LA SURVEILLANCE GLYCÉMIQUE - L'Infirmière Libérale Magazine n° 237 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 237 du 01/05/2008

 

Cahier de formation

savoir

Le principal objectif de la prise en charge du diabète est le maintien de l'équilibre glycémique. Les principaux éléments du contrôle de cet équilibre sont l'autosurveillance glycémique (ASG) et la surveillance du taux d'hémoglobine glyquée (HbA1c).

LE DIABÈTE

Le diabète est un groupe de maladies métaboliques caractérisées par une hyperglycémie chronique. En cause : un défaut de la sécrétion d'insuline ou un défaut de l'action de l'insuline ou l'association de ces deux anomalies.

Définition

Le diabète est défini par une glycémie veineuse supérieure à 1,26 g/l (7 mmol/l) après un jeûne de huit heures et vérifié à deux reprises dans un laboratoire.

Il est aussi défini par une glycémie supérieure à 2 g/l (11,1 mmol/l) 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose (critères proposés par l'Organisation mondiale de la santé).

Cette définition du diabète est le résultat d'études ayant permis de déterminer le seuil glycémique susceptible de provoquer l'apparition d'une rétinopathie diabétique en 10 à 15 ans.

Les traitements

Traiter le diabète a pour but :

→ de diminuer la mortalité prématurée,

→ d'éviter les symptômes liés à l'hyperglycémie,

→ de prévenir ou retarder les complications à long terme.

La stricte maîtrise de l'hyperglycémie se traduit par un taux d'HbA1c proche des valeurs des personnes non diabétiques. Elle réduit la survenue des complications microangiopathiques. La rançon de cette maîtrise hyperglycémique est l'augmentation du risque hypoglycémique.

L'HÉMOGLOBINE GLYQUÉE

Définition

La glycation est une fixation irréversible de sucre sur la molécule d'hémoglobine. Dans les globules rouges, le taux relatif d'HbA (forme principale de l'hémoglobine humaine) converti en HbA1c stable augmente avec le taux moyen de glucose dans le sang. La durée de vie des érythrocytes est comprise entre 100 et 120 jours. De ce fait, l'HbA1c est le reflet de l'équilibre glycémique au cours des 3 ou 4 derniers mois précédant un dosage (chez un sujet diabétique ou pas).

Chez un sujet normal, le taux d'HbA1c est compris entre 4 et 6 %. À une valeur de 6 % correspond une glycémie moyenne de 1,2 g/l avec ensuite une progression linéaire de 0,35 g/l par incrément de 1 % (7 % = 1,55 g/l ; 8 % = 1,9 g/l...).

Son intérêt

Témoin de l'altération conduisant aux complications du diabète, l'HbA1c est l'index validé de la surveillance du contrôle glycémique : elle seule reflète le degré de maîtrise du diabète.

Sa valeur optimale est < ou = à 6,5 %.

En moyenne, toute diminution de 1 % de l'HbA1c diminue de 20 % la fréquence des complications.

Son dosage

→ Tous les 3 mois.

→ Pas forcément à jeun.

→ Dans un même laboratoire pour comparer les résultats successifs.

→ Est indépendant des variations journalières de la glycémie.

→ N'est pas altéré par l'exercice physique, le jeûne ou l'ingestion récente de sucres.

Objectifs du taux d'HbA1c

• Diabète de type 1

→ Obtenir une Hb1Ac < 7 %, soit une glycémie moyenne < 1,5 g/l.

→ Cependant, l'augmentation de la fréquence des hypoglycémies sévères oriente plutôt vers un objectif raisonnable d'une HbA1c < 7,5% soit une glycémie < 1,5-1,6 g/l.

• Diabète de type 2

Les objectifs glycémiques tiennent compte du risque d'hypoglycémie sévère, de l'ancienneté du diabète, de l'âge du patient et de sa situation personnelle.

Objectif général : HbA1c < 6,5 %. Idem pour les patients âgés, sans pathologie sévère ou invalidante associée.

Chez un patient âgé (75 ans et plus), polypathologique (plus ou moins dénutri, peu ou pas autonome), l'objectif glycémique est une HbA1c souhaitée < 8-9 %.

L'AUTOSURVEILLANCE GLYCÉMIQUE (ASG)

Intérêt de l'ASG

L'autosurveillance glycémique (ASG) est un outil pour gérer et comprendre son diabète.

• Dans le diabète de type 1

Systématique et pluriquotidienne, l'ASG est indispensable pour :

→ suivre l'évolution des glycémies, → adapter les doses d'insuline à chaque injection : plus il y a d'injections, plus il y aura de contrôles glycémiques,

→ limiter et gérer les hypoglycémies,

→ dépister les hypoglycémies et les dysfonctionnements du matériel (cathéter bouché) chez les patients sous pompe.

