liées à une hémorragie sous AVK.

• Les accidents hémorragiques des AVK sont au premier rang des accidents iatrogènes.

Infos clés

• Plus l'INR augmente, plus le sang est fluide. Si l'INR est trop élevé, il y a risque d'hémorragie.

• La surveillance du traitement par AVK se fait exclusivement par le dosage de l'INR.

je cote à la nomenclature

-> Prélèvement sanguin pour INR : AMI 1,5

À l'instauration d'un traitement par AVK, il peut y avoir également mise en oeuvre d'une action d'éducation et de prévention sur 15 jours :

-> Surveillance et observation d'un patient lors de la mise en oeuvre d'un traitement ou de la modification de celui-ci, (sauf pour les patients diabétiques insulino-dépendants), avec établissement d'une fiche de surveillance, avec un maximum de quinze jours, par jour : AMI 1

-> Perfusion lente à domicile de 1 à 1,5 mg de Vit K sur 1 H : - pose de la perfusion (dispositif intraveineux) : AMI 3 + IFD - organisation de la surveillance de la perfusion : AMI 2 - arrêt et retrait du dispositif de la perfusion, pansement éventuel, tenue du dossier de soins et transmissions des informations au médecin prescripteur : AMI 1 + IFD

(rappel : AMI = 3 Euro(s) - IFD = 2,20 Euro(s))