Hypoglycémies et hyperglycémies - L'Infirmière Libérale Magazine n° 237 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 237 du 01/05/2008

 

Cahier de formation

savoir faire

Monsieur Saccharose, 75 ans est sous Novonorm® 1 mg 3 fois par jour et sous Lantus®. Depuis quelques jours, il ne sent pas bien vers 18 heures. Cela ressemble à une hypoglycémie. Il vous demande ce qu'il doit faire. Demandez-lui si cela lui est déjà arrivé auparavant. Détaillez avec lui et sa femme les signes cliniques. Dites-lui de contrôler sa glycémie à ce moment-là, puisqu'il sait se servir de son appareil, et de noter ses résultats sur le carnet, en précisant ce qu'il a mangé au déjeuner et son activité de la journée. Si sa glycémie est entre 0,50 et 0,80, apprenez-lui comment se resucrer et contrôler sa glycémie. Si cela devait durer, vous lui dites que vous appellerez le médecin pour modifier la posologie des comprimés. Dans tous les cas, qu'il ne prenne pas son médicament s'il saute le repas.

GÉRER UNE HYPOGLYCÉMIE

La prescription d'insuline et d'insulinosécréteurs (sulfamides hypoglycémiants et glinides) comporte un risque hypoglycémique. Ce risque s'accroît parallèlement à la recherche d'un bon équilibre glycémique indispensable à la prévention des complications du diabète. Il faut individualiser les objectifs glycémiques, éduquer le patient et l'entourage.

Définition d'une hypoglycémie

On parle d'hypoglycémie lorsque la glycémie est < 0,5 g/l (définition de l'OMS).

Les circonstances de survenue

Les hypoglycémies surviennent essentiellement chez les patients insulinotraités de type 1. En cause : un défaut d'apport calorique, un exercice physique inhabituellement important.

Chez les types 2, les accidents hypoglycémiques touchent surtout les personnes âgées traitées par sulfamides hypoglycémiants polymédicamentées.

Sous insulinosécréteurs

Sous sulfamides hypoglycémiants

→ Carbutamide (Glucidoral®), glibenclamide (Daonil®, HemiDaonil®, Miglucan®, Euglucan®), glibornuride (Glutril®), gliclazide (Diamicron®), glipizide (Glibenèse®, Minidiab®, Ozidia®), glimépiride (Amarel®).

→ Les hypoglycémies sous sulfamides sont souvent plus graves et plus prolongées que celles observées sous insuline. Elle toucherait 10 à 20 % des patients. Le risque hypoglycémique est maximal en fin de matinée, l'après-midi (surtout vers 17-19 heures) et parfois la nuit. Malgré une demi-vie courte, la durée d'action de ces médicaments est très longue (48-72 heures) avec un risque de rechute d'hypoglycémie malgré un resucrage.

→ Sulfamides incriminés : tous, potentiellement, surtout à l'initiation du traitement. Les épisodes "d'hypo" sont plus fréquents avec les sulfamides à longue durée d'action et/ou les plus puissants (glibenclamide : Daonil®, Euglucan®), ainsi qu'avec la forme retard du glipizide (Ozidia LP®).

→ Patients les plus exposés : sujets âgés, insuffisants rénaux.

→ Facteurs favorisants : posologie ou majoration posologique trop importante, boisson alcoolisée, suppression d'un repas, exercice physique inhabituel, médicaments, hyperglycémie modérée avant traitement, malnutrition, hépatopathie.

Sous glinide

Le répaglinide (Novonorm®) peut générer des hypo, moins graves qu'un sulfamide en raison de leur courte durée de vie.

→ Patients les plus exposés : sujets âgés, insuffisants hépatiques.

Conduites à tenir

• Resucrer

Glycémie entre 0,8 et 0,5 g/l

Prendre une collation : 15 grammes de glucides très hyperglycémiants.

Glycémie est inférieure à 0,5 g/l, ou bien, s'il est impossible de mesurer la glycémie

→ La personne est capable d'avaler sans fausse route : prendre rapidement 15 à 20 grammes de glucides hyperglycémiants, puis prendre éventuellement une collation de 15 ou 20 grammes de glucides.

