Un service à domicile ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 236 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 236 du 01/04/2008

 

LA TOURNÉE DE L'INFIRMIÈRE

L'exercice au quotidien

Tous les soins effectués par les infirmières libérales ne nécessitent pas une intervention à domicile. Pourtant, il n'est pas toujours facile d'obtenir des patients qu'ils se déplacent au cabinet. Marie-Christine Barranco, infirmière libérale dans les Hautes-Pyrénées, peut en témoigner.

«Je me suis installée dans le canton de Pouyastruc voici dix ans, un secteur très rural, près de Tarbes. À l'origine, mes collègues et moi nous déplacions quasi systématiquement à domicile, car notre clientèle se composait en majorité de personnes âgées dépendantes. Mais, avec le temps, des populations de plus en plus jeunes sont arrivées dans le secteur.

L'an dernier, nous avons donc décidé de créer une permanence de soins, avec l'idée de demander aux patients valides de se déplacer vers nous, plutôt que nous vers eux. C'était une façon pour nous de participer concrètement au contrôle des dépenses de santé en économisant les frais de déplacement non justifiés, mais aussi de mieux utiliser notre temps de travail.

Une permanence inutile

Mais nous avons toutes les peines du monde à faire fonctionner cette permanence : les patients ne veulent pas venir au cabinet ! Pour eux, c'est normal que l'infirmière se déplace pour tout et n'importe quoi, et gratuitement en plus... Ils nous considèrent comme un service à domicile de plus. C'est profondément ancré dans les mentalités.

Les patients sont d'ailleurs tellement persuadés que nous sommes "à leur service", qu'ils ne respectent même pas nos horaires de passage. Récemment, j'ai suggéré à un monsieur de venir prendre ses soins au cabinet. Il n'a pas voulu. Un jour que je passais à nouveau chez lui sans le trouver au rendez-vous, j'ai appris par sa femme qu'il était allé chez le dentiste à Pouyastruc, juste à côté de notre cabinet. Les patients n'ont pas de problème pour se rendre chez un autre professionnel de santé, mais se déplacer au cabinet de l'infirmière, il n'en est pas question ! Et peu importe le gaspillage...

Revaloriser le métier

Vu notre charge de travail et la faiblesse de nos indemnités de déplacement, mes collègues et moi ne sommes plus prêtes à accepter ce genre de comportement. Dire "non" à cela est une façon pour nous de revaloriser notre métier et d'affirmer notre professionnalisme. Mais il n'est pas facile de faire évoluer les mentalités : on se heurte à des années de laxisme. »

L'avis des usagers

Prendre le temps de dialoguer Florence Duviallard, administratrice du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss)

Elle exprime son incompréhension devant ce constat. « Certes, le système de santé actuel déresponsabilise les patients, mais ce fonctionnement était, jusqu'il y a peu, cautionné par tous. Si on veut en sortir, il faut donner la possibilité aux usagers de devenir acteurs de leur santé. Avant de créer cette permanence, les infirmières auraient pu prendre le temps de dialoguer avec eux et, éventuellement, de leur adresser un questionnaire, pour recueillir leurs réactions. Au lieu de ça, elles leur imposent du jour au lendemain une nouvelle organisation, ce qui les rend une fois de plus passifs. C'est dommage. »