Quand la recherche est sous contrôle - L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008

 

HAUTE-GARONNE

Initiatives

On dit parfois que les infirmières n'y entendent pas grand-chose aux nouveaux médicaments. On dit aussi que la recherche, ce n'est pas leur truc. Rien n'est moins sûr, et Géraldine Malka, infirmière libérale à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) travaille assidûment à démentir ces idées reçues.

Depuis douze ans, Géraldine Malka participe au Comité de protection des personnes (CPP) de sa région. Une instance dont elle ne connaissait pas l'existence avant qu'une de ses consoeurs, soucieuse de passer le relais après plusieurs années de bons et loyaux services, ne l'encourage à se présenter. « J'avais toujours eu un goût pour la réflexion éthique », justifie-t-elle.

Consentement éclairé

Dans le cadre de la loi Huriez-Sérusclat du 20 décembre 1988 qui régit les recherches biomédicales en France, les CPP rendent des avis sur les conditions de validité de la recherche, et plus particulièrement sur la protection des participants et les modalités de recueil de leur consentement. « Pour que le dossier soit valable, on examine la pertinence, la justification de l'étude, explique Géraldine Malka. Nous cherchons également à comprendre ce que l'on va demander au patient, quelles sont les informations qu'il va recevoir et s'il en a une bonne compréhension. On examine la fiche de consentement et le formulaire d'information, qui doivent être signés en toute connaissance. » Il s'agit en somme de vérifier le consentement éclairé de la personne. Ce qui n'est pas toujours le cas : « Certains malades, tellement avides de faire progresser la science, acceptent de faire partie du protocole sans y être prêts. » Le consentement est également conditionné par l'objet du traitement : « Par exemple, les parkinsoniens se prêtent facilement à l'exercice, poursuit-elle. Les volontaires sains sont sélectionnés dans un panel dont disposent les labos. Les patients, à la recherche de nouveaux traitements, sont impliqués, et donc bien éclairés, renseignés. »

Côté organisation, « nous sommes deux infirmières et siégeons aux côtés de médecins, pharmaciens hospitaliers, juristes, travailleurs sociaux, représentants des associations de malades et usagers de la santé », raconte Géraldine Malka. Le CPP se compose de deux collèges : l'un regroupe des personnes qualifiées en matière de recherche biomédicale (médecin généraliste, pharmacien hospitalier, infirmière), l'autre réunit des personnes compétentes en matière d'éthique (psychologue, travailleur social, personne spécialisée dans le juridique, représentant des associations de malades).

Chaque protocole est adressé à un membre du comité qui dispose d'environ 15 jours pour travailler dessus. Les «promoteurs» de la recherche clinique peuvent être des organismes très divers : laboratoires, hôpitaux, ARH, etc. En cas de doute ou de manque de connaissances scientifiques adaptée, l'examinateur du protocole peut contacter un expert. Il présente ensuite ses conclusions devant le comité réuni, une fois par mois.

Pendant la séance, les questions fusent. « C'est surprenant de voir que, selon la profession que l'on exerce, on ne se pose pas les mêmes questions, constate Géraldine Malka, qui insiste sur l'importance de l'interdisciplinarité en la matière. Je me suis déjà demandé en séance comment je n'avais pu songer à tel ou tel aspect du dossier toute seule, mais aussi de poser des questions qui n'avaient pas effleuré les autres membres du comité. »

Être attentive aux effets secondaires

Selon elle, les associations de patients, très réactives, s'inquiètent de la qualité de vie des patients dans le déroulement des protocoles (pouvoir pratiquer du sport malgré les déplacements multiples, les contraintes très lourdes, etc.). Les infirmières, elles, sont attentives aux effets secondaires des médicaments, au nombre de prises de comprimés. « Si un patient suit déjà un traitement lourd pour une pathologie donnée, il faut faire attention à ne pas lui rajouter trop de gélules à avaler », explique-t-elle. Des considérations, qui, selon elle, échappent la plupart du temps aux médecins, « beaucoup plus attentifs aux indications et au bénéfice scientifique de l'opération » : « Il faut parfois amener une réflexion sur les contraintes chirurgicales, surtout lorsqu'il s'agit d'intervention chirurgicale, note Géraldine Malka. J'ai déjà entendu des médecins s'exclamer au sujet d'une biopsie : «ça fait juste un petit centimètre !» Ou encore «il faut savoir souffrir pour être en bonne santé !» Véridique. »

Enrichir sa pratique infirmière

Se confronter aux autres points de vue, s'embarquer pour de nouvelles aventures susceptibles d'enrichir sa pratique infirmière, Géraldine Malka l'a toujours recherché : « Nous sommes actuellement six infirmières au cabinet, qui avons sans cesse essayé de nous diversifier et de nous informer au maximum. C'est à nos yeux essentiel pour ne pas se scléroser dans les soins. » Diplômée depuis 1973, elle est vite passée en libéral « pour profiter de l'éventail de possibilités que ce mode d'exercice offrait ». C'est ainsi qu'elle a pratiqué l'enseignement et le soin en prison - pendant huit ans. Impliquée dans l'autodialyse en libéral depuis douze ans à Toulouse, elle est aujourd'hui également infirmière coordinatrice depuis six ans dans un centre de prise en charge de patients atteints de mucoviscidose. Elle s'y est investie en 1988, à une époque, se souvient-elle, « où la prise en charge de cette maladie en était à ses balbutiements, où tout le monde se formait, patients, médecins, paramédicaux ». Aujourd'hui, elle pense reconduire sa candidature. « C'est un travail bénévole, très astreignant, mais riche. Et si les premiers dossiers ont été difficiles, je suis aujourd'hui beaucoup plus à l'aise ! »

