Cahier de formation
Savoir faire
Mademoiselle Jane E. est sous aripiprazole (Abilify®). Le CMP vous contacte pour son suivi car elle a tendance à «gober» son traitement dès qu'elle est angoissée. Que devez- vous savoir ?
«Gober» signifie que la patiente a tendance à abuser du traitement lors d'une angoisse. Vous apprenez qu'à 18 ans elle a décompensé une schizophrénie . Le suivi régulier peut éviter une réhospitalisation. Outre l'administration de l'Abilify®, la visite vespérale permet de vérifier l'absence d'angoisse ou de tension.
Le rôle de l'infirmier libéral consiste à administrer le traitement et à évaluer l'état psychique du patient.
Malgré leur comportement extérieur (ambivalence, bizarrerie, délire...), les patients sont en grande souffrance psychique et très sensibles au regard extérieur.
→ Se préparer : demandez au CMP comment est le patient physiquement pour mieux appréhender la première visite et éviter d'afficher votre étonnement.
→ Premier contact téléphonique ou de visu : se présenter, rester calme, naturel et être franc.
Exemple : « Bonjour, je suis monsieur M. J'ai vu le Dr D., il vous en a parlé. Désormais, je viendrais vous donner le traitement. Fixons ensemble des horaires possibles pour tous les deux. » L'objectif est d'être en confiance mutuelle.
Il n'y a aucune raison pour que le patient ne prenne pas le traitement puisque l'infirmière libérale le lui donne. Malgré tout, une résurgence de la symptomatologie est possible (histoire de la maladie, événement stressant, prise de toxique, modification de traitement...).
→ Éviter le « bonjour, voici le traitement, et au revoir ». Il ne s'agit pas de faire un entretien infirmier, mais de discuter simplement. Lors de la visite, posez des questions basiques : sommeil, alimentation...
→ Observer sa tenue (hygiène) et son appartement pour noter s'il y a des changements.
→ Écoutez ce qu'il dit, les termes et le ton employés.
→ Le patient ne vous ouvre pas : insistez et appelez-le au téléphone. S'il ne répond pas, vous repassez plus tard. S'il n'est pas là de la journée, alertez le CMP. S'il vous ouvre le deuxième jour, reprenez avec lui : « Je suis venu hier, vous n'étiez pas là. » Il vous dit être sorti. Précisez alors : « Vous savez que je passe à telle heure. Vous ne devez pas partir, sinon avertir la veille pour que nous modifions l'horaire. »
→ Le patient est angoissé, a des hallucinations, parle fort et se sent menacé : s'il crie, ne criez pas pour ne pas augmenter l'agressivité, mais parlez de plus en plus doucement. Si le patient délire, évitez de dire « ce n'est pas vrai », car ça l'est pour lui.
Puis alertez le CMP . Le psychiatre peut alors avancer la visite au CMP ou modifier le traitement. Dans tous les cas, surveillez le patient. Si tout rentre dans l'ordre au bout de quelques jours, rappelez le CMP.
→ Les comprimés Velotab d'olanzapine (Zyprexa®) se mettent dans la bouche ou s'avalent après dissolution dans de l'eau, jus de fruit, café...
→ La solution de rispéridone (Risperdal®) ne doit pas se prendre avec du thé ou toute boisson contenant de la théine.
→ La solution buvable de loxapine (Loxapac®) s'administre de préférence dans un jus de fruit.
→ Risperdal® Consta® LP se conserve impérativement dans le réfrigérateur sous peine de cristalliser.
Les NLP ont des effets indésirables gênants, voire graves, fréquents (3 patients sur 10 en souffriront au cours de leur vie), souvent responsables du manque d'observance.
Ces effets sont liés à leur action antagoniste sur les récepteurs dopaminergiques et sur d'autres types de récepteurs (cholinergiques, alpha-adrénergiques, histaminergiques, sérotoninergiques).
Généralement, on constate moins d'effets indésirables neurologiques et extrapyramidaux avec les NLP atypiques, mais davantage de troubles métaboliques.
