LES VIRUS DE LA GRIPPE - L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008

 

Cahier de formation

Savoir

La grippe, maladie infectieuse et contagieuse, sévit sous la forme de grandes pandémies entrecoupées de petites épidémies saisonnières localisées et dont la gravité varie en fonction de l'épidémiologie. Explications.

DÉFINITION

Un virus mutant

→ Les virus de la grippe sont des virus à ARN. Il existe trois types de virus grippaux : A, B et C. Les virus grippaux sont enveloppés, ce qui les rend sensibles aux détergents et aux solvants des lipides.

→ La surface des virus A et B est hérissée de spicules constitués de deux types de protéines de surface, l'hémagglutinine (notée H) et la neuraminidase (notée N). Ces protéines correspondent aux antigènes externes des virus grippaux. Dans le cas du virus de type C, il n'y a qu'une sorte de spicule, qui regroupe les fonctions assurées par les hémagglutinines et neuraminidases des autres virus grippaux. On désigne les virus de type A par une lettre indiquant le type (A) et par les numéros de l'hémagglutinine (H) et de la neuraminidase (N). Exemples : A(H3N2), A(H5N1).

Grippe pandémique, grippe saisonnière

→ Les virus grippaux mutent avec une grande facilité. Trois fois par siècle environ, il se produit une «cassure» (shift), c'est-à-dire un changement radical de la structure des antigènes de surface (surtout l'hémagglutinine) des virus grippaux de type A. L'immunité préexistante à ce changement ne protège pas contre le nouveau virus ; en conséquence, plus personne n'a d'anticorps protecteurs et toute la population terrestre peut être infectée. Il se produit alors une pandémie : en quelques trimestres, un tiers de la planète peut être infecté par ce nouveau virus de grippe. Ainsi, le virus de la «grippe espagnole» A(H1N1) est apparu vers 1918 puis il a persisté sous forme saisonnière jusqu'en 1957. Il a été supplanté par la «grippe asiatique» A(H2N2) qui a sévi jusqu'en 1968, année d'apparition de la pandémie de grippe de Hong-Kong A(H3N2).

→ Une fois la phase pandémique terminée, la grippe continue de circuler et provoque des épidémies saisonnières grâce à sa capacité de mutation spontanée. En effet, la grippe est une maladie immunisante : un même virus grippal ne peut infecter la même personne qu'une seule fois. Si le virus grippal ne changeait jamais, le nombre des habitants de la planète susceptibles d'être infectés deviendrait vite très faible. Comme le virus grippal mute en permanence, ces «glissements antigéniques» (shifts) lui permettent de réinfecter une partie de ceux qui ont été immunisés lors des épidémies saisonnières antérieures.

→ Cependant, le nombre des personnes susceptibles d'être infectées finit par diminuer peu à peu et, au bout de quelques dizaines d'années, les épidémies saisonnières deviennent de moins en moins importantes. Arrive alors un moment favorable à l'émergence d'un nouveau virus grippal pandémique, et le cycle recommence.

→ Depuis quelques années, les épidémies de grippe saisonnière dues aux virus grippaux A deviennent de plus en plus discrètes.

Grippe, saisons et tropiques

→ La grippe dépend de la température, des conditions saisonnières. En France, les épidémies surviennent le plus souvent entre novembre et février, c'est-à-dire pendant l'hiver. Que se passe-t-il dans l'hémisphère Sud où les saisons sont inversées ? La maladie survient pendant l'hiver, soit pendant les mois de juin,juillet ou août.

→ Puisque le virus est tantôt au nord, tantôt au sud, et que ce sont les mêmes virus que nous retrouvons successivement au mois de juin au Brésil et au mois de novembre en Europe, il faut bien qu'il y ait un moyen de passage. Or, dans les zones tropicales où il n'y a pas d'hiver froid, où il ne gèle jamais, le virus est présent toute l'année, comme dans toute la zone intertropicale, à Singapour, en Afrique, à La Réunion, etc.

→ Ainsi, pendant les mois d'octobre à mars, il y a des épidémies dans l'hémisphère Nord. Le virus circule entre les pays de l'hémisphère Nord et les pays des zones tropicales. Les échanges de virus y sont permanents. Dans l'hémisphère Sud, c'est l'inverse. À partir du mois d'avril jusqu'en septembre, les virus qui circulent dans les zones intertropicales vont être redistribués vers l'hémisphère Sud puis revenir dans les zones tropicales d'où ils seront prêts à être redistribués au mois de septembre suivant vers l'hémisphère Nord.

