L'INFECTION A VIH ET LE SIDA - L'Infirmière Libérale Magazine n° 244 du 01/01/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 244 du 01/01/2009

 

Cahier de formation

Savoir

S'il n'existe pas de traitement curatif permettant d'éradiquer le virus de l'infection à VIH, les progrès thérapeutiques ont profondément modifié l'espérance de vie des malades. Leur vie reste difficile et la prévention essentielle.

DÉFINITION

L'infection par le VIH, ou virus de l'immunodéficience humaine, est une infection chronique et progressive dont le stade ultime est un déficit immunitaire profond, le sida (syndrome de l'immunodéficience acquise). L'évolution spontanée de cette infection peut être divisée en trois phases :

→ la phase aiguë de primo-infection qui dure quelques semaines ;

→ la phase chronique sans symptômes cliniques qui dure plusieurs années ;

→ la phase finale symptomatique qui dure de quelques mois à peu d'années. Dans la majorité des cas, les signes cliniques apparaissent entre sept à onze ans suivant la primo-infection, mais parfois plus tôt (5 % dans les deux ans). Néanmoins, quelques sujets appelés «non-progresseurs» (5 à 8 %) demeurent asymptomatiques à long terme.

LA SITUATION EN FRANCE

Une maladie chronique comme une autre ?

Depuis l'introduction en 1996 des trithérapies dites «puissantes», la morbidité et la mortalité dues au VIH ont considérablement diminué. L'infection VIH est ainsi passée du statut de maladie rapidement mortelle à celui d'une affection chronique. Cependant si l'espérance de vie des patients traités est devenue similaire à celle de patients traités pour une autre maladie chronique, comme le diabète par exemple, leur vie reste difficile : traitements à vie, effets secondaires lourds, affections intercurrentes, dépendance vis-à-vis d'un système de soins, discrimination. Les traitements antirétroviraux permettent souvent aux personnes vivant avec le VIH de demeurer actifs et socialement insérés, mais au prix d'un combat qu'il ne faut pas sous-estimer. Les associations de malades sont d'une aide précieuse.

Attention à la banalisation

« Dire l'efficacité toujours croissante des multithérapies antirétrovirales, la moindre fréquence de leurs effets indésirables et la simplification considérable des prises médicamenteuses risque a contrario de banaliser cette infection «devenue comme les autres» et ne méritant peut-être plus de demeurer une priorité de prévention. Il faut encore et toujours parler du sida », affirme le Pr Pierre-Marie Girard, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Saint-Antoine, (AP-HP), in le BEH 45-46 du 1/12/2008 édité par l'InVS.

Prévalence

En France, plus de 120 000 personnes sont infectées par le VIH, environ 30 000 souffrent du sida et plusieurs milliers se contaminent chaque année. Si l'épidémie n'est plus ce qu'elle était, elle reste cependant active, et un seul rapport sexuel peut suffire à transmettre cette infection.

On assiste à une banalisation du risque VIH depuis la diffusion des multithérapies puissantes et à un relâchement des mesures de prévention de la transmission sexuelle du VIH, en particulier chez les personnes homosexuelles. Il est donc nécessaire de renforcer les messages de prévention et d'améliorer les stratégies de dépistage.

Messages de prévention

L'information est un élément clé de la prévention, dès l'adolescence. Ultérieurement, la prévention repose sur une sensibilisation des populations cibles (ayant des pratiques à risque, vivant dans un environnement vulnérable). La prévention n'est efficace que si elle est adaptée à l'âge, au sexe, aux modes de vie et au contexte socioculturel.

Améliorer les stratégies de dépistage

En France, environ 36 000 personnes ignorent leur séropositivité. Or les séropositifs qui s'ignorent sont les plus à même de transmettre le VIH, notamment au début de l'infection (0 à 6 mois). De plus, 33 % des personnes séropositives ont une prise en charge tardive, ce qui diminue leurs chances de succès thérapeutique. Ce dépistage ne peut s'envisager qu'avec le consentement de la personne et encadré par une pratique compétente de conseils pré- et post-tests, appelée counceling.