→ L'hypotension orthostatique : potentialisée par les anti-hypertenseurs, les médicaments du système nerveux central.
→ Les effets atropiniques (sècheresse buccale, dysurie, constipation, tachycardie, confusion), plus marqués avec les NLP classiques, l'olanzapine (Zyprexa®) et la clozapine (Leponex®).
→ Le syndrome malin : associe hyperthermie, hypotension, rigidité musculaire, troubles nerveux, altération de la conscience. Il peut survenir avec tous les NLP : il est rare (0,5 %) mais à fort potentiel mortel (20 % de mortalité en l'absence de traitement).
→ Troubles de la régulation thermique : hypothermie au froid, hyperthermie à la chaleur.
Ces effets extra-pyramidaux concernent essentiellement les NLP classiques, mais se rencontrent aussi avec les atypiques. On trouve précocement des dyskinésies, des dystonies aiguës (mouvements anormaux de la face), un syndrome parkinsonien (akinésie : rareté du mouvement ; hypertonie : rigidité par à-coup ; tremblement de repos), une akathisie (impossibilité de rester assis), une tasikinésie (tendance à la déambulation permanente). Les dyskinésies tardives, en grande partie irréversibles, se manifestent par des mouvements anormaux très variés (face, membres, tronc).
Sédation, confusion, anxiété, indifférence psychomotrice, dépression. Le risque de somnolence et l'abaissement du seuil épileptogène impose une restriction de certaines activités (conduite automobile...).
Hyperprolactinémie (gynécomastie, galactorrhée, impuissance, frigidité, aménorrhée) fréquente avec les NLP classiques et la rispéridone ; prise de poids ; diabète, hyponatrémie de dilution. Les troubles métaboliques (hyperglycémie, hypertriglycéridémie) sont fréquents avec les atypiques. La prise de poids, fréquente et importante sous clozapine et olanzapine, augmente le risque cardiovasculaire.
Allongement du QT, d'où une surveillance régulière de l'ECG et un contrôle de l'équilibre ionique et des interactions médicamenteuses (rare cas de mort subite avec certains NLP).
En raison du risque d'agranulocytose, la délivrance de clozapine (Leponex®) est encadrée.
→ Prescription restreinte : prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux psychiatres, neurologues et gériatres ; renouvellement possible en ville par ces mêmes spécialistes.
→ Surveillance de la NFS : 1 fois/semaine durant les 18 premières semaines de traitement et au moins 1 fois/mois tout au long du traitement et pendant les 4 semaines suivant l'arrêt. Si les globules blancs sont à moins de 3 000 mm3 ou les polynucléaires neutrophiles sont à moins de 1 500 mm3, le traitement est arrêté.
Avertir rapidement le médecin en cas d'apparition de symptômes pseudo-grippaux (fièvre, angine) et autres signes d'infection pouvant révéler une neutropénie.
Le risque accru de myocardite ou de cardiomyopathie sous Leponex® impose une surveillance cardiologique (surtout les deux premiers mois). Avertir le médecin en cas de palpitations, de douleurs thoraciques, de dyspnée, tachypnée ou de fatigue inexpliquée.
→ Carnet de suivi : le médecin note sur l'ordonnance que la numération-formule leucocytaire a été réalisée (date) et que les valeurs sont dans les limites des valeurs usuelles ; il tient à jour un carnet de suivi. L'infirmière libérale doit vérifier le carnet de suivi du patient.
Leucopénie, photosensibilisation (phénothiazines), agranulocytose (clozapine), tératogénicité, rétention, biliaire, cytolyse hépatique, dépôt cornéen.
Surveiller régulièrement les dents (risque de caries) en raison de la baisse de sécrétion salivaire. Orientez vers le dentiste. En cas d'exposition solaire, protéger les parties découvertes par un écran haute protection en raison de la photosensibilité quasi-systématique des NLP (phénothiazines surtout). La peau peut prendre une coloration pourpre (les «purple people»).