→ Les virus grippaux circulent donc en permanence d'un hémisphère à l'autre. Leur mode de transport le plus simple est l'homme, le voyageur qui, avec l'accélération des déplacements, devient de plus en plus susceptible de disséminer le virus.

QUI RISQUE QUOI ?

Les soignants

En matière de grippe, les soignants risquent gros et peuvent faire courir des risques à leurs malades. En effet, en étant au contact de malades infectés par la grippe, il est très facile pour un soignant d'être exposé aux virus grippaux et de les transmettre ensuite à d'autres patients et à leur famille. Les soignants devraient considérer comme une faute professionnelle le fait de ne pas se vacciner contre la grippe.

Les personnes fragiles et les personnes âgées

→ En France, le vaccin est fourni gratuitement aux personnes fragilisées par certaines maladies chroniques ou par leur âge. Cette stratégie, particulièrement bien adaptée aux périodes interpandémiques, a permis de réduire considérablement la mortalité liée à la grippe ainsi que la fréquence des complications qui succèdent aux infections grippales.

→ Cependant, tout n'est pas encore parfait en France dans ce domaine : ainsi, par exemple, seule une minorité de diabétiques âgés de moins de 65 ans profite de la gratuité du vaccin. La majorité ne se vaccine pas, par négligence, par ignorance ou par inadvertance. Le vaccin contre la grippe est encore trop assimilé à un «vaccin de vieux».

→ Les nouvelles dispositions réglementaires tentent de faciliter la vaccination des «personnes à risque», en donnant aux infirmières la possibilité de vacciner contre la grippe.

Les enfants

Chez les enfants, la grippe n'est pas mortelle. Par contre, elle est responsable chez les plus jeunes d'un très grand nombre de complications infectieuses, d'otites récidivantes, de bronchiolites et d'hospitalisations. La prise de conscience de cette dangerosité pédiatrique de la grippe est récente. Elle justifie un meilleur usage de la vaccination chez les enfants fragilisés par une maladie chronique (malformations cardiaques, mucoviscidose, diabète juvénile...) et une réflexion sur l'intérêt possible des antiviraux, dont il existe maintenant des formes pédiatriques utilisables en curatif à partir de l'âge d'un an.

Les très jeunes enfants

Les campagnes en faveur de la vaccination antigrippale mettent l'accent sur le grand danger de la grippe chez les personnes âgées. Elles font perdre de vue que la majorité des cas de grippe concerne les adultes jeunes, les enfants et les nourrissons.

Particularités de la grippe chez les jeunes enfants

→ Fréquence plus élevée, surtout en collectivité (plus de 3 enfants dans la famille, crèches, etc.).

→ Dissémination des virus grippaux plus intense et plus longue.

→ Mortalité liée à la grippe très faible.

→ Complications beaucoup plus fréquentes que chez l'adulte.

Fréquent motif d'hospitalisation

→ L'hospitalisation est 100 fois plus fréquente quand un enfant de moins de 6 mois a la grippe ; elle est 50 fois plus fréquente quand il a moins d'un an et 4 fois plus fréquente chez les enfants d'âge scolaire.

→ En période épidémique, la grippe est responsable de plus de 13 % des hospitalisations en pédiatrie.

→ Plus de la moitié des jeunes enfants hospitalisés pour grippe arrivent à l'hôpital dans les 24 premières heures de l'infection.

→ La durée de séjour est en moyenne de trois jours mais elle peut atteindre une semaine.

Symptômes

→ Pendant les 12 premiers mois de la vie, l'infection grippale commence fréquemment par une brusque montée de la température et peut s'accompagner ensuite d'otite aiguë ou d'une détresse respiratoire. Il y a souvent des signes digestifs (vomissements, diarrhée) et des signes extra-respiratoires (somnolence et déshydratation, notamment). La prématurité est un facteur aggravant.