Lutter contre la discrimination

La discrimination est un facteur d'isolement, de perte d'estime de soi, de difficultés à trouver un emploi, de pauvreté, d'insécurité. Autant d'éléments entravant l'adhérence au traitement et son succès. Une relation de confiance avec le soignant et de l'aide auprès des associations sont nécessaires.

DONNÉES VIROLOGIQUES

Elles sont essentielles à connaître afin de comprendre la physiopathologie de l'infection et les cibles des traitements.

Classification

Les virus de l'immunodéficience humaine (VIH) appartient à la famille des rétrovirus. Cette famille recouvre tous les virus possédant une enzyme, la transcriptase inverse.

→ Les lentivirus responsables de déficits immunitaires lentement évolutifs chez l'homme, avec les HIV (human immunodeficiency virus) ou VIH (virus de l'immunodéficience humaine) chez l'homme, et le SIV chez le singe. Deux sous-types de VIH ont été identifiés à ce jour : les VIH-1, répandus sur l'ensemble des continents, et le VIH-2, présent surtout en Afrique de l'Ouest.

→ Les oncovirus à ARN associés à des tumeurs et à des leucémies (HTLV-1 et HTLV-2).

→ Les spumavirus, sans pathologie connue chez l'homme, et retrouvés chez de nombreux mammifères.

Structure du VIH

Le virus se présente sous la forme d'une particule sphérique d'un diamètre de 80 à 100 nanomètres (nm).

Une enveloppe externe entoure une capside qui contient le génome viral (constitué d'ARN) et les enzymes nécessaires à la réplication du virus.

Le génome du VIH est constitué d'au moins trois régions (ou gènes) et d'autres gènes régulateurs. Des variations de ces gènes ont créé différents types de virus VIH :

→ deux sous-types : VIH-1 et VIH-2 ;

→ dans le type VIH-1, il existe trois groupes principaux : le groupe M regroupant 9 sous-types (A-D, F-H, J et K), les groupes N et O ;

→ d'autres souches virales recombinantes entre les sous-types sont décrites.

Cette grande diversité génétique des virus entre les individus, chez le même individu au cours de l'évolution de l'infection, et entre les zones géographiques explique en partie les difficultés à l'obtention d'un vaccin préventif, et les résistances aux traitements.

Cycle de réplication virale

Le virus est adsorbé et pénètre dans la cellule cible. Cette étape nécessite la reconnaissance par l'enveloppe virale de molécules de surface sur la cellule cible : la molécule CD4, récepteur de haute affinité, et les corécepteurs CCR-5 et CXCR-4.

L'ARN viral est ensuite traduit en ADN proviral par la transcriptase inverse.

L'ADN proviral est intégré au génome de la cellule cible grâce à l'intégrase virale.

Les étapes suivantes, dont l'une fait intervenir une protéase, conduisent à la formation de nouvelles particules virales et à la destruction de la cellule hôte. Les nouvelles particules virales sont libérées dans le milieu extra-cellulaire, prêtes à infecter une nouvelle cellule cible.

Conséquences de la réplication du virus

La réplication du virus est un phénomène continu. Les lymphocytes CD4, cellules clés du système immunitaire, représentent la principale cible du VIH, mais d'autres cellules exprimant le récepteur CD4 sont aussi infectées, dont les monocytes, macrophages, cellules dendritiques, cellules microgliales dans le cerveau.

L'infection est associée à une activité immune intense, mais ces réponses immunes sont insuffisantes et inadaptées pour contrôler l'infection. L'activation immune chronique entraîne sur plusieurs années un renouvellement rapide des lymphocytes CD4. Mais elle conduit également à une réplication constante du virus (par apport de nouveaux lymphocytes CD4) et un dysfonctionnement immunitaire global conduisant à un déficit immunitaire profond.

De plus, la réplication constante du virus amène l'émergence et/ou la sélection de variants viraux qui échappent aux réponses immunes de l'hôte.