→ La personne est incapable d'avaler sans fausse route ou a perdu connaissance : recourir à l'injection de glucagon (GlucaGen®) en sous-cutané ou intramusculaire chez le patient sous insuline.

Remarque : jamais de glucagon chez un patient sous antidiabétiques oraux car il peut entraîner une rechute de l'hypoglycémie par hypersécrétion secondaire d'insuline. Appeler les secours.

• Noter

Après le malaise, noter sur le carnet de surveillance :

→ le malaise : l'heure, la glycémie, voire les signes de gravité ;

→ le traitement : produits de resucrage utilisé ;

→ les causes du malaise : alimentation, exercice.

• Analyser

En cas d'hypoglycémie isolée :

→ vérifier la teneur du repas (« avez-vous assez mangé de glucides ? », « avez-vous sauté le repas ? ») ;

→ demander si la personne n'a pas eu une activité supplémentaire inhabituelle (jardinage, courses, bricolage...) ;

→ vérifier que le médecin n'a pas ajouté un médicament à l'ordonnance habituelle qui pourrait influencer sur la glycémie.

• Informer le médecin

Si les hypoglycémies sont fréquentes (plusieurs par semaine), avertir le médecin pour une éventuelle adaptation de la posologie. En cas de modifications de traitement, contrôler les glycémies de façon plus rapprochée durant une semaine en moyenne.

Éducation et prévention

• Informer sur les risques

Rappeler les risques d'une hypoglycémie (malaise, chute, voire coma...). Le patient doit indiquer à tout prescripteur le traitement diabétique habituel afin de s'assurer de la compatibilité.

• Détailler les facteurs favorisants

Les sulfamides

Expliquer au patient de ne pas prendre son comprimé de sulfamide s'il saute un repas ou s'il a une activité physique importante, même si cette mesure est insuffisante en raison de la longue durée de vie du sulfamide dans l'organisme.

Activité physique

S'assurer qu'il a toujours de quoi se resucrer sur lui. Avant le sport, prendre 10 à 15 g de glucides si la glycémie est inférieure à 1,5 g/l et la renouveler toutes les 30 minutes si elle se prolonge.

L'alcool

Sa consommation provoque parfois des hypoglycémies sévères chez les patients sous insuline ou sulfamides hypoglycémiants. Le jeûne et/ou l'exercice physique, notamment en cas de dénutrition associée, augmentent ce risque. L'alcool peut aussi diminuer les signes cliniques annonciateurs d'une hypo, par analogie à ceux de l'ivresse.

Attention : cela survient tardivement, par exemple au lendemain d'une "fête".

Votre conseil : ne pas boire plus de deux à trois verres "standard" lors d'une fête et jamais sans manger.

• Expliquer les signes

Le patient et l'entourage doivent connaître les signes annonciateurs.

→ Pour le patient : sueurs, tremblements, troubles de la vue, fatigue, faim, sentiment de fonctionner au ralenti, vertiges...

→ Pour l'entourage : pâleur, sueurs, comportement incohérent, accès de nervosité, mutisme, yeux "vides"... Parfois, le patient ne ressent pas les signes de l'hypoglycémie alors que sa glycémie est à 0,2 ou 0,3 g/l. Son comportement agressif ou hébété peut alerter l'entourage et inciter au resucrage.

• Faire une glycémie

Informez le patient de doser sa glycémie dès l'apparition des signes. S'il est sous sulfamide hypoglycémiant, incitez à contrôler durant quelques jours sa glycémie vers 18-19 heures pour vérifier que le dosage est bien adapté.

• Donner la méthode de resucrage

Quand resucrer ?

→ Lorsque la glycémie est proche ou inférieure à 0,5 g/l ou plus basse, que l'on ait, ou pas, de signes pour éviter de perdre la sensibilité de réaction à l'hypoglycémie. Cette perte de perception de l'hypoglycémie est induite par la répétition des hypoglycémies elles-mêmes, entraînant un abaissement du seuil glycémique de réponse adrénergique.

Lorsque le delta glycémique est haut : le delta est la différence entre deux glycémies mesurées à 15 minutes d'intervalle par exemple. Si on passe de 1,1 à 0,7 rapidement et que les signes d'hypoglycémie sont présents, on se resucre.

Si la glycémie est entre 0,5 et 0,8 g/l avec les signes d'hypo, on se resucre.

