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L'Infirmière Libérale Magazine n° 242 du 01/11/2008

 

APRÈS L'HOSPITALISATION

L'exercice au quotidien

En guise de suivi d'hospitalisation, un octogénaire n'aura bénéficié que d'un trajet en ambulance. Sans le passage de son infirmier en fin de journée, il passait la nuit dans le fauteuil du salon. Jean-Bernard, infirmier libéral en Champagne-Ardenne, raconte.

«Il y a quelques mois, je suis arrivé assez tard chez l'un de mes patients pour son injection d'insuline. Ma journée avait été longue, mais la sienne aussi, apparemment ! Ce patient est un homme de 85 ans. Il n'habite pas seul, mais vit en couple avec une épouse au moins aussi âgée que lui. Lorsque je suis entré dans le salon, j'ai vu le papy affalé dans son fauteuil, d'épaisses cernes autour des yeux. J'ai tout de suite remarqué que quelque chose n'allait pas : mon rôle n'allait pas se cantonner à la prise de glycémie. Il avait d'ailleurs oublié que je devais passer.

Victime d'un oubli

Le matin même, il était rentré d'un bref séjour à l'hôpital. Un ambulancier l'avait raccompagné chez lui et déposé dans l'un des fauteuils du salon. Le problème, c'est que la journée s'était écoulée et que ce patient, fatigué par toutes ces émotions, n'avait pas anticipé sur cette question pourtant simple : où allait-il passer la nuit ? Dans ce fauteuil ? Faut-il blâmer le patient, son épouse, l'ambulancier ou l'équipe hospitalière surchargée de travail qui l'avait renvoyé chez lui sans s'assurer d'un suivi digne de ce nom ?

Évaluer l'urgence

Toujours est-il que j'ai alerté aussitôt le médecin traitant qui m'a assuré que tout serait réglé le lendemain matin. J'ai donc paré au plus pressé : sortir le patient du fauteuil, l'aider à gravir les marches pour regagner la chambre à l'étage. Il ne sortait pas d'une opération chirurgicale et il n'était pas complètement impotent. C'est juste qu'il ne pouvait pas faire tout ça sans soutien. Un soutien physique, mais moral aussi.

Une détresse muette

La détresse de ce couple était telle que l'épouse m'a confié après coup qu'elle n'avait envisagé aucune autre solution que de passer la nuit à ses côtés dans le salon. Attendre jusqu'à ce que quelqu'un vienne. Lâcher dans la nature des gens qui ne savent ni doser leurs médicaments ni regagner leur lit... Je n'en veux pas à mes confrères de l'hôpital : je connais bien la masse de travail qu'ils abattent chaque jour.

Mais l'économie doit-elle être réalisée sur les personnes fragilisées par l'âge ou par toutes celles qui n'oseront pas réclamer de l'aide ? »

Avis de l'expert

« Ce genre de situation devrait disparaître... »

Catherine Romand, coordinatrice du Clic de Charleville-Mézières (08)

« Heureusement que cet infirmier est passé ! Le frigo vide et l'isolement, voilà ce qui attend certaines personnes âgées. C'est pourtant dès leur entrée que l'hôpital doit en préparer la sortie, afin d'éviter toute rupture de soins. Avec la mise en place d'équipes mobiles gériatriques pour assurer l'interface entre l'hôpital et la ville, ce genre de situation devrait disparaître... Il faut savoir que le médecin traitant n'est pas toujours le mieux placé pour prendre le relai. L'idéal, pour le libéral qui intervient, est de conserver le numéro d'une plateforme de proximité : un Clic (Centre local d'information et de coordination) quand c'est possible, à défaut les services sociaux, ou le CCAS (Centre communal d'action sociale). Même s'il n'existe pas de numéro d'urgence 24 h/24. »