→ Chez les enfants âgés de 1 an à 3 ans, la montée brutale de la température au début de l'infection peut être responsable de convulsions fébriles. Ce type de convulsions est observé chez la moitié des enfants de cet âge hospitalisés pour grippe. Les détresses respiratoires et les otites aiguës sont les autres principales complications de la grippe chez ces enfants. La grippe est plus grave chez les jeunes enfants atteints de retard mental, de malformations bronchiques ou cardiaques.

Les femmes enceintes

→ La grippe, comme d'autres infections, est une source de fausses couches et, peut-être, de malformations.

→ Le débat est ouvert sur l'intérêt éventuel de la protection des femmes enceintes contre la grippe. On ne sait pas s'il est justifié de vacciner contre la grippe pendant la grossesse. Comme souvent en médecine, le doute est la rançon de la prudence.

Les malades immunodéprimés

Il existe toutes sortes de degrés dans l'immunodépression. Dans certains cas, comme les suites de greffe de moelle, il est nécessaire de protéger soigneusement les malades en les protégeant avec des antiviraux tant que la vaccination antigrippale ne peut pas apporter de protection. Dans d'autres cas, comme l'infection par le Virus de l'immunodépression humaine (VIH), la vaccination est laissée à l'appréciation du médecin traitant.

Les adultes en bonne santé

→ En période interpandémique, les adultes sains courent peu de risque en cas de grippe.

→ La plupart du temps, l'infection est bénigne, hormis le fait qu'il faut arrêter son travail pendant plus d'une semaine dans trois quarts des cas. Cette incapacité est le principal problème posé par la grippe des adultes, expliquant l'intérêt de la vaccination ou l'usage des antiviraux chez les sportifs de haut niveau, les étudiants en année de concours et les travailleurs ne pouvant pas interrompre leur travail en raison de leurs responsabilités ou de la précarité de leur situation.

LE DIAGNOSTIC DE LA GRIPPE

Les signes cliniques

Les meilleurs signes cliniques de grippe sont :

→ un début brutal,

→ l'apparition d'un signe respiratoire : toux, rhume, sinusite, bronchite, otite, pneumonie, etc.

→ dans un contexte fébrile : fièvre même modérée ou sensation de fièvre, courbatures, fatigue, mal à la tête, etc.

Cependant, cette infection peut provoquer tous les tableaux cliniques, de la toux peu fébrile jusqu'au décès en service de réanimation. Il faut avoir le réflexe de penser à la grippe devant des signes cliniques très variés, même en dehors des périodes très épidémiques.

Les pièges à éviter

Grippe en pédiatrie

Faire le diagnostic de grippe en pédiatrie peut être délicat.

→ La grippe se manifeste souvent par une montée brutale de la température, accompagnée parfois de convulsions hyperpyrétiques.

→ Elle est également une cause importante de bronchiolite.

→ La grippe se manifeste souvent par des signes digestifs ou une otite moyenne aiguë.

→ Les manifestations musculaires peuvent être très spectaculaires en cas de grippe B.

Grippe chez la personne âgée

Chez les personnes âgées, la grippe est souvent peu spectaculaire.

→ La fièvre est souvent très modérée et non signalée par le malade âgé grippé.

→ La symptomatologie peut se limiter à une incapacité brutale à se lever le matin.

→ Dans une collectivité de personnes âgées, une épidémie nosocomiale de grippe peut commencer par le constat que deux ou trois résidents ne veulent plus se lever.

→ Quand la personne souffre d'une maladie chronique, la grippe peut se traduire par la décompensation de la maladie préexistante : coma chez un diabétique, détresse respiratoire chez un fumeur chronique, état de mal chez un asthmatique, infarctus du myocarde, poussée d'insuffisance rénale, etc.

Purpura fulminans

Chez une personne grippée, l'apparition de tâches rouges planes sur la peau doit faire craindre le début d'un purpura fulminans, qui est une urgence médicale absolue.

Maladies d'allure grippale

Les signes cliniques de grippe peuvent être observés dans un grand nombre d'autres maladies, notamment les infections respiratoires.

En période épidémique de grippe, le risque est de baptiser «grippe» des urgences chirurgicales (cholécystite aiguë, appendicite aiguë, etc.) ou médicales (paludisme, méningite, pyélonéphrite, etc.).

