LA SOLUTION EFFICACE POUR ÉVIT ER LES CANCERS ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 244 du 01/01/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 244 du 01/01/2009

 

Le dépistage organisé :

Le débat

S'il n'est pas recommandé s'agissant du cancer de la prostate, le dépistage a fait la preuve de son efficacité en matière de cancer du col de l'utérus. De quoi encourager le développement de ce type de campagnes.

Dominique Dupagne

Médecin généraliste exerçant à Paris

Administrateur du site , site Internet santé

Les personnes qui participent aux campagnes de dépistage sont souvent celles qui prennent soin d'elles. Comment toucher les autres ?

C'est le gros problème du dépistage non organisé. On a un très bon exemple avec le frottis : certaines femmes en font tous les trois mois, d'autres jamais, alors qu'il faudrait en faire tous les un à trois ans. On organise des campagnes de dépistage pour lutter contre cela.

Peut-on évaluer le bénéfice/risque de ces campagnes ?

C'est difficile. Il y a le risque de passer à côté d'un cancer et, à l'inverse, celui de diagnostiquer et de traiter comme cancer une lésion qui ne se serait jamais développée. C'est la raison pour laquelle le dépistage du cancer de la prostate, par exemple, n'est pas recommandé, parce qu'il est difficile d'en évaluer le bénéfice/risque.

Quelle serait la méthode optimale pour dépister les cancers ? Pourquoi ne pas se servir par exemple des visites médicales obligatoires dans le cadre de la vie professionnelle ?

On ne peut pas rendre les choses obligatoires, sauf quand il s'agit de vaccination. Il y a néanmoins une forme d'obligation avec le frottis dans le cadre de la prescription de la pilule contraceptive. Le médecin s'appuie sur la délivrance de quelque chose pour imposer un dépistage qui a permis de réduire les risques de cancer du col de l'utérus chez les femmes qui prennent la pilule. Cela dit, le dépistage n'est pas l'arme absolue contre les cancers.

Quelles sont les prochaines maladies qui pourraient faire l'objet de campagne de dépistage organisé ?

Les maladies pour lesquelles on disposera d'un test qui combine la sensibilité, c'est-àdire l'aptitude à ne pas passer à côté d'un cancer, et la spécificité, c'est-à-dire à l'inverse l'aptitude à ne pas considérer comme cancer une lésion sans gravité. Pour le sida, on a un test parfait. Si on avait cela pour les cancers, ce serait formidable. Mais, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, il vaudrait mieux éviter des dépistages intempestifs.

Comment les professionnels de santé qui suivent la population au long cours (généralistes et infirmières, notamment) sont-ils associés à ces campagnes ?

Les généralistes sont déjà impliqués : ils remettent par exemple les tests de recherche de sang dans les selles dans le cadre du dépistage du cancer du colon. Quant aux infirmières, il est important qu'elles comprennent la problématique du dépistage, sa logique, pour informer et conseiller au mieux leurs patients.

Jérôme Viguier

Responsable du département dépistage à l'Institut national du cancer (INCa)

Les personnes qui participent aux campagnes de dépistage sont souvent celles qui prennent soin d'elles. Comment toucher les autres ?

C'est bien le but de ces campagnes de dépistage : aller chercher les personnes qui ne se font habituellement pas dépister, qui n'ont plutôt pas de suivi médical. Il s'agit d'un programme égalitaire qui intègre toute la population concernée.

Peut-on évaluer le bénéfice/risque de ces campagnes ?

Contrairement au dépistage individuel, le dépistage organisé permet de suivre plusieurs indicateurs tels que les biopsies pratiquées ou le recours à un bilan complémentaire, de manière à surveiller la qualité et l'efficacité du programme et corriger le dispositif en cas de problème.

A-t-on une idée du coût engendré par ces campagnes et des économies générées par le dépistage précoce des cancers ?

L'organisation logistique des dépistages du cancer du sein et du cancer colorectal coûte de 100 à 150 millions d'euros chaque année. On sauverait entre 6 et 7 000 vies par an. Par ailleurs, il faut prendre en compte le fait que le traitement des cancers est inflationniste, compte tenu des progrès de la médecine. On utilise par exemple aujourd'hui des chimiothérapies de deuxième génération, très coûteuses. En revanche, les tests Hemoccult et les mammographies sont très peu chers.

Quelles sont les prochaines maladies qui pourraient faire l'objet de campagnes de dépistage organisé ?

La généralisation du dépistage du cancer colorectal est prévue en 2008. Le dépistage organisé du cancer du col de l'utérus est expérimenté dans quelques départements aujourd'hui et le dispositif devrait être étendu. Quant au dépistage du cancer de la prostate, son efficacité n'est pas prouvée. On n'est pas encore capable de différencier un cancer d'évolution rapide d'un cancer qui se développera très lentement. Or le traitement est lourd, avec des risques d'impuissance et d'incontinence. De manière générale, on ne met en place un dépistage que lorsque l'on est certain de la procédure à suivre et de son efficacité. <