• Dans le diabète de type 2

L'ASG est indiquée en fonction des situations cliniques :

→ pour les patients insulinotraités,

→ lorsque l'insuline est envisagée à court ou à moyen terme et avant sa mise en route,

→ pour les patients traités par insulinosécréteurs (sulfamides et glinides) afin de rechercher ou confirmer une hypoglycémie et d'adapter si besoin la posologie de ces médicaments,

→ afin d'améliorer l'équilibre glycémique lorsque l'objectif n'est pas atteint comme instrument d'éducation permettant d'apprécier l'effet de l'activité physique, de l'alimentation et du traitement.

• Dans l'hyperglycémie gestationnelle (diabète gestationnel)

L'insuline ne passe pas la barrière placentaire, contrairement au sucre. Ainsi, un diabète mal maîtrisé durant la grossesse est responsable d'un hyperinsulinisme foetal provoquant macrosomie, hypoxie tissulaire, retard de maturation pulmonaire et hypertrophie cardiaque. Lors de l'accouchement, le risque d'hypoglycémie sévère du nouveau-né est majoré.

En quoi consiste l'ASG ?

L'ASG permet le dosage à domicile du glucose dans le sang capillaire prélevé grâce à un autopiqueur. Le patient (ou aidant) surveille lui-même sa glycémie.

Le système d'autosurveillance est constitué d'un lecteur de glycémie et des réactifs associés appelés bandelettes (ou électrodes ou capteurs).

Les limites de l'ASG

L'ASG ne doit pas être généralisée à l'ensemble des patients, ni être passive : chaque mesure glycémique a du sens et débouche sur des conséquences thérapeutiques. De même, l'ASG n'est pas conseillée chez les patients qui ont une HbA1c inférieure à 6,5 % et qui ne prennent pas de sulfamides, de glinides ou d'insuline.

Non systématique chez les diabétiques de type 2, l'ASG s'inscrit dans une démarche construite où l'éducation du patient est primordiale. On doit expliquer au patient et organiser avec lui cette ASG en insistant sur :

→ la détermination des horaires,

→ la fréquence des horaires,

→ la détermination des objectifs ou seuils glycémiques,

→ la décision à prendre en fonction des résultats.

Rythmes et objectifs des contrôles

Quel que soit le type de diabète, un contrôle glycémique supplémentaire est effectué en cas d'activité ou de repas plus important, lors de malaise ou de maladie intercurrente.

• Diabète de type 1

Des contrôles sont à faire :

→ 4 à 6 fois par jour (avant chaque repas et au coucher ).

→ En post-prandial (1 h 30 à 2 heures maximum après le début du repas), une fois par semaine ou tous les 15 jours pour vérifier que la montée glycémique liée au repas est satisfaisante.

Remarque : parfois, un contrôle vers 2-3 heures du matin permet de détecter une éventuelle hypoglycémie nocturne.

• Diabète de type 2

(Sous insuline seule, voir diabète de type 1).

Pour le diabète de type 2, deux moments de contrôle sont à privilégier :

→ le matin à jeun où la glycémie reflète la production hépatique de glucose pouvant justifier une escalade thérapeutique,

→ le soir avant le dîner où la glycémie est la plus basse.

Il faut traduire l'objectif d'HbA1c en objectif glycémique.

Patient sous sulfamide hypoglycémiant

→ Lors de l'instauration de traitement ou de modification : faire glycémie à jeun et à 18-19 heures tous les jours.

→ En phase stable (normoglycémique) : faire glycémie à jeun et à 18-19 heures 2 à 3 fois par semaine et ajouter 1 fois par semaine une glycémie à jeun et une 1 h 30 à 2 heures après les repas pour vérifier qu'elles sont bien dans l'objectif souhaité.

→ En cas d'hypoglycémie de fin d'après-midi (< 0,7 g/l) malgré une glycémie à jeun correcte, orienter vers le médecin rapidement pour baisser la dose du sulfamide (ou du glinide) une fois que les autres causes ont été écartées (repas sauté, activité inhabituelle...).

Injection quotidienne d'insuline + traitement oral

→ Pendant la période d'adaptation de la dose d'insuline : contrôle au réveil et avant le dîner tous les jours.

→ En général, objectif de la glycémie au lever de 0,8 à 1,2 g/l, avec des besoins en insuline de l'ordre de 0,4 unité par kg. L'augmentation de la dose se fait tous les 2 ou 3 jours (2 pour l'intermédiaire NPH et la détémir - Levemir® et 3 pour la glargine - Lantus®).