Ainsi, il est préférable de se méfier tout particulièrement si :

→ il n'y a aucun signe respiratoire ;

→ la température est inférieure à 37,5°C ;

→ le malade ne se sent pas fiévreux ;

→ les signes cliniques ont commencé progressivement.

TRANSMISSION, MESURES BARRIÈRES

Un virus extrêmement contagieux

→ L'une des particularités du virus grippal humain tient à son extraordinaire capacité à diffuser rapidement dans les collectivités humaines. Quand une épidémie de grippe démarre, les cas se comptent rapidement en millions. Contrairement au Sras, où le nombre des cas est resté limité à quelques milliers, la grippe est une maladie de masse, ce qui la rend spectaculaire, tout en lui conférant une grande valeur pédagogique.

→ De petits changements dans la virulence du virus grippal ou dans la façon de prendre en charge les malades peuvent avoir des grands effets, immédiatement visibles.

→ Les virus grippaux se transmettent d'un humain à l'autre par l'inhalation de l'air expiré par les malades, surtout s'ils toussent ou éternuent. Le virus grippal persiste aussi sur les mains des malades et sur tout ce qu'ils touchent : poignées de porte, etc.

→ Pour lutter contre la propagation des épidémies de grippe, il faut donc lutter contre cette double transmission, aéroportée et manuportée.

Les mesures barrières

La stratégie utilisée s'inspire des courses de sprint : la grippe ressemble à un coureur de 100 mètres , elle se propage à toute vitesse. Que fait-on pour ralentir une sprinteuse ? On dresse des haies sur la piste et au lieu de courir en 10 secondes les 100 mètres, il lui faudra 13 secondes.

En retardant la grippe, on diminue l'ampleur du pic épidémique et on gagne du temps.

En matière de grippe, les haies s'appellent des «mesures barrières». Elles sont essentiellement destinées à diminuer la vitesse de transmission de la grippe et le nombre de personnes infectées par chaque malade grippé. Qu'importe si ces barrières ne sont pas parfaites, elles constituent principalement une manoeuvre de retardement.

Exemples de mesures barrières :

→ masques, lunettes, gants,

→ hygiène des mains,

→ mouchoirs jetables,

→ poubelles à couvercle,

→ ne pas cracher par terre,

→ isolement des malades,

→ moins de rassemblements,

→ antiviraux.

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA GRIPPE

L'ouragan des cytokines

Que se passe-t-il quand on inhale des virus grippaux transmis par un malade grippé («contact») ?

→ Pendant les jours qui suivent (incubation), les virus se multiplient à un rythme exponentiel.

→ Quand leur nombre devient important, les signes cliniques apparaissent brutalement lors du déclenchement d'une forte réaction immunitaire, «l'ouragan des cytokines», c'est-à-dire la libération massive dans l'organisme de substances chimiques permettant au système immunitaire de jouer son rôle protecteur

→ Au bout de 24 heures environ, la multiplication virale se ralentit.

→ Ensuite, si la grippe évolue normalement, la concentration en virus décroît rapidement.

→ La majorité des signes cliniques de grippe sont liés aux cytokines qui persistent longtemps après la fin de la multiplication virale.

Le rôle des antiviraux spécifiques de la grippe

Les antiviraux spécifiques de la grippe freinent la multiplication virale. Ils agissent pendant la multiplication des virus. Plus la multiplication est intense, plus l'action est forte (comme pour une en voiture : en pleine accélération, le freinage agit fortement ; à l'arrêt, freiner ne sert à rien).

En curatif précoce, il faut commencer le traitement le plus vite possible après le début des signes cliniques. Plus on attend, moins ça marche.

La surveillance des virus grippaux

Intervenants

→ En France, comme dans beaucoup d'autres pays développés, la surveillance des maladies transmissibles fait intervenir un grand nombre d'acteurs.

→ La Direction générale de la santé (DGS) et l'Institut de la veille sanitaire (InVS) ont pour mission de coordonner les efforts ainsi que d'apporter à l'ensemble des autorités publiques toutes les informations nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de santé.