Sans compter que cet engagement a changé son regard sur les patients en essai qu'elle a eu l'occasion de soigner au détour de soins : « Je me rends compte qu'en tant que soignante, sans en être consciente, j'étais impliquée dans ces protocoles d'essai. Quand on pratique une injection à un patient dans ce cadre, c'est bien d'avoir quelques notions sur le suivi de ce traitement, son opportunité, etc. De même, savoir poser les bonnes questions permet d'administrer de façon adéquate le produit et ainsi de ne pas fausser les résultats. » Sans compter que faire partie d'un CPP lui a procuré de nouvelles clés pour comprendre le monde scientifique tout en lui permettant de se tenir au courant des avancées médicales : « Maintenant, au cabinet, je peux alerter ou informer mes collègues sur les nouveaux dispositifs, les nouveaux médicaments ! »

Une réflexion éthique

En plus d'avoir directement enrichi sa pratique, cet investissement au sein du CPP a également nourri sa réflexion éthique. « Notre rôle est difficile, car finalement assez vaste et finalement assez défini », juge Géraldine Malka. Que signifie être en position de faiblesse pour un patient malade ? Quelle est la réelle plus-value d'un médicament ? Est-il éthique de délivrer une autorisation de recherche pour de la cosmétique, lui procurant par là une caution scientifique à peu de frais ? Est-il éthique d'inclure des personnes dans un essai qui cherche à répondre à une question dont on connaît la réponse (une énième comparaison médicament X contre placebo, par exemple) ? Ou lorsque le «nouveau médicament» testé est un «me too» (produit conçu non pas en fonction des attentes du consommateur mais à partir des caractéristiques d'un produit concurrent), qui a priori n'apportera pas grand-chose de neuf dans la panoplie des prescripteurs ? Ou encore quand le protocole est si fragile que l'on ne pourra rien déduire des résultats de l'essai (puissance statistique insuffisante de l'essai par exemple) ? Quel suivi exiger des promoteurs pendant et suite aux recherches ? « Il y a certes eu des avancées dans ce domaine, admet Géraldine Malka. Aujourd'hui, le promoteur de la recherche doit retourner au CCP un document de fin d'étude. Je me rappelle cependant de patients au domicile inclus dans des protocoles d'essai mal suivis. Ils avaient l'impression d'être des cobayes. »

Pas question cependant pour Géraldine Malka de « sombrer dans la paranoïa » : « Les gens connaissent leur métier, et personne n'a intérêt à ce qu'il y ait des problèmes en donnant un avis favorable pour un protocole. » De plus, « il n'a pas de protocole sans risque, même minime ». L'essentiel à ses yeux : protéger l'intégrité du patient au maximum.

Les Comités de protection des personnes dans la loi Bachelot

« L'ensemble des recherches biomédicales va faire l'objet d'un avis des Comités de protection des personnes (CPP) », prévoit le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), qui doit être présenté en Conseil des ministres début octobre. L'une des principales mesures concerne l'obligation de recueillir l'avis du CCP pour les recherches « non interventionnelles » ou « observationnelles » qui sont actuellement non prévues. Le périmètre pourrait également être étendu à l'évaluation des politiques d'amélioration de la qualité des soins. Ceci s'inscrit dans un ensemble de mesures visant à « simplifier et mieux coordonner la recherche la recherche clinique », selon les mots de Roselyne Bachelot prononcés lors d'un colloque organisé par la conférence nationale des CCP pour fêter les vingt ans de la loi Huriet-Sérusclat sur la recherche biomédicale.

À votre tour

Pour proposer sa candidature au CPP de sa région, il suffit d'adresser sa demande à la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass). Les membres sont renouvelés tous les trois ans par tiers.

Qu'est ce qu'un comité de protection des personnes ?

Les Comités de protection des personnes (CPP) ont été instaurés dans le cadre de la loi Huriez-Sérusclat du 20 décembre 1988 qui régit les recherches biomédicales en France. Le but de cette loi : garantir la protection des personnes, en appréciant le rapport bénéfice/risque de la recherche entreprise, et en s'assurant de l'information et du consentement des personnes.

Depuis l'adaptation en 2004 de la loi à la directive européenne n°2001/20/CE du 4 avril 2001, dont l'objectif, est, notamment, d'harmoniser les règles en matière de vigilance des essais thérapeutiques entre les différents États membres de l'Union européenne, l'avis des CPP, auparavant purement consultatif, est devenu un passage obligatoire avant le début d'un essai clinique. Un exemplaire est ensuite adressé à l'Afssaps, qui doit à son tour donner son autorisation. Chaque CPP recouvre deux à sept régions.