Promouvoir les mesures barrières - L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame Dunez, 34 ans, institutrice, vous parle de la grippe qui est apparue dans l'école où elle enseigne. Pour l'instant, sa classe n'est pas touchée mais elle vous demande ce qu'elle doit faire pour éviter de ramener la grippe à la maison, car elle a un bébé âgé de six mois. Que lui conseiller ?

Impossible de faire la classe en portant un masque mais, pour protéger son nourrisson, madame Dunez dispose des mesures barrières : se laver soigneusement et souvent les mains, apprendre à ses élèves à faire de même, apprendre à son mari et à ses enfants à utiliser à la maison un soluté hydro-alcoolique, faire porter un masque anti-projection aux membres de la famille grippés, jeter les mouchoirs dans une poubelle avec couvercle, demander à son médecin traitant une ordonnance d'antiviral en «traitement post-contact».

HYGIÈNE DES MAINS

Les bonnes pratiques

→ La grippe et beaucoup d'autres agents infectieux sont capables de rester longtemps vivants sur la peau, notamment celle des mains. Les soignants doivent donc absolument se laver et se désinfecter les mains pour éviter de transmettre aux patients les virus et les bactéries de ceux qui leur ont serré la main.

→ Il faut aussi noter que les mains manipulent abondamment les poignées de porte, qui peuvent ainsi servir de relais entre les mains d'un malade et les mains d'une autre personne.

→ En pratique quotidienne, il est difficile pour une infirmière libérale de se laver les mains à tout bout de champ. Les solutions hydro-alcooliques (SHA) constituent probablement la solution idéale, permettant de se désinfecter les mains plusieurs dizaines de fois par jour sans perdre de temps ni abîmer la peau.

Les SHA

Indications

→ Les SHA sont des solutions à séchage rapide, associant alcool, autres antiseptiques et émollients de la peau. Ils s'utilisent en friction sur des mains sèches et propres jusqu'à séchage spontané à l'air.

→ Si les mains sont mouillées, sales ou poudrées, il faut se les laver à l'eau et au savon. En revanche, quand elles sont propres et sèches, cette friction avec un SHA est préférable au lavage simple : elle est plus rapide et se fait même en l'absence de point d'eau. De plus, le SHA réduit les dermatoses professionnelles.

→ Cette façon de faire est classée parmi les mesures dont l'efficacité est la mieux prouvée pour la prévention des infections nosocomiales.

Actions

→ L'alcool (propanol, isopropanol, éthanol ou phénoxy-éthanol) dénature les protéines et les membranes lipidiques microbiennes. Les autres antiseptiques élargissent le spectre microbien.

→ Les émollients ralentissent le séchage et prolongent le contact des bactéries avec l'alcool.

→ Globalement, l'efficacité des SHA est très forte sur les bactéries banales, les champignons et certains virus. Le niveau de preuve est bon dans la désinfection standard, intermédiaire dans la désinfection chirurgicale et reste encore faible dans la prévention des infections nosocomiales hospitalières.

→ Les SHA ne sont pas tous équivalents ; leur efficacité doit être appréciée produit par produit.

→ Certains SHA bénéficient d'une AMM : Spitaderm® (Paragerm), Phisomain® (Anios). L'absence d'AMM est due à une évaluation incomplète ou à l'absence de demande. Exemple de SHA sans AMM : Clinogel® (Viatris), Manugel® (Anios), Sterilium gel® (Rivadis).

Efficacité

Alors que le recours très fréquent au lavage des mains est un facteur important d'irritation cutanée (il a été rapporté jusqu'à 25 % de mauvaise tolérance cutanée), il est prouvé que l'utilisation des SHA améliore autant la sécheresse cutanée mesurée objectivement que la sensation subjective de sécheresse ou d'irritation.

LES MASQUES

Les masques anti-projection

→ Ces masques anti-projection (appelés également «masque médical», «masque chirurgical») sont destinés en priorité aux malades grippés contagieux.

→ L'INPES propose des affichettes et des dépliants pour promouvoir leur utilisation, notamment dans les collectivités de personnes âgées et chez les parents d'enfants en bas âge.

Fonctions

→ La fonction principale d'un masque médical est de piéger les gouttelettes de salive et de sécrétions des voies respiratoires émises par celui qui le porte.

→ Porté par le soignant malade, ce masque prévient la contamination du patient et de l'environnement. Porté par le patient contagieux, il prévient la contamination de son entourage et de l'environnement.