Les NLP entraînent souvent un gain pondéral en empêchant également la sensation de satiété. Une prise de 5 kg dans les 3 mois nécessite une consultation diététique. Lors d'une discussion informelle sur les repas, orientez vers des aliments peu caloriques et adaptés aux faibles ressources de ces patients. Aliments faciles à stocker, à conserver et peu coûteux : oeufs, thon et poisson en conserve, boeuf en gelée, lait, yaourt et fromage de premier prix et longue conservation, pomme, chou-fleur, épices pour agrémenter, légumes secs (lentilles, pois, semoule...), légumes en conserve, fruits en conserve ou de saison. Ces apprentissages peuvent se faire en programme de psychoéducation.
Boire beaucoup d'eau et régulièrement contre la bouche sèche. En palliatif, utiliser Sulfarlem S 25® ou Artisial® (salive artificielle).
S'hydrater est indispensable en période de chaleur lorsqu'on est sous NLP (le corps réagit moins bien à la chaleur). Le transit sera également amélioré .
L'alcool est contre-indiqué, surtout en début de traitement en raison de la somnolence excessive qu'il provoque. La consommation de drogues (cannabis...) peut favoriser une réapparition de symptômes. En parler au psychiatre. Alcool, tabac et cannabis peuvent modifier les concentrations des NLP (moindre efficacité).
Les troubles métaboliques nécessitent une activité physique régulière (la marche, par exemple). En raison de l'hypotension orthostatique, ne pas se lever brusquement.
Cette plainte est fréquente. Elle est en lien à la fois avec la psychose (image du corps, relation à l'autre et à soi...) et les effets indésirables des traitements (troubles de la libido et de l'érection). Incitez le patient à en parler à son psychiatre.
L'action antidopaminergique des NLP expose à un risque d'effets extrapyramidaux traités en réduisant la posologie du NLP. On peut aussi rajouter un correcteur anticholinergique dont l'action induit également des manifestations iatrogènes (sècheresse buccale, troubles de la miction, de l'accommodation et digestifs). D'où sa prescription uniquement en curatif et pour une durée de quatre mois au plus.
Correcteurs : bipéridène (Akineton® LP, 4 à 8 mg le matin), trihexyphénidyle (Artane® 4 à 15 mg en 2 à 3 prises ou 5 à 30 mg/j en IM ; Parkinane® LP 4 à 15 mg/j en 1 prise) ; tropatépine (Lepticur® 10 à 30 mg/j en 1 prise ou 10 à 20 mg/j IM, Lepticur Park® 20 à 30 mg/j).
Franck Guillou, infirmier libéral, Le Pontet (Vaucluse)
« Si un patient ne se sent pas bien, je lui prends la température. En cas de fièvre, j'appelle le CMP pour les informer que j'arrête le NLP le temps que la température redevienne normale. J'appelle aussi le médecin traitant si nécessaire. En cas de prescription associée (antibiotique, antipyrétique...), j'avertis toujours le CMP. Le psychiatre doit toujours être au courant. »
Puis-je arrêter le traitement puisque je vais bien ?
C'est parce que vous prenez le traitement que vous allez bien. Si vous l'arrêtez, vous ne vous sentirez pas bien. L'objectif : faire accepter la maladie et le maintien du soin dans le temps.
Stéphanie Camelio, infirmière libérale, Montfavet (Vaucluse)
« Si un CMP m'appelle afin de gérer le traitement oral de Monsieur X, je demande le nom et les coordonnées du psychiatre qui le suit et celles du CMP et de l'infirmier référent. Je dois connaître le diagnostic posé, le traitement médicamenteux et l'ensemble de la prises en charge. Je m'informe sur la clinique du patient et son parcours (signes positifs et négatifs, comment il manifeste son angoisse), son entourage et qui je dois contacter ou prévenir (tuteur...) en cas de questions administratives ou sanitaires. Je mets en place une DSI quand le suivi dépasse un mois. Sinon, je cote en AMI 1. »