Les marqueurs pronostiques de l'infection

→ Le taux de lymphocytes CD4 d'une personne non contaminée est audessus de 500 CD4/mm3 de sang, souvent même plus de 1 000.

→ Le niveau de charge virale VIH plasmatique mesure la quantité d'ARN du virus présente dans le sang et est exprimée en copies/ml de plasma. Elle informe de l'ampleur de la réplication virale. Le seuil de détection du test est de 50 copies/ ml de plasma.

Ces deux marqueurs sont pris en compte dans le suivi des patients, traités ou non.

HISTOIRE NATURELLE

Les manifestations cliniques sont variées : pulmonaires, neurologiques, digestives, hépatiques et biliaires, dermatologiques, hématologiques, oculaires, néphrologiques et rhumatologiques.

L'évolution spontanée de l'infection peut être divisée en quatre phases.

La phase aiguë ou primo-infection

Elle survient 10 à 15 jours après la contamination et dure environ deux semaines. Durant cette phase, le virus se réplique à un niveau élevé.

Elle se manifeste par un syndrome pseudogrippal sévère. Les signes cliniques les plus fréquemment rencontrés sont : fièvre, asthénie, polyadénopathies, éruptions, pharyngite. D'autres signes moins fréquents sont plus spécifiques : ulcérations muqueuses, diarrhée, syndrome méningé, mono- ou polynévrites, paralysie faciale.

La phase chronique asymptomatique

Elle dure plusieurs années, pendant lesquelles le VIH se réplique à un niveau plus faible mais continu et caractérisée par une baisse progressive des lymphocytes CD4 entre 500 et 350/mm3.

La phase pauci-symptomatique

Elle regroupe des pathologies liées au VIH lui-même (thrombopénie) ou des infections mineures témoignant d'un déficit immunitaire intermédiaire. Les plus fréquentes sont : zona multicentrique, condylomes (formation végétante hyperkératosique, indolore, de la région génitale ou anale), molluscum contagiosum, candidoses buccales ou génitales récidivantes, leucoplasie chevelue de la langue (il s'agit de dépôts blanchâtres très adhérents, indolore, des bords latéraux de la langue, avec accentuation des plis linguaux à cet endroit).

La phase symptomatique sida

Elle regroupe des pathologies dues au VIH lui-même ou des affections liées à un déficit immunitaire sévère. La réplication du virus y est active.

→ Des manifestations liées au VIH : encéphalite à VIH, cachexie, fièvre...

→ Des infections opportunistes : tuberculose et mycobactéries, pneumocystose, toxoplasmose, infection à CMV (cytomégalovirus), cryptococcose...

→ Des pathologies tumorales : lymphomes non hodgkiniens, maladie de Kaposi, cancer du col utérin, maladie de Hodgkin.

Les manifestations cliniques les plus fréquentes sont :

→ lésion kaposienne de la maladie de Kaposi. Son aspect est très caractéristique : maculo-papule érythémateuse ou violine, avec infiltration de la base, indolore, non prurigineuse, d'une taille de quelques millimètres à quelques centimètres. Les lésions sont parfois multiples ;

→ amaigrissement, altération de l'état général ;

→ pneumopathie dyspnéisante ;

→ accident neurologique ;

→ diarrhée chronique ou récurrente.

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L'INFECTION

Principes généraux

Le diagnostic biologique de l'infection par le VIH repose sur une analyse de dépistage puis une analyse de confirmation sur le même prélèvement.

L'analyse de dépistage : un test Elisa combiné marqué CE. Elle repose sur une méthode sérologique, qui vise à mettre en évidence la présence des anticorps anti-VIH 1 et anti-VIH 2 (et de façon complémentaire la présence de l'antigène P24).

L'analyse de confirmation : le test Western blot (Wb). Cette analyse permet de confirmer la présence ou non de l'infection par le VIH et la spécificité anti-VIH 1 ou anti-VIH 2 des anticorps.