→ Dans le plan «pandémie grippale», son port est donc préconisé pour deux populations : les malades (cas possibles ou confirmés) et les personnes se rendant dans les lieux publics ou se déplaçant par les transports en commun.

Réglementation

Les masques médicaux sont soumis à la réglementation européenne sur les dispositifs médicaux. Le marquage normalisé comporte :

→ le n° de la norme EN 14683 ;

→ le type de masque I, II, IR ou IIR :

- I correspond à une efficacité de filtration bactérienne du matériau filtrant > 95 %,

- II à une efficacité > 98 %. Il n'y a pas d'évaluation des fuites au visage,

- la mention R signifie que le masque est résistant aux éclaboussures.

Les masques de protection respiratoire jetable

Utilisation

→ Le masque de protection respiratoire est destiné en priorité aux soignants, pour leur éviter d'inhaler les virus grippaux expirés par ceux qu'ils soignent.

→ Dans le contexte «pandémie grippale», le type d'équipement préconisé est un demi-masque filtrant contre les particules, appelé masque de protection respiratoire jetable. Ce type de masque est destiné à protéger le porteur du masque contre les risques liés à l'inhalation de particules solides ou liquides. C'est le masque indiqué pour les soignants en contact avec des cas possibles ou confirmés de grippe ou des prélèvements issus de tels cas.

Modèles

On trouve sur le marché de nombreux modèles, qui se distinguent en particulier par leur forme, la présence ou non d'un joint en mousse, la présence ou l'absence d'une soupape expiratoire. La soupape améliore le confort du porteur (mais l'air expiré n'est pas filtré).

Efficacité

L'efficacité de la protection dépend d'une part de l'efficacité du matériau filtrant mais surtout du bon ajustement du masque. La présence de fuites rend la protection inopérante.

Réglementation

→ Les masques de protection respiratoire répondent à une réglementation européenne très stricte, surveillée par les pouvoirs publics, qui implique des contrôles par des organismes notifiés. Chaque exemplaire de demi-masque filtrant jetable contre les particules doit porter toutes les indications suivantes, inscrites de manière indélébile :

→ le sigle «CE» suivi du numéro d'un organisme notifié,

→ le numéro et l'année de la norme «EN 149 : 2001»,

→ l'indication de la classe d'efficacité (FFP1, FFP2 ou FFP3, dans l'ordre d'une protection croissante).

Un appareil qui ne comporte pas ces mentions n'est pas un appareil de protection respiratoire.

Éduquer les familles

En France, un gros effort doit être fourni pour promouvoir les mesures barrières, notamment l'hygiène des mains et le port de masques médicaux.

Quand vous intervenez dans une famille, n'hésitez pas à :

→ rappeler l'importance du lavage des mains :

- après être allé aux toilettes

- avant les repas

- après s'être mouché ;

→ expliquer qu'il faut se laver les mains pendant au moins 30 secondes ;

→ expliquer que cracher par terre diffuse les infections respiratoires ;

→ conseiller l'usage des SHA et le port du masque médical aux jeunes parents grippés pour ne pas transmettre leur infection à leur nourrisson.

VRAI-FAUX ?

En cas de grippe, il faut attendre 48 heures avant de commencer à prendre un antiviral.

FAUX. Les AVSG freinent la multiplication virale qui est très intense pendant les heures qui suivent le début des signes cliniques. Commencé en urgence, dans les 12 heures qui suivent l'apparition des signes infectieux, ce «traitement curatif précoce» est très efficace. Commencé après 48 heures, il n'a plus grand intérêt.

En cas de grippe, le traitement par antiviral dure 7 jours.

FAUX. Le traitement post-contact dure 10 jours, le curatif précoce 5 jours.

Questions de patient

Est-ce que ça vaut le coup de se vacciner le plus tard possible pour être protégé plus longtemps ?

NON. Chez les personnes ayant une capacité normale d'immunisation, l'injection vaccinale fait apparaître des anticorps au bout d'une dizaine de jours. Ces anticorps persistent pendant plusieurs trimestres, parfois même pendant plusieurs années.

Chez les personnes dont le système immunitaire est défaillant (personnes âgées dépendantes en EHPA, par exemple), attendre n'a pas d'intérêt. En revanche, si la capacité d'immunisation peut être restaurée, il peut être utile d'améliorer cette capacité (nutrition ad hoc chez les personnes carencées) et de stimuler le système immunitaire en utilisant un vaccin antigrippal adjuvé.