Le prix du maintien à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008

 

HANDICAP

L'exercice au quotidien

Le maintien à domicile des personnes handicapées, une priorité des pouvoirs publics ? Si Marie R., infirmière libérale dans le Sud de la France, a pu éviter jusque-là à Thierry, un jeune patient tétraplégique, de retourner en établissement, elle le doit à son seul dévouement...

«Thierry est devenu tétraplégique suite à un accident : un jour de juillet 2006, il a plongé dans une rivière et s'est heurté à un rocher. Il avait 29 ans.

On a d'abord fait appel à moi pour des prises en charge le week-end. Les soins à effectuer étaient lourds et complexes, car le jeune homme ne bougeait quasiment plus. De ma propre initiative, je suis donc allée voir l'équipe médicale de l'hôpital Renée-Sabran de Giens, où il séjournait la semaine, afin qu'elle me forme.

40 euros par jour

En juin 2007, Thierry est retourné définitivement chez lui et je l'ai pris en charge sept jours sur sept, à raison de deux passages quotidiens. En moyenne, je passais deux heures et demie auprès de lui chaque jour, mais bien souvent mes interventions duraient plus longtemps...

Tout se serait déroulé pour le mieux si l'assurance maladie ne s'était pas montrée si peu coopérante. Comme la nomenclature des actes infirmiers interdit de cumuler la cotation des soins d'hygiène et celle des soins techniques (hors actes de perfusion et de pansement), le médecin conseil m'a expliqué qu'il fallait que je choisisse entre les deux ! Tous les jours, je passais donc plusieurs heures auprès de Thierry, pour une rémunération de moins de 40 euros au total...

Les demandes de dérogation que j'ai effectuées n'y ont rien fait. L'assurance maladie n'a jamais voulu entendre raison. Je ne réclamais pourtant rien d'autre qu'une rémunération proportionnelle aux actes que j'effectuais, soit une trentaine d'euros de plus. Une bagatelle, comparé au coût des mêmes soins en établissement (498 euros par jour à Giens) !

De beaux discours

Comme il était hors de question d'abandonner mon patient, j'ai continué malgré tout, non sans difficultés. En six mois, je n'ai pris que dix jours de repos, car les remplaçants fuyaient devant la charge de travail et les tarifs pratiqués !

Heureusement, la situation s'est améliorée depuis. Grâce à son immense volonté, Thierry a gagné en autonomie, et de mon côté, j'ai fini par trouver un associé. Mais je reste amère, car je sais que les centres de rééducation regorgent de jeunes gens comme Thierry. Avec un peu de bon sens et de motivation, ces personnes pourraient vivre près de leur famille sans problème. Malheureusement, en France, le maintien à domicile des personnes handicapées en reste au stade des beaux discours. »

Avis de l'expert

Des décisions de bon sens

Association des paralysés de France

« Cet exemple, non isolé, de dévouement particulier montre bien que les besoins des usagers rejoignent fréquemment les demandes de professionnels. Les décisions relatives au conventionnement avec l'assurance maladie sont prises par le directeur général de l'Uncam après avis de son conseil... d'où ont été exclus les usagers et leurs représentants associatifs en 2004 ! Alors qu'il est question de faire des économies dans les dépenses de santé, on préfère recourir aux franchises médicales et à des participations diverses des usagers plutôt que de prendre des décisions de bon sens. Autres points soulevés par cet exemple : qu'en est-il de la complémentarité naturelle des IDE (en libéral ou en Ssiad) avec les services d'aide à la vie courante, et de la délégation de soins aux aidants, prévue à l'article 9 de la loi du 11 février 2005 ? Aucune avancée concrète n'a eu lieu sur ce point, en matière de formation des aidants notamment. »