Une brèche dans la liberté d'installation - L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 241 du 01/10/2008

 

PROFESSION

Actualité

SIGNATURE DE L'ACCORD > Les quatre syndicats représentatifs des infirmiers libéraux ont signé, le 4 septembre, le premier avenant à leur nouvelle convention nationale. Si ce texte instaure pour la première fois des mécanismes de régulation de l'offre de soins, il accorde en même temps d'importantes contreparties à la profession.

Une hausse de 5,33 % des honoraires contre l'encadrement de l'installation des infirmières libérales dans certains bassins de vie surdotés, c'est sur ce compromis que s'est achevé, le 4 septembre, l'interminable feuilleton conventionnel de la régulation démographique.

En juillet, une première mouture du texte avait été rejetée, les syndicats n'étant pas parvenus à s'entendre avec l'Uncam sur le montant des revalorisations et sur les modalités de régulation des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) : « La pression était forte, mais nous avons tenu bon, se félicite le président de la FNI, Philippe Tisserand. Pour le gouvernement, c'était un accord important : nous étions convaincus qu'il finirait par faire des concessions. »

Régulation globale

Et, de fait, si le texte finalement adopté introduit bien un mécanisme de régulation de l'installation des infirmiers libéraux - une arrivée pour un départ dans les zones surdenses - il accorde aussi de nombreuses contreparties à la profession. À commencer par une rallonge sur le montant des revalorisations tarifaires. Le 15 avril 2009, les libérales bénéficieront ainsi d'une augmentation globale de 211 millions d'euros, contre les 150 millions initialement prévus.

Pour le président de Convergence infirmière, Marcel Affergan, le plus important, néanmoins, est d'avoir obtenu de vraies garanties sur la régulation globale de l'offre de soins : « L'avenant prévoit désormais explicitement la suspension du dispositif de régulation, dès lors qu'il y aura création ou extension d'un Ssiad dans une zone surdotée », explique-t-il.

Contrat solidarité santé

Autre victoire pour les syndicats : l'extension des mesures d'aide à l'installation aux infirmières déjà en exercice. Pour toutes les libérales exerçant dans les bassins de vie «très sous dotés», l'assurance maladie participera en effet à l'équipement du cabinet ou à tout autre investissement professionnel - dont le véhicule - à hauteur de 3 000 euros par an pendant trois ans. Elle prendra également en charge une partie des cotisations familiales. En contrepartie, les libérales devront adhérer à une option conventionnelle, baptisée «contrat solidarité santé», où elles s'engageront notamment à assurer le suivi des patients atteints de maladies chroniques.

Dans un communiqué, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a salué le « caractère responsable » de cet accord, envoyant du même coup une pique aux jeunes médecins, qui avaient violemment rejeté l'an dernier toute idée de restriction à leur liberté d'installation... Ces derniers n'ont d'ailleurs pas tardé à réagir, affirmant qu'ils n'accepteraient pas que les mêmes dispositions leur soient appliquées.

Dispositif expérimental

Les infirmiers, eux, sont sereins : « Tout le monde crie à la fin de la liberté d'installation, mais on en est encore loin », affirme la vice-présidente de l'Onsil, Béatrice Galvan, qui rappelle que les mesures de restriction ne devraient concerner qu'un tout petit pourcentage de la profession et que le dispositif reste pour l'instant expérimental : « Pendant deux ans, nous allons observer ce qui se passe sur le terrain. Si ce n'est pas concluant, la régulation tombera à l'eau, tout simplement ! »

3 questions à

... la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi)

Comment réagissez-vous à l'accord signé par les infirmiers libéraux ?

En acceptant de l'argent contre la liberté d'installation, ils ont ni plus ni moins sacrifié l'avenir des jeunes générations. Ces mesures coercitives entraîneront à n'en pas douter une désaffection progressive de l'exercice libéral, ce qui a aboutira à l'effet inverse de celui escompté.

Vous estimez ne pas avoir été suffisamment consultés sur ce sujet...

Nous avons été conviés à rejoindre ces négociations pour la première fois le 17 juillet ! À ce stade, les grandes orientations de la réforme avaient déjà été prises...

Selon vous, comment remédier aux écarts démographiques ?

Il faut commencer par établir un vrai état des lieux de l'offre en soins et des besoins de la population, puis privilégier les mesures incitatives : informer les infirmiers lors de la formation initiale, développer les stages en libéral, favoriser l'exercice en groupe, multiplier les aides à l'installation...

La Cour des comptes relance le débat

Curieuse coïncidence. Au moment même où les infirmiers libéraux obtiennent une importante hausse de leurs tarifs, un rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale pour 2008, publié le 10 septembre, épingle l'augmentation «préoccupante» des dépenses de soins infirmiers. En 2007, celles-ci ont en effet progressé de 8,3 %, contre 4,6 % pour l'ensemble des soins de ville. En cause, selon la Cour des comptes : une « capacité de régulation dégradée », en particulier en matière de soins de nursing, dont le nombre est en croissance constante. « On peut regretter que, dans ce contexte, les conventions de 2002 et de 2007 aient mis fin au gel des tarifs des actes en AIS », écrit la Cour des comptes, qui déplore par ailleurs que l'avenant signé le 4 septembre se fasse « au prix d'un risque de limitation des places de Ssiad, pourtant susceptibles d'assurer de manière adaptée et à moindre frais la prise en charge des soins de nursing aux personnes âgées ». Qui a dit que le débat était clos ?