Diagnostic d'une infection de plus de 6 semaines

Un résultat négatif de l'analyse de dépistage signe l'absence d'infection par le VIH, sauf dans le cas d'une exposition supposée au VIH datant de moins de 6 semaines (le délai pendant lequel un patient récemment infecté a une sérologie négative est de 3 à 6 semaines).

Un résultat positif de l'analyse de dépistage fait réaliser une analyse de confirmation.

Si l'analyse de dépistage et l'analyse de confirmation sont positives, un second prélèvement devra obligatoirement être réalisé afin d'éliminer une erreur d'identité. Seul un résultat positif sur ce second prélèvement permet d'affirmer le diagnostic d'infection par le VIH.

Diagnostic en cas d'exposition supposée de moins de 6 semaines

Une recherche initiale d'infection par le VIH, selon les modalités définies précédemment, est réalisée chez le sujet exposé dès la première consultation. Elle sera répétée six semaines après l'exposition supposée au VIH.

Diagnostic par les tests rapides

Les tests de dépistage rapide permettent d'obtenir un résultat rapide (moins de 30 minutes en général). Tout résultat positif fait l'objet d'un test de confirmation.

Les tests de dépistage rapide sont recommandés dans certaines situations d'urgence médicale après avoir recueilli le consentement éclairé de la personne, afin d'obtenir un diagnostic rapide et permettre une prise en charge adaptée.

Remise des résultats

→ La remise des résultats : elle est réalisée de manière confidentielle par un médecin au cours d'une consultation spécifique, lui permettant de fournir l'information concernant la prévention de l'infection par le VIH et, en cas d'infection diagnostiquée, de débuter la prise en charge et le suivi du patient.

→ L'annonce de la séropositivité : il s'agit d'un moment difficile. La stigmatisation sociale et le sentiment de culpabilité des sujets contaminés sont autant d'éléments qui contribuent à différencier cette infection d'autres maladies potentiellement mortelles. Un soutien psychologique peut être proposé.

→ À l'issue de cet entretien : une prise en charge initiale, hospitalière, doit être rapidement organisée pour recueillir les éléments médicaux utiles et mettre en place les actions urgentes.

ATTITUDE THÉRAPEUTIQUE ET SUIVI

La prise en charge des patients infectés par le VIH dépend de leur statut clinique et de la sévérité du déficit immunitaire. Une prise en charge précoce à la phase asymptomatique permet d'apporter au patient, et parfois à son entourage, une information progressive sur la maladie et ses conséquences et de préparer l'introduction optimale d'un traitement antirétroviral. En revanche, une découverte de l'infection à un stade tardif impose un concentré d'actions urgentes pour réduire la mortalité et la morbidité, qui restent lourdes durant la première année de traitement.

Prise en charge initiale

La prise en charge initiale est globale et aboutit à :

→ établir avec le patient et, éventuellement, son entourage, une relation de confiance ;

→ apprécier le retentissement de l'infection par le VIH sur le système immunitaire par la réalisation d'un phénotypage lymphocytaire (nombre absolu et pourcentage de lymphocytes CD4) ;

→ quantifier l'ARN-VIH plasmatique (charge virale), qui constitue, avec les CD4, un élément essentiel du pronostic et du suivi ;

→ rechercher des complications, notamment infectieuses et tumorales, de l'infection à VIH et mettre en place un traitement si besoin ;

→ rechercher des co-infections (virus des hépatites B et C),et des comorbidités ;

→ débuter, si nécessaire, un traitement préventif des infections opportunistes et un traitement antirétroviral, après réalisation d'un test génotypique (détermination du sous-type viral, recherche de mutations de résistance) ;

→ prendre en compte les problèmes d'insertion, de couverture sociale et les problèmes psychologiques avec mise en place de mesures de soutien et d'accompagnement.

Le bilan initial comprend un examen clinique, interrogatoire, un bilan biologique et un bilan complémentaire avec fond d'oeil si CD4 < 200/mm3, radiographie thoracique et ECG selon le terrain..

Indications du traitement antirétroviral

Objectifs du traitement

L'objectif du traitement antirétroviral est de réduire au maximum la charge virale de façon durable afin d'arrêter la progression de la maladie virale et de restaurer au mieux l'immunité.