Avec quoi ?

→ Avec des glucides très hyperglycémiants.

→ Si le patient est à distance d'un repas (3 heures post-prandial), faire suivre le resucrage par une collation de 15 à 20 g de glucides.

Exemple : un patient asymptomatique avec une glycémie aux alentours de 0,7 g/l et près d'un repas devra débuter le repas par les glucides pour faire remonter la glycémie.

• Contrôler le resucrage

Faire un contrôle glycémique 20 minutes après le resucrage. Elle doit avoir augmenté de 0,5 g/l. Si ce n'est pas le cas, resucrer à nouveau.

FAIRE FACE À L'HYPERGLYCÉMIE

Une hyperglycémie isolée chez un diabétique de type 2 non insulinotraité n'est pas grave en soi.

En revanche, chez le diabétique insulinotraité en multi-injection ou sous pompe, le risque d'acidocétose impose alors une vigilance accrue.

Que faire si un résultat de glycémie dépasse 2,5 g/l ?

Les corps cétoniques ou acétone sont un carburant que fabrique l'organisme quand il ne peut plus utiliser le sucre. Si la glycémie est supérieure à 2,5 g/l avec de l'acétone dans les urines, cela veut dire que l'organisme n'a pas assez d'insuline pour utiliser le sucre.

Le danger

En quelques heures, glycémie et acétone peuvent beaucoup augmenter et entraîner une déshydratation importante, le "coma diabétique" appelé acidocétose. L'acidocétose peut survenir quelques heures après l'hyperglycémie.

Les causes

Oubli d'injection d'insuline, "gros" repas, stress, forte fièvre, vomissements, opération chirurgicale, certains traitements ou parfois sans raison apparente.

En pratique

Mesurer la glycémie et rechercher les corps cétoniques dans les urines (si insulinotraité). Puis, si la glycémie est trop élevée, donner à boire une boisson non sucrée et sans caféine.

Chez le diabétique sous multi-injections d'insuline, on peut augmenter la dose d'insuline comme si l'on était souffrant, à condition que le médecin l'ait prescrit. Appeler le médecin si tout ne rentre pas dans la normale au bout de quelques heures.

Chez le diabétique sous ADO : si l'hyperglycémie persiste quelques jours, informer le médecin.

Comment doser les corps cétoniques ?

Le sucre "passe" dans les urines à partir d'une glycémie de 1,8 g/l. Les corps cétoniques sont plus rapidement détectables dans le sang que dans les urines. Il faut préférer le dosage sanguin. Cependant, on peut estimer l'acétone dans les urines grâce à des bandelettes urinaires : Kétodiastix® (Bayer) et Kétodiabur® (Roche Diagnostics).

VRAI-FAUX ?

Le saccharose (sucre classique) est le sucre à privilégier pour traiter l'hypoglycémie quel que soit le traitement antidiabétique oral.

Faux. Chez un patient ayant dans son traitement également un inhibiteur de l'alphaglucosidase tels l'acarbose (Glucor®) ou le miglitol (Diastabol®), le glucose est préférable car ces antidiabétiques inhibent l'hydrolyse des disaccharides comme le saccharose.

Les glucides à effet hyperglycémiant de resucrage

3 morceaux de sucre (n°4)

ou 1 briquette de jus de fruit sucré glacé*

ou 1 verre de coca ou limonade ou soda glacé non light

ou 1 berlingot de lait concentré sucré

ou 1 cuillère à soupe de miel ou de confiture

ou 1 pâte de fruit (20 g)

On peut conseiller également du glucose en pipette (Shyro avec 3 pipettes de 7,5 g de glucose), des comprimés de glucose BD (boîte de 6 comprimés à l'orange dosés à 5 g de glucose). Disponible en pharmacie ou sur http://www.diaboutique.fr.

* Les liquides sucrés et glacés passent très vite dans l'estomac et resucrent plus vite.

Prise en charge à la LPP

Les électrodes Optium ß-Cétone (Abbott) permettant l'estimation quantitative des corps cétoniques dans le sang grâce au lecteur de glycémie Optium XceedTM (Abbott), sont prises en charge uniquement pour le diabète de type 1 chez les patients porteurs de pompe à insuline, les enfants et les adolescents jusqu'à 18 ans et les femmes enceintes. Les bandelettes urinaires Ketodiastix® et Kétodiabur®, prises en charge à la LPP, ne relèvent pas de la prescription infirmière.