→ Lorsque l'objectif est atteint : contrôle au réveil tous les jours et avant le dîner 2 fois par semaine.

Sous antidiabétiques oraux avec HbA1c supérieure à 7,5 %

L'ASG améliore la participation du patient et prépare une éventuelle insulinothérapie qui concerne un jour ou l'autre tous les diabétiques de type 2.

En prévision d'une insulinothérapie

2 à 4 contrôles à réaliser par jour.

On privilégie :

→ le matin à jeun,

→ le soir avant le dîner où la glycémie est la plus basse.

Et aussi :

→ en post-prandial : 1 h 30 à 2 heures maxi après le déjeuner (part importante de l'hyperglycémie des 24 heures),

→ au coucher pour projeter une éventuelle hypoglycémie de nuit (vers 1-3 heures du matin).

Conséquence : la future injection d'insuline lente ou semi-lente sera faite le soir en cas de glycémie haute le matin ; elle sera injectée le matin en cas de glycémie correcte à jeun mais ayant tendance à monter dans la journée.

• Diabète gestationnel

Objectifs glycémiques

→ À jeun : < 0,9 g/l (entre 0,7 et 0,9 g/l).

→ En post-prandial : < 1,4 g/l à 1 heure et < 1,2 g/l à 2 heures.

Combien de contrôles ?

→ six par jour : avant et après les trois repas (celle du coucher correspond souvent à la post-prandiale du dîner).

• Éducation alimentaire et ASG

Doser la glycémie en pré- et en post-prandial permet de visualiser l'effet du repas sur la glycémie principalement chez le diabétique de type 1 dans le cadre de l'apprentissage de l'insulinothérapie fonctionnelle.

Quels rythmes de contrôles ?

Plusieurs fois par semaine, en alternance à jeun et en post-prandial. L'idée : tester plusieurs types de repas, repas "sandwich", repas familiaux, repas "restauration rapide"....

→ Si on passe de 1,1 g/l à 1,7 g/l ou de 1,5 à 2,1 g/l, le repas est estimé correct.

→ Si on passe de 1,1 à 1,3 g/l en post-prandial, cela signifie que le repas aurait pu comporter plus de glucides (fruit à la fin du repas, pain...) ou que la dose d'insuline a été trop importante.

→ Si la différence est supérieure à 0,6 g/l, le repas comportait soit trop de glucides (pain, dérivés de la farine, féculents, fruits...), soit pas assez d'aliments non glucidiques (crudités, légumes, protéines...). Ou le patient n'a peut-être pas fait assez d'exercice.

PLACE DE LA SURVEILLANCE URINAIRE

Autosurveillance de la glycosurie

Une surveillance isolée de la glycosurie n'a plus d'intérêt à domicile, abandonnée au profit de l'ASG.

Détection des corps cétoniques

• D'où proviennent les corps cétoniques ?

L'acétose est le résultat clinique et biologique d'une carence absolue ou relative en insuline. En l'absence d'insuline, le sucre excédentaire (à partir d'un taux de 1,8 g/l) est éliminé dans les urines (glycosurie), et entraîne de l'eau avec lui (polyurie osmotique), provocant une déshydratation. Parallèlement, l'organisme utilise les graisses de réserve et produit de l'acétone dans le sang (produit de dégradation des graisses), puis dans les urines. D'où une accumulation de déchets acides dans le sang (acidose) qui se traduit par une fatigue, une perte d'appétit, puis des nausées et des vomissements, voire un coma.

• Surveillance

Élément important de la surveillance du diabète insulinotraité, cette surveillance doit être systématique :

→ chez l'enfant diabétique de type 1, associée à l'ASG : 1 à 3 fois par jour,

→ chez les diabétiques de type 1 porteur de pompe à insuline,

→ chez la femme enceinte : journalière,

→ chez les adultes insulinotraités : lors d'une hyperglycémie inexpliquée et inhabituelle.

• Urine ou sang capillaire ?

La recherche des corps cétoniques est indispensable dès que la glycémie est supérieure à 2,5 g/l. Elle peut se faire dans les urines, mais sa détection est plus précoce dans le sang capillaire.

LE RÔLE INFIRMIER

Éducation à l'ASG

Bien que le rôle infirmier dans l'ASG soit inexistant dans le diabète de type 2 traité par ADO au regard de la nomenclature, l'éducation du patient à l'autosurveillance glycémique est essentielle pour leur autonomie et leur place d'acteur dans la maîtrise de leur santé.

