« Nous recherchons des solutions ensemble » - L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008

 

Estelle Kuil, psychologue libérale à Lille (Nord-Pas-de-Calais)

La vie des autres

Estelle Kuil n'est peut-être pas devenue psychologue par hasard. D'un optimisme décoiffant, elle exerce son métier avec la conviction inébranlable que chacun peut avancer dans sa vie.

Aider les autres à avancer : Estelle Kuil, psychologue libérale à Lille, est habitée par cette préoccupation depuis toujours. « À la maternelle, déjà, quand un enfant devait en aider un autre, c'était toujours moi », se rappelle-t-elle. La psychologie serait-elle innée chez elle ? Quand on gravite, en tant qu'aînée, en plus, dans une famille de psychologues et de médecins pas exempte de problèmes, soit on tombe dans la marmite, soit on la fuit : elle a pris la psychologie à bras le corps. Ces facteurs, de son propre aveu, lui ont donné « une certaine sensibilité ». Crise d'adolescence en bonne et due forme, fac de psycho, thérapie tous azimuts... Estelle Kuil accumule pendant pas mal d'années expériences, connaissances et outils. « Alors que ma formation m'a apporté des outils, avoir fait ce travail sur moi m'a donné une certaine force, résume cette femme au sourire franc et presque juvénile. Je suis profondément convaincue qu'une personne, quelle que soit sa situation, peut s'en sortir. » Après avoir déjà travaillé dans une association d'aide aux victimes, dans une clinique et auprès de toxicomanes, à 27 ans, elle ouvre son cabinet.

Aider à avancer

Une dizaine d'années plus tard, elle reçoit autant de patients adultes que d'enfants, entre 3 et 68 ans, en ce moment. Plus de femmes que d'hommes, mais plus de petits garçons que de petites filles... Victimes de maltraitance, de violence, voire de crimes, personnes émotives, anxieuses, dépressives ou présentant des troubles de la personnalité (dépendance, évitement), patients démunis face à des problématiques de vie comme un divorce, un décès ou des difficultés professionnelles... « Chacun vient avec ses objectifs », résume Estelle Kuil, et parfois avec une exigence d'efficacité du type : « Dans combien de séances vais-je être guéri ? » D'autant que face à une psychologue comportementaliste, ils s'attendent souvent à une thérapie brève. « Mais elle ne peut pas toujours être aussi brève que cela car il peut y avoir des choses très installées... », ajoute-t-elle. Si l'analyse s'appesantit plus sur l'histoire des patients et la thérapie comportementale davantage sur le symptôme, « dans ma pratique, je pars du principe que les deux sont importants, poursuit la psychologue. Lorsqu'il y a des symptômes, il y a une histoire. Il faut décortiquer un fonctionnement pour travailler dessus » et trouver, « avec la personne, les éléments qui vont lui permettre d'avancer dans sa vie ». Pendant les entretiens ou lors d'exercices à faire au cabinet et en dehors.

Cela exige d'elle d'être « la plus équilibrée possible » et d'identifier les moments de nécessaire ressourcement, mais aussi d'être curieuse et de s'intéresser à l'autre avec empathie. « Quand quelqu'un vient, j'ai vraiment envie de savoir ce qui s'est passé dans sa vie, quels événements, comment il a réagi, raconte Estelle Kuil. C'est comme un livre... » En revanche, pas question pour elle d'être directive avec ses patients, même si certains le demandent : c'est bien ensemble qu'ils recherchent des solutions, pas elle qui les édicte.

Pas de coaching

« Je ne veux surtout pas devenir coach, insiste-t-elle, car les patients pourraient devenir dépendants. Adulte ou enfant, il faut que la personne soit active dans la recherche de solutions : on ne vient pas ici chercher de formule magique ! » Éviter le coaching, c'est aussi le moyen, selon la psychologue, de conserver une « bonne distance » avec les personnes qui consultent. Cela permet également de tenir compte de leur rythme et de leurs attentes profondes : « Si quelqu'un ne veut pas aborder un sujet, O.K., peut-être qu'on y reviendra quelques mois plus tard. » Une patience acquise avec l'expérience : « Autrefois, j'allais plus vite, trop vite d'ailleurs ! »

Avec la rentrée, Estelle Kuil s'attend à une nouvelle vague de demandes de consultation. La période est propice aux remises en question, des problèmes se sont révélés pendant l'été... Parmi les 30 à 40 appels reçus chaque jour, il faut faire des choix, évaluer rapidement les situations urgentes. En janvier, même ruée : c'est le temps des bonnes résolutions en attendant juin et le dernier coup de collier demandé aux enfants pour passer dans la classe supérieure...

Les motifs de consultation ont évolué ces dernières années, observe la psychologue. « Depuis deux-trois ans, je vois plus d'enfants pour des problèmes d'instabilité, de manque de concentration, de nervosité. Quant aux adultes, à côté des grandes constantes comme la dépression ou l'anxiété, ils souffrent du fait que la société ne suscite plus de sécurité, ils n'ont plus de certitudes auxquelles se raccrocher » et cherchent à redonner du sens à leur vie.

Elle dit de vous !

« Je ne suis pas en relation directe avec des infirmières libérales. Mais peut-être aussi que les gens qui consultent ne disent pas s'ils sont orientés par leur infirmière... Ou bien alors peut-être ne pensent-elles pas forcément à orienter des patients vers un psychologue. On nous assimile également encore parfois aux psychanalystes qu'on consulte pendant des années ou alors nous renvoyons encore l'image de la folie... Et ce n'est probablement pas facile de dire à un patient qu'un psychologue pourrait l'aider. D'autant que les infirmières libérales sont débordées et viennent avant tout pour répondre à des symptômes physiques : je comprends qu'elles ne pensent pas automatiquement au psychologue. »

HÉLIOGÈNE

Une bouffée d'oxygène pour les enfants

Joli nom pour une association qui vise à aider les enfants jusqu'à 14 ans, à «évoluer harmonieusement» : Héliogène. Créée et présidée par Estelle Kuil, elle organise chaque année des petits stages de cinq jours durant lesquels enfants et adolescents s'initient à la voile (à la barre seul et en équipe, face aux éléments...) et participent à des ateliers sur la communication, l'affirmation de soi, la gestion du quotidien, du stress, la confiance en soi. Histoire de mieux se connaître, d'affronter ses craintes, de renforcer ses points forts, de travailler sur ses points faibles et de trouver l'audace d'aller toujours un peu plus loin. Un formidable projet pour des enfants pas toujours choyés par la société.