L'objectif est donc d'atteindre des CD4 > 500/mm3 et une charge virale indétectable < 50 copies/ml, tout en maintenant la qualité de vie du patient et en limitant ou évitant les risques toxiques.

Quand débuter un traitement antirétroviral

→ Patients symptomatiques ou CD4 < 200/mm3 : le traitement est recommandé sans délai.

→ 200 < CD4 < 350/mm3 : le traitement est recommandé après préparation du patient.

→ CD4 > 350/mm3 : le traitement n'est pas recommandé, mais il peut s'envisager au cas par cas.

En l'absence de traitement

Les patients sont suivis tous les six mois si les CD4 sont > 500/mm3, tous les 3 à 4 mois si les CD4 sont < 500/mm3.

Le traitement antirétroviral

Les médicaments antirétroviraux

Les antirétroviraux actuels agissent au niveau des trois enzymes nécessaires à la réplication du VIH et à l'entrée du virus dans la cellule (cf. schéma page ci-contre) :

→ inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) ;

→ inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) ;

→ inhibiteur d'intégrase (II) ;

→ inhibiteurs de protéase (IP) ;

→ inhibiteur de fusion (IF) ;

→ inhibition des corécepteurs CCR5 du VIH.

Le choix

En 2008, pour un premier traitement, on recourt à une association de trois antirétroviraux (trithérapie), en faisant appel à l'un des schémas suivants :

→ deux INTI + un IP potentialisé par le ritonavir (IP/r) ;

→ deux INTI + un INNTI.

Le choix est individualisé en fonction des caractéristiques du sujet.

L'adhésion

L'adhésion au traitement constitue un facteur essentiel de succès thérapeutique. Si l'adhésion est incomplète avec poursuite de la réplication virale, le risque est l'apparition de mutations de résistance limitant les options thérapeutiques ultérieures. Les traitements antirétroviraux, non curatifs, doivent être prolongés indéfiniment et sans interruption.

Prophylaxie des infections opportunistes

Elle est indiquée pour la pneumocystose et la toxoplasmose si les lymphocytes CD4 sont < 200/mm3. Le traitement repose sur le cotrimoxazole (Bactrim®) ; d'autres molécules sont possibles en cas d'intolérance.

Les prophylaxies anti-CMV (par valaciclovir) et anti-mycobactéries atypiques (par azithromycine) sont discutées chez les patients ayant des CD4 < 50-75/mm3.

Suivi des patients traités

Il nécessite l'implication d'une équipe multidisciplinaire : médecins, infirmières, psychologues, pharmaciens, travailleurs sociaux, psychiatres, associations de patients et parfois l'entourage familial du patient.

Fréquence des consultations

Le patient est revu dans les deux semaines suivant le début du traitement pour en évaluer la tolérance immédiate et son adhésion, puis à un mois et trois mois pour évaluer son efficacité, et tous les trois à quatre mois. Ce suivi a pour objectif le diagnostic et le traitement des pathologies associées au VIH et des infections par les virus des hépatites B et C, le dépistage précoce des complications des antirétroviraux, et le suivi immuno-virologique.

Le suivi clinique

La surveillance porte sur :

→ les infections opportunistes, les pathologies tumorales et les troubles neurocognitifs, qui restent plus fréquents chez les patients infectés par le VIH traités que dans la population générale. Une consultation gynécologique annuelle est réalisée chez la femme pour le dépistage des dysplasies et néoplasies du col utérin, ainsi qu'une consultation proctologique chez l'homme pour le dépistage des dysplasies et néoplasies du canal anal ;

→ la tolérance des antirétroviraux et le suivi des facteurs de risque cardiovasculaires ;

→ le suivi des éventuelles co-infections par les virus des hépatites B et C (risque d'hépatopathie chronique évoluant vers une cirrhose ou un hépatocarcinome).