L'éducation comprend :

la réalisation de la glycémie : apprentissage de l'autopiqueur et de la manipulation du lecteur, entretien et contrôle du lecteur, détermination des moments opportuns pour effectuer ces contrôles, inscription des résultats sur un carnet d'autosurveillance, information des règles d'hygiène et non-partage du matériel ;

L'utilisation des résultats glycémiques : fixer avec le patient quand et combien de fois réaliser la glycémie, apprendre à adapter son traitement en fonction des résultats des glycémies en l'entraînant à analyser et comprendre les chiffres.

Le contrat de santé publique

Pour les patients insulino-traités de plus de 75 ans, il est possible de signer un contrat - facultatif - de santé publique avec la Cnam afin de bénéficier d'une rémunération forfaitaire annuelle de 200 euros par patient. Ce contrat, valable jusqu'au 25 juillet 2008, reconnaît et valorise le rôle spécifique infirmier.

Pour chaque patient auquel le médecin a prescrit une séance hebdomadaire de surveillance clinique et de prévention (AMI 4), l'infirmière doit assurer un suivi (modalités détaillées sur le site Internet http://www.ameli.fr, rubriques "Votre convention", "Le contrat de santé publique").

Les objectifs glycémiques

• Un objectif glycémique est un compromis entre un niveau glycémique bas qui offre le plus de garanties vis-à-vis des complications du diabète, et un niveau élevé qui met le plus à l'abri des hypoglycémies.

Cet objectif s'adapte à l'âge et à l'état du patient (pathologies associées, grossesse...).

• Glycémie à jeun et pré-prandiale : entre 0,9 et 1,3 g/l (objectif : 1,1 g/l).

• Glycémie post-prandiale : entre 1,4 et 1,6 g/l (objectif : 1,5 g/l).

En chiffres

La population cible de l'ASG (France métropolitaine) :

• diabète de type 1 : 130 à 139 000

• diabète de type 2 insulinotraités : 262 à 279 000

• diabétiques de type 2 avant la mise en route de l'insulinothérapie (court/moyen terme) : 131 à 140 000

• diabétiques de type 2 traités par insulinosécréteurs (sulfamides, glinides) pour recherche ou confirmation d'hypoglycémie afin d'adapter, si besoin, la posologie de ces médicaments : 963 000 à 1 024 000

• diabétiques de type 2 pour améliorer l'équilibre glycémique lorsque l'objectif n'est pas atteint : 1,546 à 1,644 million

• diabète gestationnel : 45 000

La régulation physiologique de la glycémie

La glycémie à jeun est le résultat de la fabrication de sucre par le foie pour nourrir les cellules. Elle résulte donc d'une libération. Elle est comprise entre 0,7 et 0,9 g/l.

La glycémie post-prandiale est le résultat de la capacité des muscles et du foie à stocker plus ou moins rapidement le sucre apporté par l'alimentation. Mesurée 1 h 30 après le début d'un repas, elle est normale si elle est inférieure à 1,5 g/l.

La glycémie à jeun n'augmente pratiquement pas avec l'âge. Seule la glycémie post-prandiale augmente de 0,05 à 0,1 g/l tous les 10 ans après 40 ans.

1. L'état post-prandial (durée : environ 4 heures) : il suit immédiatement l'ingestion d'un repas. Il correspond à la digestion et à l'absorption des constituants du bol alimentaire avec hydrolyse des glucides alimentaires et libération de monosaccharides, glucose essentiellement. Ces monosaccharides pénètrent dans la circulation porte, puis systémique pour donner lieu à une montée glycémique post-prandiale.

2. Période post-absorptive (s'étale sur 6 heures) : la glycémie reste normale chez le non-diabétique, grâce à la libération du glucose à partir du glycogène stocké dans le foie pendant la période post-prandiale.

3. Période de jeûne : environ 10 à 12 heures après le début de la dernière prise alimentaire, commence la période de jeûne où la glycémie reste normale grâce à la production hépatique de glucose. Les réserves glycogéniques s'épuisent et le maintien normoglycémique sera le fait d'une production hépatique de glucose.

je cote à la nomenclature

À la deuxième partie de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), au titre XVI (Soins infirmiers), chapitre II (Soins spécialisés), est créé un article 5 bis :

Prise en charge à domicile d'un patient insulino-traité :

→ Surveillance et observation d'un patient diabétique insulino- traité dont l'état nécessite une adaptation régulière des doses d'insuline en fonction des indications de la prescription médicale et du résultat du contrôle extemporané, y compris la tenue d'une fiche de surveillance, par séance : AMI 1.

→ Séance hebdomadaire de surveillance clinique et de prévention, d'une durée d'une demi-heure, pour un patient insulino-traité de plus de 75 ans : AMI 4.