Docteur ès sciences humaines - L'Infirmière Libérale Magazine n° 237 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 237 du 01/05/2008

 

Marie-Anne Bourgouin, médecin généraliste à Toulouse (Haute-Garonne)

La vie des autres

Si les deux professions travaillent beaucoup ensemble, elles ne se comprennent pas toujours. Pourtant, les points communs entre infirmières libérales et médecins généralistes sont nombreux. Portrait de l'un d'entre eux, médecin engagé et ouvert aux autres.

Petits, les enfants rêvent d'être instituteurs, pompiers ou médecins. Beaucoup abandonnent en cours de route ; quelques-uns s'y tiennent. C'est le cas de Marie-Anne Bourgouin, 47 ans, installée depuis dix-sept années comme médecin généraliste à Toulouse. Pendant ses études à Nancy, elle multiplie les expériences en pédiatrie, mais c'est finalement la médecine générale qui l'a retenue. « Elle permet de considérer la personne dans sa globalité, justifie-t-elle. On écoute, on gère des problèmes sociaux, on pénètre la vie des gens. »

Un discours que ne renierait pas une infirmière libérale... Il faut dire qu'entre ces deux professions, les problématiques communes ne manquent pas, y compris les moins sympathiques, comme l'envahissement de « la paperasse » : nouveaux formulaires, lettres de la CPAM précisant les nouvelles mesures, diverses recommandations... « Tous ces documents s'entassent parfois dans un coin du bureau, regrette-t-elle. Les journées sont longues, entre 10 et 12 heures, sans pause. Quand arrive le soir, on n'a pas toujours en vie de regarder ces papiers. Consacrer du temps aux patients paraît plus important... »

Soins palliatifs

Car c'est bien le souci du patient qui anime Marie-Anne Bourgouin au quotidien. Et lui donne l'énergie de multiplier les engagements. Elle fait ainsi partie de l'Association de soins palliatifs de Toulouse et d'un réseau de soins palliatifs. Elle est aussi médecin coordonnateur dans une maison de retraite (Ehpad) : « Nous sommes en pleine période d'écriture de protocoles pour arriver à fonctionner tous ensemble, aides-soignantes, médecins, auxiliaires de vie, etc., dans une même optique. » Elle travaille dans ce cadre en binôme avec une infirmière : « Nous sommes sur la même longueur d'onde », se félicite-t-elle.

Enfin, Marie-Anne Bourgouin assure des astreintes au sein d'une HAD. « Nous sommes quatre médecins à tourner. Les infirmières de l'HAD se déplacent au domicile du patient et nous appellent en cas de souci. À nous alors d'évaluer les conduites à tenir. »

Vie de famille

Ces activités prennent à Marie-Anne Bourgouin environ 20 % de son temps. « Elles me permettent aussi de continuer le travail en équipe », ajoute-t-elle. Mais elles pèsent aussi, parfois, sur la vie de famille : « J'ai eu la chance d'avoir mes parents à mes côtés, ce qui m'a permis de consacrer beaucoup de temps à mon métier, estime-t-elle. Même si, les enfants grandissant, j'ai pris plus de vacances et que, depuis un an, je ne travaille plus qu'un samedi sur deux. » Elle se rappelle encore du jour où l'une de ses filles lui a reproché de la voir moins que la maîtresse. « Cela demande une famille compréhensive. Il m'est par exemple difficile de dire à quelle heure je ferme le cabinet. » Elle a également mal vécu le fait de mettre les gardes sur SOS médecins. « Mais il arrive un moment où on ne peut pas tout faire. Les patients le comprennent. »

Formation continue

C'est sûr, Marie-Anne Bourgouin n'est pas de ceux qui vivent tranquillement sur leurs acquis. Abonnée à plusieurs revues de référence - Prescrire, La Médecine palliative, La Revue de gériatrie -, elle repart aussi régulièrement en formation : « On se dit souvent que c'est inutile, mais on se rend vite compte qu'on apprend beaucoup. » C'est ainsi qu'elle a passé un DU de soins palliatifs il y a cinq ans, une capacité de gériatrie en 2006, et qu'elle suit actuellement un DU de maladies infectieuses. « Je privilégie les formations universitaires, de bonne qualité, et validée par un examen, ce qui pousse à travailler ! »

Comment voit-elle l'avenir de sa profession ? « Je ne sais pas trop, hésite-t-elle. J'espère pouvoir continuer à travailler dans de bonnes conditions, même si j'ai bien conscience qu'il faut veiller aux dépenses. Je souhaite seulement que l'accès aux soins pour tous soit sauvegardé, ainsi que leur qualité. » Pas corporatiste pour un sou, Marie-Anne Bourgouin avoue suivre d'assez loin l'actualité : « J'espère que les réformes seront menées dans le souci d'une vision globale de la prise en charge, sans que chaque profession se renvoie la balle pour défendre ses intérêts. »

Cabinet de groupe

Quant au désintérêt actuel des jeunes pour la médecine générale, elle ne s'en inquiète pas outre mesure, malgré ses difficultés à recruter des remplaçants pendant ses congés : « Je pense simplement qu'ils aspirent à plus de disponibilité, de temps libre. » La solution du cabinet de groupe lui semble parfaitement correspondre à ses nouvelles exigences. D'ailleurs, la relève est assurée : « Ma fille est aujourd'hui étudiante en médecine. Elle me disait récemment que les histoires de vies, le ressenti que je ramenais le soir à la maison lui avait donné envie de faire le même métier. » Une vocation, on vous dit.

Elle dit de vous !

Aimant travailler en équipe et échanger avec les autres, j'entretiens un bon rapport avec les infirmières. Je salue leur disponibilité, et suis très proche professionnellement parlant de celles avec lesquelles je collabore régulièrement. Il est pour moi capital de se parler pour mieux prendre en charge un patient. Certaines décisions se prennent en équipe. C'est le cas par exemple en fin de vie. Recueillir le ressenti des infirmières est important et nous éclaire dans nos prescriptions. Pour ma part, je délègue facilement aux infirmières, même si cela dépend des personnes et de l'évaluation que j'en fais. Je les consulte aussi sur les problèmes de plaies, qu'elles sont plus habituées que nous à gérer. Quant au texte sur la prescription infirmière, je ne le connais pas très bien, mais j'y suis favorable : on leur demande déjà sans cesse de quoi elles ont besoin.

FERMETURE DES ÉGOS

Vers un nouveau mode de rémunération ?

Les États généraux de l'organisation de la santé (Égos) se sont achevés sur un catalogue de propositions, dont une possible évolution des modes de rémunération des professionnels. Selon un sondage du Quotidien du médecin, 44 % des médecins y sont favorables. « Ce qui m'importe, c'est d'arriver à soigner les gens dans un confort de vie et que notre temps de travail soit reconnu, pense Marie-Anne Bourgouin. Il me semble important que le patient garde son choix de médecin. Si l'on préserve la qualité de travail, le fait d'être rémunéré autrement ne me dérangerait pas. »