Le suivi immuno-virologique

Il comporte la mesure des lymphocytes CD4 et de la charge virale VIH. L'objectif est l'obtention d'une charge virale indétectable trois à six mois après l'initiation du traitement, et maintenue à long terme. Le gain de lymphocytes CD4 est retardé par rapport à la diminution de la charge virale : il est de 100 à 200 pendant la première année, avec une augmentation poursuivie ensuite. Toute ascension de la charge virale doit faire craindre l'émergence de virus résistants, dont la mise en évidence repose sur le test génotypique de résistance.

Le suivi biologique

Il permet d'évaluer la tolérance des antirétroviraux (NFS-plaquettes, créatininémie, bilan hépatique, lipasémie, bilan métabolique à jeun, d'autres examens adaptés à la toxicité spécifique de certaines molécules).

Toxicité des antirétroviraux

Si l'avènement des trithérapies antirétrovirales a fait chuter très significativement la morbidité et la mortalité directement liées à l'infection VIH, d'autres complications et risques, liés à la prise à long terme de médicaments, sont apparus : ils grèvent à leur tour la qualité de vie des patients et accroissent leur risque cardiovasculaire. Leur prévention, leur dépistage et leur traitement constituent un élément majeur du suivi des patients traités.

En dehors des visites médicales et des bilans biologiques de surveillance programmés, le patient est informé de l'attitude à adopter et des recours pertinents (médecin généraliste, 15, urgences, service hospitalier référent) face aux troubles qu'il pourrait présenter entre deux consultations.

Les effets indésirables

→ Toxicité immédiate

→ Générale : asthénie, céphalées.

→ Digestive : anorexie, nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales.

→ Allergie, hypersensibilité : rash (éruptions cutanées), fièvre, malaise, toxidermie.

→ Neuropsychique : vertiges, troubles de l'humeur, troubles du sommeil.

→ Hématotoxicité : anémie, neutropénie.

→ Toxicité retardée

→ Hépatotoxicité : cytolyse.

→ Anomalies du métabolisme lipidique : hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie.

→ Anomalies du métabolisme glucidique : intolérance au glucose, diabète.

→ Lipodystrophie : lipoatrophie , lipohypertrophie.

→ Toxicité mitochondriale

→ Elle peut s'exprimer sur un mode aigu, exceptionnel - c'est le tableau d'acidose lactique -, ou sur un mode chronique (myopathies, neuropathies périphériques et pancréatites) ; enfin, et c'est le plus fréquent, sur un mode torpide avec asthénie, fatigabilité musculaire, aspect de vieillissement accéléré.

→ Complications cardiovasculaires : infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral.

→ Ostéoporose, ostéonécrose.

Les effets indésirables graves

Ils imposent un arrêt immédiat du médicament présumé responsable. Il s'agit du syndrome d'hypersensiblilité à l'abacavir, de l'hépatite cytolytique sous néviparine, de signes sévères de toxidermie sous névirapine ou sous efavirenz.

L'acidose lactique, exceptionnelle est une urgence. Des douleurs diffuses, des crampes musculaires, des douleurs abdominales et thoraciques attirent l'attention. S'y associent souvent des troubles digestifs. Puis apparaissent une hyperpnée et des troubles de la conscience.

Les lipodystrophies

Il s'agit d'un trouble de répartition des graisses associant, de façon variable, une perte du tissu adipeux sous-cutané au niveau des jambes, des fesses, des bras et du visage, et une prise de masse grasse au niveau du tronc (avec une augmentation du tour de taille, une augmentation de la masse graisseuse au niveau des seins et parfois un aspect de bosse de bison au niveau de la nuque).

La lipodystrophie constitue une préoccupation pour le patient. Elle peut être à l'origine d'un syndrome dépressif et peut souvent conduire à une moins bonne adhérence au traitement, voire à un arrêt complet de celui-ci. Elle peut aussi induire des troubles métaboliques (dyslipidémie, trouble de la tolérance au glucose).

