QUEL IMPACT SUR LE QUOTIDIEN DES LIBÉRAUX ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008

 

Agences régionales de santé.

Le débat

Les agences régionales de santé (ARS) devraient être en place début 2010. Si tous les professionnels de santé s'accordent à dire qu'il faut rapprocher les différents modes d'exercice pour améliorer l'accès aux soins et la qualité du système de santé, les ARS suscitent néanmoins quelques craintes.

Michel Chassang

Médecin généraliste à Aurillac, il est président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et du Centre national des professions de santé (CNPS)

Quel sera l'impact des agences régionales de santé pour les libéraux ?

Nous allons assister à l'institution de Sros ambulatoires (Schémas régionaux d'organisation des soins, ndlr). In fine, cela va déboucher sur la fin de la liberté de s'installer et, dans le même temps, sur la fin du libre choix. Autant nous partageons le but de réunifier l'ambulatoire et l'hospitalier, autant ce qui se prépare est une étatisation pure et simple de la santé avec l'entrée en fonction de préfets sanitaires en sus des préfets de région. En aval, on voit poindre une carte sanitaire. Tous les pays qui ont essayé ce modèle sont revenus en arrière, à commencer par la Grande-Bretagne. Et la France choisit cette voie, contre toute attente. C'est une planification à la soviétique. Qui plus est, je fais le pari que ce modèle en préparation ne permettra pas de faire d'économies.

Qu'est-ce que cela changera au quotidien des professionnels de santé ?

Les ARS pourront contractualiser directement avec les professionnels de santé. Les syndicats vont devoir créer des chefferies régionales pour défendre les intérêts de leurs troupes. Tout ceci ne renforcera pas les conventions, aujourd'hui passées entre les professionnels et l'assurance maladie. On peut en outre se poser la question de savoir s'il n'y a pas à craindre une tutelle directe de l'État sur la médecine de ville. Peu à peu, des missions pourraient en effet êtres imposées par l'État. On a donc des professions qui pourraient bientôt n'avoir de libéral que le nom.

Le projet de loi de Roselyne Bachelot semble hospitalo-centré...

Les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) n'ont jamais fonctionné, donc je ne vois pas comment les ARS pourraient marcher. Il faut alerter les élus et les professionnels de santé que ces ARS sont une erreur. La seule chance de sauver notre système de santé serait de développer l'exercice libéral et non de l'étouffer. Il aurait mieux valu libéraliser l'hôpital.

Yann Bourgueil

Médecin spécialiste en santé publique, il est directeur de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).

Quel sera l'impact des agences régionales de santé pour les libéraux ?

Les ARS modifieront certainement la façon dont les professionnels de santé libéraux vont s'installer et exercer. Mais, dans l'absolu, ce n'est pas forcément négatif, même si pour les infirmières notamment, on ne voit pas trop de perspectives dans le texte en discussion. En tout cas, les ARS ne modifieront pas les choses en matière de liberté d'installation ou en matière de libre choix car les évolutions sont déjà en cours, via la réforme instaurant le médecin traitant et l'encadrement des prescriptions, entre autres. Pour autant, il est probable que les ARS tenteront de mettre en place des mesures pour réguler l'installation.

Qu'est-ce que cela changera au quotidien des professionnels de santé libéraux ?

La question, c'est « qu'est-ce que cela veut dire d'être libéral aujourd'hui ? ». Il revient aux professionnels libéraux à se déterminer sur ce qu'ils offrent à la population. Cela leur impose de défendre ce qui leur semble être la base de leur statut de libéral. Cela dit, à travers les ARS, on peut permettre aux libéraux d'élargir leurs pratiques. On peut imaginer que les infirmières puissent s'engager plus dans l'éducation thérapeutique par ce biais par exemple. Les opportunités peuvent exister si les libéraux ont des projets. À eux de s'organiser entre eux et de se poser en partenaires des ARS. Tout dépendra aussi des leviers financiers dont disposeront les ARS.

Le projet de loi de Roselyne Bachelot semble hospitalo-centré...

En effet, le texte est très structuré autour d'une logique hospitalière. L'ambulatoire est pour ainsi dire défini à partir de l'hôpital. La crainte pourrait donc être de placer l'hôpital comme l'opérateur pivot et de développer une culture principalement hospitalière. Si l'on cherche à repenser l'ambulatoire à travers l'hôpital, on fait fausse route. Mais le fait est que l'on n'est pas capable d'instituer quelque chose qui représenterait l'intérêt général en ambulatoire.