Le point de vue de...

Éric Benamo, chef de service endocrinologie, hôpital d'Avignon (Vaucluse) « Les libérales ont un rôle d'alerte »

« L'infirmière libérale n'est pas là uniquement pour réaliser le contrôle glycémique du patient, lui faire sa dose d'insuline et reporter l'ensemble de ces données sur un carnet de surveillance. Elle a un rôle d'alerte auprès des médecins si cela est nécessaire. Les glycémies capillaires sont corrélées au taux d'HbA1c. Si elle ne connait pas l'objectif d'HbA1c d'un patient donné et qu'elle constate des glycémies capillaires élevées depuis plusieurs jours (encore faut-il que les objectifs glycémiques soient bien fixés par le médecin et notés sur le carnet de surveillance du patient), elle doit appeler le médecin traitant en disant : « Je voudrais vous alerter, je ne sais pas si son taux de HbA1c est élevé, mais les glycémies capillaires le sont... » Ou bien : « Depuis 3 ou 4 jours, je constate que mon patient, habituellement à 1,8 g/l, est à 2,8 g/l et il n'a rendez-vous que dans un mois avec le diabétologue. » Le but est d'alerter son médecin sur une éventuelle infection intercurrente (infection urinaire...) ou sur les conséquences d'une injection de corticoïdes faite par lui-même ou un autre médecin quelques jours auparavant. À elle alors de suggérer : « Est-ce qu'il faut adapter le traitement ? »

À savoir

Que représentent 15 à 20 grammes de glucides ?

• 1 fruit = 1 compote = 4 fruits secs (abricots secs, pruneaux...)

• 30 g de pain = 2 biscottes (+ 1 noisette de beurre)

• 30 g de céréales dans du lait

• 1 yaourt aux fruits = 1 crème dessert (1 pot)

• 2 madeleines = 4 petits sablés ou petit-beurre

• 1 barre de céréales

• 8 petits carrés de chocolat

Interférences médicamenteuses

Certains médicaments peuvent modifier l'équilibre glycémique, soit par effet direct, soit en interférant avec les antidiabétiques. Avec pour conséquence un risque hypoglycémiant ou hyperglycémiant.

Lors d'un ajout de médicament à la prescription d'un patient diabétique, on doit être vigilant et adapter la surveillance.

Médicaments hypoglycémiants : aspirine à haute dose, dextropropoxyphène (Di-Antalvic®), tramadol (Topalgic®...), fibrates (fénofibrate - Lipanthyl® ; gemfibrozil - Lipur®...), inhibiteurs de l'enzyme de conversion (ou IEC, antihypertenseurs), quinine, testostérone...

Médicaments hyperglycémiants : corticoïdes, neuroleptiques (olanzapine - Zyprexa®...), inhibiteurs de la protéase VIH, bêta-2 stimulants, lévothyroxine, traitement hormonal (contraception, ménopause), ciclosporine, tacrolimus, nicotine...

Médicaments hypo- ou hyperglycémiants selon les circonstances : antibiotiques de la famille des fluoroquinolones (Ciflox®, Enoxor®, NoroxineTM...) isoniazide (Rimifon®...), cyclophosphamide (Endoxan®)...

Médicaments augmentant l'effet hypoglycémiant des sulfamides : antifongiques azolés (kétoconazole, itraconazole, miconazole - Daktarin® par voie orale ou vaginale, fluconazole -Triflucan® ; Beagyne®, voriconazole - Vfend®), diurétiques, AINS, IEC, inhibiteurs de l'angiotensine II (antihypertenseurs tels le candesartan - Atacand®, Kenzen®, le losartan - Cozaar®...), phénylbutazone - Butazolidine®, ciprofloxacine - Ciflox®, AVK -Previscan®, Sintrom®...

Médicaments pouvant accentuer et/ou prolonger l'effet hypoglycémiant du répaglinide (Novonorm) : clarithromycine, itraconazole, kétoconazole, triméthoprime, antidépresseurs IMAO, bêtabloquants non sélectifs, IEC (antihypertenseurs), salicylés, AINS, alcool, stéroïdes anabolisants.