→ Financé à 80 % par la DGS et l'InVS, sous l'égide de l'ECDC et de l'OMS, le réseau national des Grog (Groupes régionaux d'observation de la grippe) est un dispositif national d'alerte régionalisée, spécialisé sur la grippe, le Virus respiratoire syncytial (VRS) et les principaux agents infectieux respiratoires. Il associe les laboratoires de virologie des Centres nationaux de référence et de plusieurs CHU, plusieurs équipes de recherche (universités, Inserm, CNRS), des Observatoires régionaux de santé, des Unions régionales de médecins libéraux (URML), Open Rome et, surtout, plusieurs milliers de vigies très variées, comme :

→ médecins généralistes,

→ pédiatres,

→ SOS Médecins,

→ médecins militaires,

→ infirmières d'entreprises,

→ pharmacies,

→ OCP-Répartition,

→ entreprises vigies (EDF, PSA, etc.),

→ service de santé des Armées,

→ aéroport de Paris,

→ Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,

→ service médical de l'assurance-maladie.

Réseau des Grog

→ Une des spécificités de ce réseau tient à la capacité de ses vigies à faire en toutes saisons des prélèvements rhino-pharyngés chez les malades grippés. Les écouvillons sont envoyés dans des laboratoires de virologie de très haut niveau (Centres de référence, CHU innovants) et analysés avec une grande rapidité. Ainsi, les virus respiratoires circulant dans la population sont immédiatement connus avec précision, même quand il s'agit de virus rares ou difficiles à détecter (SRAS, grippe aviaire, etc.).

→ Le réseau des GROG met en ligne sa documentation et ses résultats sous forme de cartes, de courbes et d'un bulletin hebdomadaire (parution le mercredi). Toutes ces informations sont rendues publiques sur un site national et des sites régionaux, tous accessibles via l'adresse Internet .

UNE PROTECTION ESSENTIELLE, LE VACCIN ANTIGRIPPAL

Vaccination des «personnes à risque»

Prévenir la mortalité

La politique vaccinale française vise à protéger les personnes pour lesquelles la maladie représente un danger : l'accent a été mis sur la prévention de la mortalité plutôt que sur celle de la morbidité. En effet, ce sont les sujets dont la santé est fragilisée qui sont le plus susceptibles de succomber à une atteinte par le virus grippal, du fait de la virulence de la souche ou d'une complication infectieuse. Selon les années, la grippe saisonnière constitue ainsi la première ou la deuxième cause de mortalité par maladie infectieuse en France. Dans la majorité des cas (de l'ordre de 80 %), ces décès touchent des sujets de plus de 65 ans.

Personnes concernées

En conséquence, le vaccin grippal est fortement recommandé aux :

→ personnes âgées de 65 ans et plus ;

→ personnes atteintes d'une des pathologies suivantes :

- affections bronchopulmonaires chroniques, dont asthme, dysplasie broncho-pulmonaire et mucoviscidose ;

- cardiopathies congénitales mal tolérées, insuffisances cardiaques graves et valvulopathies graves ;

- néphropathies chroniques graves, syndromes néphrotiques purs et primitifs ;

- drépanocytoses, homozygotes et doubles hétérozygotes S/C, thalassodrépanocytose ;

- diabètes insulino-dépendant ou non insulino-dépendant ne pouvant être équilibrés par le seul régime ;

- déficits immunitaires cellulaires (chez les personnes atteintes par le VIH, l'indication doit être faite par l'équipe qui suit le patient) ;

- personnes séjournant dans un établissement de santé de moyen ou long séjour, quel que soit leur âge ;

- enfants et adolescents (de 6 mois à 18 ans) dont l'état de santé nécessite un traitement prolongé par l'acide acétylsalicylique (essentiellement pour syndrome de Kawasaki compliqué et arthrite chronique juvénile).

Vaccination des soignants

La vaccination grippale est également recommandée aux personnes susceptibles de disséminer le virus. Parmi elles, figurent en priorité les professionnels de santé, en raison de leur forte exposition à la grippe et de leur capacité à retransmettre ces virus aux personnes qu'ils soignent.

Autres personnes à vacciner

Pour les mêmes raisons, la vaccination grippale est également recommandée pour :

→ tout le personnel d'institutions spécialisées,

→ tout professionnel en contact régulier et prolongé avec des sujets à risque,

→ le personnel navigant des bateaux de croisière et des avions,

→ le personnel de l'industrie des voyages accompagnant les groupes de voyageurs (guides).

Elle peut aussi être justifiée pour toutes les personnes désirant éviter l'indisponibilité consécutive à une grippe.

