Engagé pour faire reculer la mucoviscidose - L'Infirmière Libérale Magazine n° 244 du 01/01/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 244 du 01/01/2009

 

Jean-Philippe Duplaix, militant d'une association de patients

La vie des autres

Atteint lui-même de mucoviscidose, Jean-Philippe Duplaix fait partie de ceux qui agissent au sein d'une association pour améliorer le quotidien, la prévention et la prise en charge des personnes concernées par cette maladie.

En mai dernier, la capacité respiratoire de Jean-Philippe Duplaix, 34 ans, était descendue à 19 %. Très progressivement, puis par paliers brutaux. Cinq mois à peine après sa greffe (grâce à un greffon compatible rapidement disponible), il a repris ses activités : son boulot d'électricien à mi-temps - même si ce n'est pas encore la forme olympique - et son engagement au sein de l'association Vaincre la mucoviscidose (VLM). Une association qu'il connaît bien : ses parents ont longtemps fait partie de ses membres actifs. « Je ne m'en rendais peut-être pas compte à l'époque, mais cela m'a probablement donné le goût de changer les choses », explique-t-il.

Lui s'est particulièrement impliqué dans le conseil des patients, qui regroupe, depuis 1996, des adultes atteints par la maladie. Une conséquence de la fabuleuse augmentation de l'espérance de vie, ces vingt dernières années, des personnes atteintes par la plus fréquente des maladies génétiques. Son but, à l'origine : rencontrer des gens concernés, comme lui, par cette pathologie. Aujourd'hui, les enfants ou les jeunes malades n'ont plus guère de contacts avec leurs pairs afin d'éviter les contaminations.

Militer, c'est lutter

Plus sensibles que la population générale aux infections, les personnes atteintes de mucoviscidose sont en effet plus fréquemment porteuses de germes pathogènes pour elles et potentiellement pour les autres «muco» qu'elles rencontrent. Elles se sentent donc souvent très isolées. « J'avais besoin de parler de choses que je ne pouvais pas aborder avec mes copains et qui me prenaient beaucoup de temps et d'énergie, raconte Jean-Philippe Duplaix, comme les cures d'antibiotiques, la prise en charge médicale... » Au conseil des patients, les participants échangent idées, astuces et conseils. Ils se rencontrent trois à quatre fois par an et se retrouvent une fois par mois lors de réunions téléphoniques. « Au fur et à mesure, poursuit-il, je me suis impliqué davantage dans l'association. Depuis cinq ou six ans, je suis devenu plus militant. » Il est maintenant membre du bureau du conseil des patients et il siège au conseil d'administration de l'association. Ses motivations se sont étendues au développement de l'aide aux malades ainsi qu'à l'amélioration des soins.

Aux limites de la science

« Quand on est patient, on trouve que les choses ne vont pas assez vite : il se passe au moins sept ans entre les dons d'argent et la découverte d'une molécule ! », regrette Jean-Philippe Duplaix. Il n'hésite donc pas à s'intéresser aux sujets les moins traités, comme les affections néphrologiques : « En prenant des antibiotiques pendant trente ans, les reins sont souvent abîmés. L'association pourrait mobiliser les CRCM* sur cette question. Il faut débloquer des fonds. » L'organisation des soins et des examens, qui exigent beaucoup d'attente et de déplacements, le préoccupe aussi. Les adultes du conseil des patients cherchent avant tout à prévenir l'apparition de ces difficultés pour leur cadets ou à améliorer leur prise en charge. Alors qu'autrefois les malades mouraient très jeunes, « nous, les patients adultes, même si nous sommes les plus combatifs, nous sommes aux limites de la science, observe Jean-Philippe Duplaix. Quand on soulève un problème, il n'y a pas forcément de solution à mettre en face... »

Il multiplie aussi les moments de communication et de débat pour faire connaître les problématiques de la mucoviscidose aux professionnels de santé ou de l'accompagnement social qui ne connaissent pas la maladie. Mais aussi pour sensibiliser la population à la pauvreté des personnes souffrant de maladies chroniques ou de handicaps (à l'initiative de Ni pauvres ni soumis). Cet engagement, c'est une façon de combattre la mucoviscidose, sur un plan collectif.

Même s'il ne perd pas de vue les progrès à accomplir, il brandit son optimisme comme un étendard. « Quand on a connu pas mal de galères et qu'on s'en est sorti, on finit par relativiser et on s'accroche à ce qu'on a. »

Coups de blues

Aujourd'hui, sa capacité respiratoire est revenue à 70 % grâce à la greffe. Mais cela n'a pas tout réglé : la perspective du rejet est toujours présente, les problèmes de pancréas sont encore là et la sensibilité aux germes n'a pas disparu... Face aux coups de blues, les centaines de membre actifs de Vaincre la mucoviscidose forment « une petite communauté très soudée - certains sont devenus des amis ». Le chemin déjà parcouru comme les succès obtenus par l'association lui confirment l'utilité de son engagement. Mais également les amis «non muco» : « C'est bien aussi d'avoir des amis qui ont des problèmes «normaux». Sinon, on se renferme sur soi-même », sur la maladie. Et ça, c'est ce dont il ne voudrait à aucun prix.

*CRCM : centres de ressources et de compétences sur la mucoviscidose

Il dit de vous !

« Je côtoie les infirmières libérales lors des cures d'antibiotiques, que je fais à domicile depuis que j'ai 15 ans. Pas mal de patients ont du mal à trouver une infirmière : elle doit savoir piquer dans une chambre implantable et accepter de prendre un patient muco car, pendant les cures, elle vient trois fois par jour pour piquer, voire six fois si elle doit aussi débrancher la perf. On est très dépendant des infirmières. Elles pourraient être mieux formées à la mucoviscidose, connaître les gestes techniques nécessaires et les règles d'hygiène de base, comme porter le masque ou la blouse. On doit parfois le leur rappeler. L'association organise des réunions à leur intention et elles peuvent également se faire aider par les infirmières coordinatrices des CRCM*. Il faudrait aussi que leurs actes soient mieux remboursés. »

AGIR PLUS POUR SUBIR MOINS

Vaincre la mucoviscidose 700

L'association Vaincre la mucoviscidose a été créée par des parents d'enfants atteints en 1965, alors que l'espérance de vie était de sept ans. Des progrès énormes ont été réalisés depuis dans tous les domaines : aujourd'hui, un tiers des patients ont plus de 18 ans et les enfants atteints qui naissent à présent ont une espérance de vie de 46 ans... L'association compte plus de 6 000 membres, qu'il soient patients, parents ou professionnels. Son credo : agir plus pour subir moins. Son action s'articule autour de quatre axes : guérir, soigner, vivre mieux et sensibiliser. Quatre projets d'action ont été définis en 2005 : concrétiser les avancées de la recherche, anticiper l'évolution des soins, renforcer l'autonomie des patients et ne pas laisser les malades décéder faute d'accès à une greffe de qualité. Environ 6 000 personnes sont atteintes en France par la mucoviscidose.