La prise en charge comprend un ensemble d'options thérapeutiques associées :

→ des interventions sur le mode de vie : arrêt du tabac, pratique d'un exercice physique régulier, de type endurance (par exemple 45 minutes 2 fois par semaine) ;

→ des interventions sur la thérapeutique antirétrovirale ;

→ des moyens pharmacologiques ;

→ des interventions réparatrices chirurgicales ou médicales, dont certaines sont remboursées.

Les facteurs de risque cardiovasculaires

Ce sont le tabac, l'hypertension artérielle, les dyslipidémies et l'intolérance aux glucides. Ils nécessitent un traitement spécifique et des mesures hygiénodiététiques qui comprennent notamment la lutte contre le tabagisme, des recommandations d'activité physiques et des précautions alimentaires en cas d'habitudes alimentaires inadaptées.

Épidémiologie

→ 6 500 personnes ont découvert leur séropositivité en 2007 : 60 % contaminées par des rapports hétérosexuels et 38 % par des rapports homosexuels.

→ Parmi les personnes contaminées par voie hétérosexuelle, la moitié est originaire d'un pays d'Afrique subsaharienne. Le chiffre est en régulière diminution dans la population étrangère hétérosexuelle depuis 2003 et stable dans la population française.

→ Le nombre de découvertes de séropositivité a augmenté chez les homosexuels entre 2003 et 2006 - ce qui reflète le relâchement des comportements de prévention dans cette population -, puis semble se stabiliser en 2007.

→ Les usagers de drogues représentent depuis 2003 une proportion très faible des nouveaux diagnostics (2 %).

Politique de prévention efficace

Les usagers de drogues ont été très touchés dès le début des années 1980 mais, depuis quelques années, cette population représente une minorité des infections à VIH nouvellement diagnostiquées. La vente libre de seringues, la diffusion de kits stériles d'injection à usage unique (Steribox) et l'accès aux traitements de substitution par la méthadone et la buprénorphine représentent des modalités efficaces de prévention.

Le point de vue de...

« Moins de pathologies graves »

Marie D., infirmière libérale en Haute-Garonne (31)

« Alors qu'il y a encore quelques années, nous suivions au cabinet des personnes porteuses du VIH à un stade avancé de la maladie, actuellement nous voyons beaucoup moins ces patients, à l'exception d'actes ponctuels en lien ou non avec leur pathologie. Actuellement il serait intéressant pour les infirmiers libéraux d'être informés sur les droits sociaux pour pouvoir aider les patients et les orienter vers des personnes ressources. »

Orientations préconisées par la HAS

En dehors des situations d'urgence, la Haute autorité de Santé reconnaît l'intérêt potentiel des tests de dépistage rapide pour faciliter l'accès au dépistage des populations qui n'ont pas accès aux dispositifs traditionnels de dépistage. En ce sens, elle encourage la mise en place de projets expérimentaux qui permettront de confirmer les bénéfices attendus de ces tests dans le contexte français.

Le point de vue de...

« Jouer la confiance soigné/soignant »

Dr Jacques Reynes, du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU-Hôpital Gui-de-Chauliac, Montpellier (34)

« Dans un environnement social encore trop souvent stigmatisant et discriminant, le lien de confiance qui s'instaure, pendant plusieurs années, entre personne atteinte et soignants est un élément majeur de la prise en charge. »

Résistance aux antirétroviraux

La variabilité des rétrovirus, et en particulier celle du VIH, est très grande. Elle est liée à plusieurs facteurs. Lors de la réplication virale, la transcriptase inverse et la protéase font des erreurs au niveau du génome qui ne peuvent être corrigées : ce sont des mutations. Le génome nouvellement formé est ainsi différent du virus parental. Certaines mutations peuvent conférer au virus des avantages réplicatifs, si une pression s'exerce sur lui, qu'il s'agisse de celle de la réponse immune ou de celle des antirétroviraux. Ceci d'autant plus que la réplication virale est importante (environ 10 milliards de virions sont produits chaque jour chez une personne infectée). Ces mutations vont être à l'origine de résistances à un traitement antirétroviral. La meilleure prévention de leur apparition consiste à diminuer de façon profonde et durable la charge virale.