Vaccin et grossesse

→ Les recommandations les plus récentes dans ce domaine ont été émises par le Haut comité de santé publique ( rapports/hcspa20080201_Grippe.pdf).

Les données (limitées) relatives à la vaccination de la femme enceinte n'indiquent pas que des effets indésirables sur le foetus ou la mère sont attribuables au vaccin.

→ L'utilisation de ce vaccin peut être envisagée à partir du second trimestre de la grossesse.

→ Pour les femmes enceintes présentant un risque élevé de complications associées à la grippe, l'administration du vaccin est recommandée quel que soit le stade de la grossesse.

Revaccination annuelle

Il n'y a aucun argument pouvant faire penser que se vacciner tous les ans présente un inconvénient.

Vacciner l'entourage (cocooning)

Définition

Le «cocooning» est un complément essentiel de la stratégie vaccinale vis-à-vis des personnes à risque. «Cocooning» est un anglicisme venant de «cocoon» qui, lui-même, vient du français «cocon». Ce mot est de plus en plus souvent employé par les experts de santé publique dans l'expression «stratégie de cocooning».

Stratégie de cette vaccination

→ L'idée est simple : quand on dispose d'un vaccin efficace mais que son usage est délicat pour une personne difficile à vacciner correctement (femme enceinte chez qui le vaccin pourrait avoir des effets indésirables, nourrisson ou personne âgée immuno-déficiente, etc.), on peut réduire le risque d'infection de cette personne en vaccinant son entourage le plus proche, de façon à minimiser le nombre de personnes susceptibles de transmettre l'infection.

→ L'efficacité de cette stratégie a été démontrée dans les collectivités de personnes âgées : en y vaccinant le personnel soignant contre la grippe, on y réduit la mortalité des résidents, qu'ils soient ou non vaccinés contre la grippe.

→ Une stratégie de cocooning est proposée maintenant dans la grippe et dans certaines maladies infectieuses (coqueluche notamment) pour protéger les femmes enceintes et les nourrissons de moins de 6 mois fragilisés par une naissance prématurée.

Peut-on mourir de la grippe ?

n Oui, et il y a plusieurs causes à cela.

n C'est une maladie virale qui peut, normalement, directement provoquer une pneumonie primitive ; mais ce n'est pas le cas général.

n Le plus souvent, les formes graves et les formes mortelles sont dues à des effets indirects, liés à l'aggravation de maladies préexistantes ou à des surinfections.

n Nous connaissons certains des mécanismes par lesquels le virus de la grippe est capable de potentialiser l'effet de bactéries. Cette potentialisation prend un certain temps ; ce n'est pas dans les premiers jours de la maladie que cela se produit.

n Les antibiotiques ne deviennent utiles en général qu'après au moins quatre ou cinq jours, voire une semaine après le début de l'infection virale, à un moment où le virus peut avoir disparu, ne laissant que des traces de son passage.

Grippes animales, grippes humaines

n On a beaucoup parlé de «grippe aviaire». En effet, les virus grippaux peuvent toucher toutes sortes d'animaux : mammifères (chevaux, porcs et, même, baleines !), oiseaux (canards, poules, mouettes, etc.).

n Cependant, il existe une «barrière d'espèce» : un virus grippal aviaire ne peut infecter un humain que dans certaines conditions exceptionnelles avec, notamment, la transmission de très fortes doses infectantes.

n Ainsi, actuellement, la grippe aviaire a touché des centaines de millions de volailles mais n'a été transmise qu'à quelques centaines d'humains placées dans des conditions très particulières d'exposition (éleveurs de coqs de combat, fermiers vivant sans précautions dans un élevage infecté, etc.).

n La barrière d'espèce se traduit aussi par l'incapacité d'un humain à transmettre le virus de la grippe aviaire à un autre humain.

Question de patient

Est-ce que j'ai la grippe aviaire ?

Si, au retour d'un voyage exotique, un patient submergé par l'angoisse vous évoque cette hypothèse, pensez d'abord aux autres maladies susceptibles de donner de la fièvre : paludisme, dengue, fièvre jaune, infection parasitaire ou... grippe saisonnière.Tout en conseillant d'en parler avec le médecin traitant, posez des questions sur la façon dont ont été pris les médicaments antipaludéens.

