Les troubles bipolaires - L'Infirmière Libérale Magazine n° 237 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 237 du 01/05/2008

 

Cahier de formation

le point sur

Très handicapante, la maladie bipolaire présente un haut risque de récidive mais peut aujourd'hui être stabilisée en régulant l'humeur à l'aide de traitements pharmacologiques et psychothérapeutiques.

DÉFINITION

Plus connus sous le nom de "psychose maniaco-dépressive", les troubles bipolaires (TB) sont le terme consacré pour définir l'évolution cyclique d'un dérèglement de l'humeur. Ils se caractérisent par la survenue répétée d'épisodes dépressifs, maniaques, hypomanes ou mixtes.

LES FORMES DE LA MALADIE

Les troubles bipolaires sont décrits selon l'expression des états et la durée des épisodes. On distingue :

le type I : alternance d'accès maniaques et dépressifs entrecoupés d'intervalles libres ;

le type II : existence de phases hypomaniaques et d'épisodes dépressifs majeurs entrecoupés d'intervalles libres ;

le type III : forme dont les états maniaques ont été induits par des traitements antidépresseurs. On parle de "virage maniaque" : le patient, jusqu'alors dépressif, entre en phase maniaque provoquée par l'antidépresseur ;

le type IV ou mixte : épisodes dépressifs majeurs associés à un tempérament hypomaniaque en même temps. C'est le plus grave, car le patient a l'énergie pour passer à l'acte (risque suicidaire important).

De plus, on distingue les cycles lents et les cycles rapides pour lesquels les phases s'enchaînent de façon rapprochée (présence d'au moins quatre épisodes thymiques au cours des 12 derniers mois ou, par exemple, 15 jours maniaques, 15 jours euthymiques, 15 jours dépressifs...).

LES TROUBLES DE L'HUMEUR

La maladie bipolaire constitue un ensemble syndromique d'une extrême hétérogénéité. On distingue huit types de troubles principaux (BP I à BP IV) et quatre troubles intermédiaires (BP 1/2 à BP III 1/2). Le BP I demeure le modèle typique. L'humeur oscille entre trois états :

→ un état maniaque se manifestant par une exaltation de l'humeur et une activité désordonnée,

→ un état dépressif, en opposition au précédent,

→ une humeur normale ou quasiment normale entre ces deux phases.

Le malade passe d'un état à l'autre, plus ou moins souvent, avec une intensité plus ou moins forte.

La phase maniaque

La manie, ou épisode maniaque, est caractérisée par un sentiment de toute-puissance, d'invincibilité. Elle se traduit par les signes suivants :

→ élévation anormale de l'humeur,

→ réduction du besoin de sommeil,

→ accélération du débit de la parole,

→ fuite des idées, distractibilité,

→ hyperactivité, y compris sexuelle.

La phase dépressive

L'accès dépressif est marqué par différentes manifestations qui peuvent alerter :

→ tristesse, sensation de vide, pleurs, perte de l'estime de soi,

→ perte d'intérêt ou de plaisir,

→ troubles du sommeil (sommeil fragmenté, diminué ou augmenté),

→ fatigue importante, perte d'énergie,

→ ralentissement psychique (difficultés de concentration et de décision) et troubles physiques (douleurs, troubles digestifs...),

→ troubles des conduites alimentaires entraînant des variations pondérales,

→ pensées suicidaires ou idées noires avec risque de passage à l'acte impulsif dans les formes les plus graves.

LES FACTEURS DE RISQUES

Les troubles bipolaires résultent de l'interaction de plusieurs facteurs :

→ génétiques : le risque d'être atteint de cette maladie passe de 5 à 10 % lorsque l'on est parent au premier degré d'une personne qui souffre d'un trouble bipolaire ; il atteint 40 à 70 % entre vrais jumeaux (monozygotes) ;

→ psychologiques : souvent fragilisés dans l'enfance par des événements douloureux, les sujets bipolaires sont aussi beaucoup plus sensibles aux événements pénibles de la vie ;

→ environnementaux : éducation, stress quotidien, changements (perte emploi, conflit, etc.) ;

→ alcool, drogue, certains médicaments (antidépresseurs).

LES COMPLICATIONS

Lorsque les troubles ne sont pas traités, les complications se traduisent généralement par :

→ une désinsertion socioprofessionnelle et familiale (licenciement, conflits familiaux...) ;

→ des prises de risque inconsidérées : abus toxiques, violence, consommation d'alcool ;

→ le passage à l'acte suicidaire : 63 % des patients ont des idées suicidaires et 25 à 50 % des patients font une tentative de suicide.

LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Les principes

Le traitement des troubles bipolaires repose sur la prise en charge des accès aigus - manie et dépression - et sur la prévention des rechutes. Lorsqu'il n'a pas d'accès aigus (hypomanie, dépression), la décision de traiter est fonction du contexte. Le traitement associe médicaments et aide psychologique pour le patient et son entourage, voire l'électroconvulsivothérapie.

Les stratégies thérapeutiques

• Traitement des accès aigus

Lors des épisodes aigus (manie et dépression), il peut être nécessaire d'hospitaliser le patient pour le protéger malgré lui sans son consentement.

→ Dépression : antidépresseur auquel on ajoute un thymorégulateur (sels de lithium) pour éviter le virage maniaque et prévenir une rechute. Si la dépression est très résistante, on utilise l'électroconvulsothérapie.

→ Manie : neuroleptique qui va "tasser" la manie, auquel on rajoute un normothymique. Certains neuroleptiques de nouvelle génération appelés "antipsychotiques" remplissent les deux objectifs. À la fois anti-maniaques et régulateurs de l'humeur, ils sont utilisés dans le traitement et la prophylaxie des accès maniaques.

• Prévention des rechutes

On fait appel aux thymorégulateurs, seuls ou en association entre eux. La bi-, voire la trithérapie, est fréquente afin de trouver la bonne combinaison thérapeutique pour prévenir les rechutes. Les thymorégulateurs sont parfois couplés à des benzodiazépines ou des neuroleptiques pour leurs effets sédatifs. Le traitement est quasi à vie, selon la tolérance.

En chiffres

• 5 à 10 ans est le délai moyen entre le début des troubles et la prise en charge.

• 90 % : c'est le taux de récidive après un premier épisode maniaque.

• 1 à 2 % de la population sont atteints.

• La maladie apparaît dès le début de la vie adulte (15-25 ans) et affecte plus fréquemment les hommes que les femmes, de tout âge, ethnie ou groupe social confondus.

Questions de patient

Quels sont les prémices d'un accès maniaque ?

On parle de signal-symptôme, souvent le même pour un patient. Pour les exaltations, le premier signe est la perte de sommeil, plusieurs jours de suite, avec une logorrhée. Pour la phase dépressive, l'envie de rester calfeutré chez soi sans bouger est un signe prégnant.

Que faire en cas de violence ?

Si le patient ou les proches sont en danger, l'hospitalisation à la demande d'un tiers est possible, en appelant les pompiers ou le médecin de garde.