Vous pouvez aussi rappeler que, pour contracter la grippe aviaire, il faut avoir : séjourné dans un élevage infecté, respiré une énorme dose d'air infecté soit par les fientes soit par le plumage (en plumant une volaille infectée et moribonde),et... franchi les barrages militaires qui encerclent les fermes infectées.

À savoir

L'hygiène des mains

Elle consiste surtout à se désinfecter les mains avant de toucher chaque malade, même quand on doit pratiquer un geste non invasif. Les solutés hydro-alcooliques (SHA) sont particulièrement pratiques car on peut avoir un flacon dans sa poche et se désinfecter fréquemment les mains en quelques dizaines de secondes sans abîmer la peau.

Les masques

Plus ils sont protecteurs, plus il est difficile de les porter longtemps.

Pour que les malades contagieux ne contaminent pas trop leur entourage, le port d'un masque anti-projection (alias «masque chirurgical») suffit.

Pour qu'un soignant ne respire pas trop les virus expirés par les patients, un masque FFP2 est plus efficace mais aussi plus pénible à supporter pendant une longue période de travail.

En période pandémique, selon le plan de lutte contre une pandémie de grippe, les masques et les antiviraux seront fournis gratuitement aux soignants ainsi qu'aux grippés français.

Le syndrome de Reye

- Le syndrome de Reye est une pathologie rare mais pouvant être grave, survenant essentiellement chez l'enfant et associant une atteinte cérébrale non inflammatoire et une atteinte hépatique.

- Aux États-Unis, au début des années 80, un lien entre la prise d'aspirine au cours d'un épisode viral aigu et la survenue d'un syndrome de Reye a été démontré. En France, quelques mois plus tard, l'AFSSAPS a rappelé que, depuis octobre 1998, le Résumé des caractéristiques du produit (RCP) de toutes les spécialités contenant de l'aspirine précisait : « des syndromes de Reye ayant été observés chez des enfants atteints de viroses (en particulier varicelle et épisodes d'allure grippale) et recevant de l'aspirine, il est prudent d'éviter l'administration d'aspirine dans ces situations. »

- Ces RCP ont été actualisées et mentionnent maintenant : « En conséquence, l'acide acétylsalicylique ne doit être administré chez ces enfants que sur avis médical, lorsque les autres mesures ont échoué. »

L'essentiel

1. Le virus grippal est hautement contagieux puisque se transmettant par le souffle, les éternuements et les mains.

2. Les solutés hydro-alcooliques (SHA), les masques anti-projection et les masques protecteurs respiratoires sont d'excellentes «mesures barrières» permettant de freiner la dissémination de la grippe et de prévenir les épidémies nosocomiales.

3. La vaccination antigrippale des «personnes à risque» diminue la mortalité due à la grippe.

4. Les soignants doivent se vacciner chaque année contre la grippe pour se protéger et pour éviter de contaminer ceux qu'ils soignent. La revaccination antigrippale annuelle ne présente pas de danger.

5. Les antiviraux spécifiques de la grippe ne remplacent pas la vaccination mais ils la complètent efficacement, à condition de commencer les prises en urgence, peu après le contact avec un malade grippé («post-contact») ou dans les heures qui suivent le début des signes cliniques («curatif précoce»).

6. Le diagnostic de la grippe peut-être difficile, notamment chez les nourrissons et les personnes âgées.

7. Chez les voyageurs, en toute saison, devant un tableau grippal, il faut penser à la grippe et... au paludisme.

8. Les épidémies saisonnières de grippe se produisent chaque année ; les pandémies de grippe surviennent environ 3 fois par siècle.

«Difficile de juger de l'efficacité de l'homéopathie»

- Faute de publications crédibles, il est difficile de juger de l'efficacité préventive et curative de l'homéopathie dans la grippe.

- Il est quand même nécessaire de rappeler que, chez les personnes fragiles, seuls les vaccins antigrippaux officiels diminuent la mortalité et apportent des anticorps protecteurs ; que les notices vantant les produits homéopathiques parlent d'«états grippaux» et évitent soigneusement de mentionner la grippe ; et, enfin, que la plupart des états grippaux dus à d'autres agents infectieux que la grippe guérissent spontanément en quelques jours, quoi que l'on fasse.